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20 ans après, Showgirls est de retour sur scène et il a bien vieilli

Étrillé par la critique dans les années 90, Showgirls, le film maudit de Paul Verhoeven ressort sur nos écrans. Le brûlot du cinéaste néerlandais, qui a bénéficié d’une vaste opération de revalorisation dans la presse, aura-t-il cette fois les faveurs du public ?

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20 ans après, Showgirls est de retour sur scène et il a bien vieilli

Showgirls, c’est une éducation sentimentale à la mode 90’s, l’histoire d’une danseuse attirée par les néons et les paillettes qui va se perdre dans le temple du vice, du capitalisme et de la putasserie (à Las Vegas, donc…).

Verhoeven, les deux pieds sur l’accélérateur

Le cinéaste hollandais Paul Verhoeven est un habitué du scandale, un européen alors perdu dans les méandres de l’establishment américain, un perpétuel outsider dans l’univers très cadré des studios de cinéma. Sa première incursion sur le territoire de la bannière étoilée était ainsi déjà nimbée d’un certain parfum de soufre. Avec Robocop, il marquait les années 80 du sceau de l’irrévérence et de la violence décomplexée. Et il aurait d’emblée pu être renvoyé sur le vieux continent. Mais son insolence étant couronnée de succès, il prit le parti de surenchérir.

En 1992, il triomphe donc avec Basic Instinct. Au terme d’une seule projection Cannoise, Sharon Stone est propulsée icône du 7ème art et Michael Douglas (alors superstar du cinéma) réduit au rôle de laquais consentant. Trois ans plus tard, avec Showgirls, Verhoeven tente simplement de remettre le couvert, de repousser, encore, les limites de ce qu’il est possible de vendre au plus large public en terme d’audace, de vulgarité et d’amoralité.

Avec le même scénariste, et une même volonté de porter au pinacle un visage inconnu, il narre l’ascension d’une danseuse qui ne songe qu’au fric et à la gloire, qui use de son corps et du sexe comme d’une arme. Mais les frontières de la tolérance ont été atteintes. Le public et la presse n’apprécient pas ce miroir tendu au capitalisme dévoyé. Le réalisateur néerlandais a donc lui-même creusé la tombe de sa carrière américaine. Il tournera encore deux films, tièdement reçus, avant de rejoindre son pays natal.

Copyright 1995 - PATHÉ PRODUCTION
Showgirls (Photo Pathé Production)

Revirement et statut culte

D’évidence, Showgirls est une œuvre importante dans la carrière d’un cinéaste important. Vingt ans avant Elle, il est passionnant de découvrir que Verhoeven s’employait déjà à une sorte de célébration détournée de la toute-puissance féminine.

Mais au-delà du film, on peut s’interroger sur les ratés de l’appréhension et de l’approche du film. Comme le chantait un moustachu, le temps ne change rien à l’affaire. Les qualités et les défauts du film étaient déjà là, sous nos yeux. Récit solidement mené par un auteur débonnaire et provocateur, Showgirls était d’évidence une pure satire. Il a pourtant été perçu comme un film creux, voir une célébration de la vacuité.

Verhoeven suscite ainsi le malentendu. Il prêche à demi-mot et n’est compris qu’à posteriori. Nul n’est prophète en son temps, pourra-t-on dire. Deux décennies plus tard, Showgirls n’est pas plus aimable. Mais il séduit parce qu’il n’est plus un film de notre temps. Son miroir est tendu au passé, c’est un vestige des années 90 et on peut donc, en toute sécurité, rire des travers de cette période.

Le revirement est encourageant. Dans vingt ans, sans doute, Elle sera peut-être apprécié comme un portrait au vitriol de la bourgeoisie à notre époque.


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