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Shoot de lumière et rite chamanique, j’ai suivi une thérapie holistique au cœur de la plaine des Bouchers

Une lumière relaxante qui améliorerait la concentration et boosterait la créativité ? C’est ce que promet la Lucia n°3, une super lampe connue pour ses hallucinations psychédéliques. Je l’ai testée dans un centre de bien-être de la Meinau.

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Shoot de lumière et rite chamanique, j’ai suivi une thérapie holistique au cœur de la plaine des Bouchers

Le rendez-vous est fixé rue Schertz, au milieu de la plaine des Bouchers, entre un garage automobile et une entreprise de BTP. Par téléphone, Philippe Meyer m’a prévenu que l’espace n’était pas « forcément visible de l’extérieur ». En m’enfonçant dans l’allée qui donne sur une petite cour, une bannière publicitaire m’indique que je suis arrivé à bon port : « Lumynaissance : centre de bien-être holistique à la découverte de soi ».

Bracelets aux poignets et collier de pierres énergétiques autour du cou, le maître des lieux m’accueille tout sourire. « Tu veux un verre d’eau? ». « Je ne te propose pas de thé à cause de son effet diurétique. Ce serait dommage de gâcher l’expérience », embraye-t-il. Pendant près de deux heures, je m’apprête à effectuer mon premier voyage vibratoire (une préparation à base d’instruments de musique connus pour leur résonance), suivi d’une session de Lucia n°3 : une lampe psychédélique qui ferait halluciner comme sous LSD, une drogue hallucinogène connue depuis les années 1960, mais sans les effets néfastes. En tout cas, c’est ce que j’ai lu dans un magazine de société destiné aux 25-35 ans.

Philippe Meyer est l’un des quatre gérants de Lumynaissance (Photo Rue89 Strasbourg / Robin Dussenne)

« On ne devient pas Bouddha au bout d’une séance »

D’ordinaire, je ne suis pas vraiment branché par les médecines alternatives. J’ai déjà fait plusieurs séances d’acupuncture pour soigner le stress, sans grand succès. Mais il faut dire qu’on m’a vanté les mérites de cette nouvelle technologie qui améliorerait la concentration, la qualité du sommeil, boosterait la créativité et augmenterait même l’acuité mentale. Alors forcément, j’ai envie d’y croire !

L’histoire de Lumynaissance remonte à novembre 2016, quand les quatre partenaires actuels partent tester la Lucia au Zome bien-être de Moncaut, près d’Agen (Lot-et-Garonne). Enchantés par la « douche énergétique » – une technique qui consiste à libérer les blocages et les énergies négatives du corps – qu’ils viennent de vivre, les amis alsaciens décident d’investir et déboursent la bagatelle de 22 000 € dans ladite lampe. Leur entreprise est créée trois plus tard et inaugurée en juin 2017.

« À l’origine, j’ai plutôt un profil d’entrepreneur. Avant d’ouvrir Lumynaissance, j’étais commercial. Je pense que j’essayais de trouver la poule aux œufs d’or… En revenant du grand Zome, c’était clair. Il fallait ouvrir un centre de bien-être holistique à Strasbourg, en mélangeant la technologie de la Lucia avec des compétences de cartomancie ou de soins énergétiques. »

Au cours de la séance de luminothérapie, Philippe pulvérise des huiles essentielles (Photo Rue89 Strasbourg / Robin Dussenne)

Avant de débuter l’expérience, Philippe m’invite à « mettre une intention sous la lampe », c’est-à-dire penser et identifier un objectif à atteindre, pour que la séance ne soit pas seulement « un beau voyage visuel » :

« Attention, ce n’est pas une baguette magique ! On ne devient pas Bouddha au bout d’une séance, mais la Lucia peut être complémentaire d’autres activités comme le yoga, le reiki, tout ce qui est énergétique en fait. »

Je m’allonge sur le matelas gonflable au milieu de la pièce en me disant que si j’arrive à passer des nuits un peu plus paisibles, ce sera déjà ça de gagné. Le thérapeute tire les rideaux et se saisit d’un bol tibétain. C’est parti pour une demi-heure de cérémonie chamanique.

Musicien avant tout

Selon Philippe, cette introduction est essentielle pour préparer les corps et qu’ils réagissent à la lumière bombardée par la lampe. « Nous avons créé Lumynaissance à quatre. Chacun possède des compétences énergétiques », assure-t-il. Lui et sa compagne Cynthia ont notamment passé trois degrés de reiki. « Mais moi, je suis musicien avant tout. Je joue du piano, du saxophone, des percussions, des flûtes. »

Les tambours sont utilisés par Philippe et sa compagne Cynthia lors des voyages vibratoires (Photo Rue89 Strasbourg / Robin Dussenne)

Commence alors un festival de tambours, gongs chinois, percussions exotiques et de « vrombé », un instrument de musique de fabrication maison inspiré de la rhombe aborigène.

Les premières notes résonnent en même temps que des incantations dans une langue improbable qui sortent de la bouche mon hôte. « Ca me vient comme ça, tout est spontané ! » J’ai envie de rire. Puis au fur et à mesure que les vibrations se propagent dans la pièce, ma respiration change de rythme, se saccade, se bloque. Mon corps se soulève de façon incontrôlée. En ouvrant un œil, j’aperçois Philippe tournoyer autour de moi en brûlant de la sauge. Je suis partagé entre l’angoisse d’y passer, un sentiment sans doutes fantasmé par la fiction, et l’agréable sensation de quasi-transe que procure cette initiation au chamanisme. Place désormais à la Lucia.

Recréer l’expérience de mort imminente

En 2009, deux médecins autrichiens « assez barrés », selon Philippe, conçoivent cette technologie dans le but de recréer l’expérience de mort imminente, notamment le fameux tunnel lumineux que l’on apercevrait avant de partir. La Lucia est composée de huit LED qui clignotent tel un stroboscope autour d’un halogène. Pilotée par ordinateur, la lampe psychédélique est fournie avec 168 programmes, répartis en trois paliers d’intensité. « 90% des clients sont à l’aise avec le degré maximal », assure Philippe, qui concède ne pas les avoir tous testés.

La Lucia n°3 est positionnée environ 70 cm au dessus du visage (Photo Rue89 Strasbourg / Robin Dussenne)

Première étape, la sélection de la musique, ou plutôt de la « méta-musique ». J’ai le choix entre le bruit de la forêt agrémenté de voix lointaines et de didgeridoo, celui de l’eau accompagné de flûte de pan et enfin une bande son à l’univers cosmique et à la basse lourde. Je choisis le premier des trois CD. Il me semble être moins dramatique, moins flippant. « Il n’y a pas de mauvais choix », tente de rassurer Philippe.

Casque sur les oreilles, tête sur l’oreiller et plaid remonté jusqu’à la taille, j’entame mon heure de Lucia. Passé l’aveuglement assez désagréable du début, je commence à voir apparaître dans ma tête – car j’ai les yeux fermés – des flashs de couleurs qui tourbillonnent à 180 degrés. Au fil des minutes, ces couleurs deviennent de plus en plus vives, de plus en plus électriques. Et surtout, des formes de plus en plus nettes se dessinent : des mandalas et des kaléidoscopes multicolores. J’ai l’impression de planer, d’être dans un manège à sensations psychédéliques.

Canopée, pyramide et bébé aux cheveux blonds

L’appréhension du début passée, je me laisse transporter dans une relative inconscience et légèreté. Puis bientôt, les nuances de couleurs disparaissent au profit de la canopée, d’un œil vif, d’une pyramide et d’un éléphant, qui a l’air heureux. Comme moi. Enfin plus étrange, un bébé aux cheveux blonds bouclés en costard fait son apparition, il a la moustache d’Hitler. Je trouve ça bizarre, mais drôle. Mon trip laisse place à un écran bleu nuit, c’est la fin de « Riccione », un premier programme très doux de 22 minutes.

La suite n’est pas aussi réjouissante lors des programmes « Border » et « Sol 2 », de respectivement 20 et 17 minutes, qui suivent. Je suis beaucoup plus sensible à l’exposition lumineuse et j’en viens même à avoir la nausée. Je comprends que mes hallucinations étaient en fait synonyme d’hypnagogie. L’hypnagogie ? C’est cet état de semi-conscience que l’on traverse juste avant de s’endormir. Philippe interprète les fourmillements qui m’ont parcouru. La douleur qui s’est évaporée de mon genou et l’envie de vomir seraient « la preuve que l’énergie a circulé dans [m]on corps ».

Pour que la Lucia soit efficace, Philippe ne conseille pas de rythme particulier. « Certaines personnes vont avoir un déclic au bout de la première séance, d’autres au bout de cinq ou dix. C’est très personnel », confie-t-il. Et à 100€ la session, on peut comprendre les réticences à revenir régulièrement.

« Cette thérapie a un prix, j’en ai conscience. Si un client venait me voir avec un budget illimité, je ne conseillerais pas plus d’une séance par semaine. Ce serait déjà énorme. »

En rentrant chez moi, je suis encore sur mon petit nuage, un peu perplexe des bienfaits thérapeutiques, mais relaxé. Je partage l’expérience que je viens de vivre à mes proches, qui eux, restent sceptiques : « Mais enfin, ce truc a un effet placebo », « En tout cas, je ne mettrai jamais 100€ pour ça ! » Je ne sais pas si la Lucia m’a permis d’obtenir « plus de clarté » et les clés de compréhension promises, mais une chose est sûre : depuis cette séance du 6 février, je m’endors beaucoup plus facilement.


#Meinau

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