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Sénerval : où sont trimbalées les poubelles strasbourgeoises ?

Depuis plus de deux mois, l’usine d’incinération des déchets ménagers de Strasbourg est à nouveau à l’arrêt. Que deviennent vos poubelles pendant cette crise ? Chaque jour, des centaines de camions les évacuent dans l’urgence vers une dizaine de sites en France et en Allemagne, et pas toujours à côté.

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L'Eurométropole estime qu'elle produit 160 000 tonnes de déchets ménagers par an, qu'il faut bien traiter malgré les problèmes de son usine d'incinération. (Photo Daniel Grossenbacher / Flickr /cc)

L'Eurométropole estime qu'elle produit 160 000 tonnes de déchets ménagers par an, qu'il faut bien traiter malgré les problèmes de son usine d'incinération. (Photo Daniel Grossenbacher / Flickr /cc)
L’Eurométropole estime qu’elle produit 160 000 tonnes de déchets ménagers par an, qu’il faut bien traiter malgré les problèmes de son usine d’incinération. (Photo Daniel Grossenbacher / Flickr /cc)

Des centaines de camions évacuent chaque jour les ordures ménagères des Strasbourgeois hors de l’agglomération. Depuis plus de deux mois, l’usine d’incinération des déchets ménagers de Strasbourg est à l’arrêt. Suite à la découverte d’amiante sur le site, elle fonctionnait au ralenti depuis juin, après un premier arrêt total de six mois entre novembre 2014 et mai 2015. Que deviennent nos poubelles pendant cette crise ?

Les déchets de l’agglomération sont détournés dans l’urgence vers une dizaine de sites en France et en Allemagne, et pas toujours à côté. Malgré le silence de l’Eurométropole, propriétaire de l’usine strasbourgeoise, et celui de Sénerval, exploitant, voici un point sur ces détournements.

C’est Sénerval, l’exploitant de l’usine depuis 2010, qui s’occupe de trouver de nouvelles destinations pour nos poubelles. Au départ, en novembre 2014, cette filiale du groupe mayennais Séché Environnement est allée au plus simple. Elle a expédié les 750 tonnes de poubelles quotidiennes de l’agglomération dans son site d’enfouissement près de Laval, en Mayenne, à 800 kilomètres de Strasbourg.

Une solution pas très écolo. L’enfouissement est l’ultime mode de traitement des déchets, le dernier auquel on doit avoir recours quand on n’a aucune autre possibilité pour valoriser les matières. Déjà au printemps 2014, pendant les grèves qui avaient paralysé l’usine deux mois et demi, Sénerval avait envoyé nos poubelles en sites d’enfouissement, en Mayenne et chez Suez en Lorraine.

Mais cette fois, l’Eurométropole, propriétaire de l’usine, a exigé que son délégataire cherche une issue plus acceptable et plus proche à nos déchets. Quitte à participer à la dépense.

Au moins 100 000 euros par jour pour la collectivité

À partir de la fin décembre 2014, le groupe Suez a accepté une part de nos poubelles dans ses usines d’incinération de Sausheim (Haut-Rhin) et Schweighouse (Bas-Rhin). Mais ces usines ne traitent pas assez pour éviter l’enfouissement du reste. Pas facile de trouver des usines disponibles pour brûler des déchets supplémentaires en plus de leurs entrées habituelles. Plus tard, une fois les autorisations administratives obtenues, une partie de nos déchets ont pu être incinérées en Allemagne, via les entreprises MVV Umwelt et surtout Bohn. En tout, 114 000 tonnes de déchets strasbourgeois ont été détournés pendant l’arrêt total de l’usine entre novembre 2014 et mai 2015, soit plus de 100 000 euros par jour pour la collectivité.

En juin 2014, deux des quatre fours de l’usine strasbourgeoise ont repris du service, à 85% de leurs capacités. L’idée était de les désamianter et de les moderniser une fois les travaux sur les deux autres lignes terminés. Malgré les risques que cela peut faire courir aux salariés, les syndicats n’ont pas souhaité s’exprimer sur ce point. Dès lors, l’usine pouvait incinérer 10 000 tonnes par mois. Il en restait donc encore 7 700 à détourner.

Des enfouissements jusqu’en décembre

Sénerval a en tout jonglé entre une dizaine de sites en France et en Allemagne pour évacuer ces déchets. Le groupe Véolia a notamment ouvert les portes de ses usines d’incinération en Champagne. Plusieurs difficultés ponctuelles sur ces sites ont émaillé ce parcours. Cet été, le site de Bourogne en Franche-Comté n’a pas pu suivre. En Champagne, un incident sur l’une des usines a amputé les capacités de traitement des déchets strasbourgeois supplémentaires dans la région. D’après Sénerval, entre janvier et octobre 2015, 60% des 148 432 tonnes de déchets détournées ont finalement fini leur voyage en décharge. Le reste a été incinéré.

Les sites qui accueillent les déchets strasbourgeois (liste non-exhaustive)

Des fuites de chaudière ont finalement contraint l’usine à un arrêt total le 15 octobre. Qu’advient-il de nos déchets depuis ? Dans l’urgence, une partie d’entre eux sont d’abord allés sur le site d’enfouissement lorrain de Téting (Suez). Après quelques ajustements, l’Eurométropole assurait le 7 décembre aux élus communautaires du groupe de travail sur la politique déchets de Strasbourg que plus aucun déchet ne partait désormais en enfouissement.

Mais cet équilibre reste précaire. Il est suspendu aux autorisations administratives temporaires des différentes usines d’incinération mobilisées. Et la crise strasbourgeoise devient durable. Pour l’heure, impossible de savoir quand les deux fours strasbourgeois redémarreront.

Une priorité : réduire les déchets à la source

Aujourd’hui, les élus s’entendent sur une priorité : réduire les déchets de l’agglomération à la source. Pour Françoise Schaetzel, élue EELV à l’Eurométropole, le maintien de l’usine d’incinération de Strasbourg n’est pas une fin en soi :

« Est-ce qu’autour de nous, il y a suffisamment d’usines qui peuvent prendre nos déchets résiduels ? Et s’il faut une usine, comment la calibrer ? »

L’Eurométropole s’était engagée à réduire les déchets de l’agglomération de 7% entre 2010 et 2015. Aujourd’hui cet objectif du plan de prévention sur les déchets est atteint, grâce à plusieurs mesures dont l’incitation des habitants à utiliser des composteurs collectifs pour leurs déchets organiques.

À Alsace Nature, si on reconnaît cet effort de la collectivité mais on regrette le manque de communication de l’Eurométropole sur la crise de l’usine Sénerval. Celle-ci aurait pu servir d’argument pour mobiliser les Strasbourgeois en faveur de la réduction des déchets :

« Si l’Eurométropole avait été plus transparente, on aurait pu faire de cette crise une opportunité. Vu les problèmes rencontrés avec Sénerval, on aurait pu imaginer que la collectivité en profiterait pour communiquer beaucoup plus massivement pour la réduction des déchets. Les gens ne savent pas où vont leurs déchets ».

« Territoire zéro déchets, zéro gaspillage »

En novembre 2015, l’Eurométropole est devenue, comme 95 villes de France, lauréate de l’appel à projet de Ministère de l’Environnement « territoire zéro déchets, zéro gaspillage ». Avec le soutien financier de l’Ademe, elle doit prolonger son effort des cinq dernières années pour réduire ses déchets à la source.

Après la mise en place d’une redevance incitative spéciale pour les collectivités et les associations, sur le principe du « moins on produit de déchets, moins on paie », l’Eurométropole va continuer ses efforts pour les particuliers et réfléchir notamment à la mise en place d’une redevance, indexée sur la quantité de déchets. On estime que 30 % des ordures ménagères peuvent être compostées.


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