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Bientôt des formations d’accompagnants sexuels pour handicapés

Créée en septembre 2013, l’association pour la promotion de l’accompagnement sexuel proposera, dès le mois de septembre, des formations et un agrément pour aider les personnes handicapées à vivre leur sexualité. Au corps de la différence, on réclame aussi le droit au Nirvana mais il faudra pour ça changer la loi.

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Bientôt des formations d’accompagnants sexuels pour handicapés

Place de parking pour personne handicapée (Karyn Christner / FlickR / cc)
La sexualité des personnes en situation de handicap est ignorée par les pouvoirs publics. (Photo Karyn Christner / FlickR / cc)

C’est un pied de nez que l’Appas entreprend à l’égard de la loi. Et un défi. Jusqu’à la jurisprudence ? C’est en tout cas ce qu’espère le président de l’association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas), Marcel Nuss, et son équipe, constituée notamment de quelques juristes. Ses détracteurs, et ils sont nombreux, y voient de la prostitution. Mais le président de l’association le soutient mordicus : il s’agit d’une thérapie. Niet les « fantasmes farfelus » et autres rendez-vous alambiqués. L’Appas ne touche pas un kopeck sur les rencontres entre les accompagnants sexuels et leurs clients.

Ni prostitué, ni assistant social

L’accompagnant est une sorte de thérapeute qui permet aux personnes de se reconnecter avec leur corporalité. Marcel Nuss, explique :

« L’idée est de retrouver l’estime de soi. L’accompagnement sexuel doit donc rester quelque chose de temporaire. Six séances maximum. La finalité est de retrouver les ressources pour créer du lien, réinvestir sa vie et devenir autonome, voire de trouver l’amour. »

Et Jill, secrétaire de l’association et accompagnante sexuelle, de détailler :

« Le but est très précis, et surtout pas du tout le même que les escorts. Il y a un processus de reconstruction. Nous ne sommes pas là pour aller au restaurant. C’est une chose que certains ont du mal à comprendre. Par le toucher, les caresses et la sensualité, nous devons permettre aux personnes en demande de retrouver un lien avec leur corps, au-delà des purs fantasmes sexuels. Cela passe du simple corps à corps à la pénétration en passant par la masturbation. L’accompagnant est toujours nu. Mais il n’y a pas autant de personnes qu’on le pense qui veulent vraiment faire l’amour, beaucoup attendent parfois, simplement, de voir une femme nue, de pouvoir la toucher. »

Un site, une page Facebook et 80 adhérents

Alors que les députés français votaient à l’Assemblée le 4 décembre 2013 une proposition de loi visant à pénaliser l’achat d’actes sexuels d’une contravention de 1 500 euros et d’une amende de 3 750 euros en cas de récidive, l’Appas se met en place et compte bien sortir de l’ombre avec un site, une page Facebook et plus de 80 adhérents. Selon ses membres, c’est plutôt la loi sur le proxénétisme qui pourrait les inquiéter, comme l’explique Jill :

« Nous pourrions être considérés comme des “proxénètes bénévoles” parce que nous mettons des personnes en lien avec des accompagnants sexuels. Même si nous ne percevons pas d’argent et que nous ne sommes que la passerelle entre eux. »

Depuis janvier, l’Appas travaille avec une dizaine d’accompagnants sexuels, dont quatre en Alsace. Parmi ces professionnels, une infirmière, une aide-soignante, un auxiliaire de vie et les sept autres travaillent dans l’escorting. Tous sont indépendants. Sur le long terme, l’objectif serait d’étendre le réseau à chaque ville de France et, pourquoi pas, puisqu’il faut voir grand, à l’échelle européenne.

Des formations pour devenir accompagnants sexuels

Sur le site de l’Appas, un programme de formation pour devenir accompagnant sexuel, sur trois jours, a été mis en place mi-avril et devrait se dérouler pour la première fois en septembre en Alsace. Encadrés par un sexologue-psychologue, un juriste, une spécialiste en massages tantriques et une accompagnante sexuelle, les participants rencontreront des accompagnants sexuels pour parler de leurs expériences, des questions de droits, d’éthique et des spécificités liées aux différents types de handicaps. Ils apprendront aussi des exercices de massages.

Et pour les professionnels du médico-social, une formation spéciale sera également proposée dès l’automne, pendant deux jours. Bref, des formations « très pratiques » selon Marcel Nuss, qui décrit la démarche :

« Pour un travailleur du sexe, il n’est pas question de leur apprendre ce qu’ils connaissent déjà. En revanche, il y a des gestes éthiques à connaître, comment enlever une sonde urinaire par exemple, gérer une trachéo, bref, beaucoup de détails liés aux différents handicaps et qu’ils ne connaissent pas forcément. Tout ne se passe pas en dessous de la ceinture ! »

Une séance dure une heure et demie et coûte 150 euros, sans compter les frais de déplacement (les prix varient alors beaucoup, entre tram et TGV). Mais pour ce qui est du coût et de la prise en charge, Marcel Nuss est catégorique, l’Appas est contre une prise en charge par la Sécurité sociale :

« La sexualité est un choix, handicap ou pas, il faut l’assumer. On compte trois millions de personnes en France qui souffrent de misère affective et sexuelle, pourquoi les personnes handicapées bénéficieraient d’un remboursement plus que les autres ? Et puis, il n’y aura plus d’effet thérapeutique si la Sécu rembourse. En revanche, nous serions pour une participation de l’État dans les charges spécifiques PCH. »

Donc pas question de « jouer les Saint Bernard » comme le précise Jill :

« Il faut comprendre les enjeux thérapeutiques et être soi-même très à l’aise avec son corps et sa sexualité. »

Marcel Nuss et sa compagne, Jill (document remis)
Marcel Nuss, le président de l’Appas et sa compagne, Jill, secrétaire de l’association et accompagnante sexuelle (document remis)

Le sexe, ce tabou

Selon Marcel Nuss, la France est toujours très en retard en matière de droit à la sexualité. Et des propositions de loi obsolètes qui ont la peau dure :

«  Pour l’instant, l’Appas n’a pas été confrontée à de réelles réactions. Le gouvernement ne s’attendait probablement pas à ce qu’on ose, nous créons un peu la surprise. Et si deux associations (l’APF, association des paralysés de France et le CNPCH, le conseil national consultatif des personnes handicapées) sont déjà mobilisées et de longue date dans le droit à l’accompagnement sexuel, elles n’ont jamais rien fait dans la pratique. Notre association les prend de cours. Nous proposons des formations et ça, c’est totalement novateur ! »

Un autre projet sur le feu, la création d’un site de rencontre entre les accompagnants et les personnes en demande.


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