

Sophie Coudray a participé à la marche anti-coloniale, organisée par plusieurs collectifs, au départ de la place Kléber le 17 mars dernier. (Photo L.D)
Sophie Coudray, 21 ans, est étudiante en master Arts du spectacle à Strasbourg. Son sujet de recherche : le théâtre de l’opprimé. Guère étonnant de la retrouver militante au Nouveau Parti Anticapitaliste. Fondée en 2009, cette formation politique participe pour la première fois à une campagne présidentielle. Cinquième volet de notre série de portraits de jeunes militants.
Le genre théâtre de l’opprimé, né dans les années 1970 en Amérique latine, vise à mettre en scène une situation de conflit ou d’oppression, au cours de laquelle le public entre lui-même en jeu, pour apporter des solutions participatives au dénouement du problème. « Groupes minoritaires, luttes, combat »… Ces mots ponctuent régulièrement le discours de Sophie, aussi bien quand la jeune femme parle de son militantisme politique, que lorsqu’elle dit avoir choisi d’étudier le théâtre comme fenêtre d’observation du monde. Observation qu’elle souhaite approfondir en se lançant dans une thèse après son master.
Le lycée, son terreau de la résistance
A 16 ans, Sophie Coudray soutient le mouvement contre le CPE. Elle est en seconde dans un lycée orléanais et estime à ce moment-là défendre une revendication pour l’avenir. Son père est très sensible à l’écologie, sa mère proche des syndicats, sans s’engager pour autant. Ils ont accompagné le choix de Sophie. « J’aurais pu perdre mon année scolaire dans cette lutte, mais qu’est-ce qu’un an quand on défend son futur ? » ironise la jeune femme.
Elle reconnaît que sa famille a respecté ce choix qui a pu effrayer d’autres parents. Galvanisée par ce soulèvement de jeunesse, Sophie cherche à donner corps à « son envie de révolution » et intègre la LCR, Ligue Communiste Révolutionnaire avec un ami de son lycée. Son année de terminale littéraire est ponctuée par des actions de mobilisation avec la LCR et le Réseau Education Sans Frontière pour la défense d’une élève sans papier, menacée d’expulsion. Arrivée à Strasbourg pour ses études en arts du spectacle, Sophie Coudray se rapproche de la section locale de la LCR. C’était au moment de sa dissolution et de la fondation du NPA en février 2009.
Féminisme et renversement du système
Qu’il s’agisse de la LCR ou du NPA, ce qui préoccupe Sophie, c’est avant tout « l’urgence de la lutte ». Quelle lutte ? LA lutte ! Une lutte qu’elle estime nécessaire contre « le rythme effréné que prennent le néolibéralisme et la société patriarcale ».
Même si la jeune femme veut « rester fidèle à ses idéaux », elle reconnaît qu’il est parfois « décourageant de soutenir des luttes qui durent de plus en plus longtemps sans rien obtenir ». Elle s’entend souvent dire que son engagement anticapitaliste serait « une revendication étudiante qu’elle abandonnera progressivement quand elle devra entrer dans le monde du travail ».
Mais pour Sophie, il serait « triste de devoir se ranger du combat ». Un combat qu’elle mène avec aisance au sein de sa faculté. « Je suis dans un microcosme relativement favorable et ouvert aux questions posées, car le monde de l’art et du spectacle tend à être un milieu marginalisé. Les étudiants ont même pris l’habitude de me voir distribuer des tracts » souligne Sophie. Anticapitalisme, anticolonialisme, laïcité, féminisme, ce que Sophie apprécie au sein du NPA, « c’est de recevoir une formation théorique, faire un travail informatif pour comprendre, transmettre à son tour et pouvoir organiser la résistance ».
La résistance ! La jeune femme l’a également menée au sein d’un mouvement étudiant féministe.
« Le cadre associatif des Poupées en pantalon a représenté le lieu d’une expression, parfois plus radicale qu’un parti (ndlr, notamment à travers les quatre revues réalisées et éditées par l’association), car il semble plus facile de solliciter une association. Par exemple, les Poupées ont été invitées par la Commission des femmes à la Mairie, un parti ne l’aurait peut-être pas été » précise Sophie.
Lutter sur le terrain, plus que dans les institutions
Militantisme et associatif, Sophie en connaît un rayon. « Même si c’est prenant et fatiguant de courir sur tous les fronts à la fois, ce qui compte, c’est l’envie » sourit Sophie. Cette envie pourrait-elle se concrétiser par une carrière politique ? Sophie continuera à militer mais pas n’a pas l’intention d’entrer dans une institution qu’elle combat. « Je ne suis pas dans le compromis et je suis même fière de ma radicalité » se justifie-t-elle.
Cette radicalité, elle la définit comme « la nécessité d’un renversement total, d’un déracinement de la société en renversant le capitalisme et le patriarcat ». Quand la question des moyens concrets pour y arriver vient sur la table, la jeune femme avoue avoir « de belles idées utopiques » et souhaiterait « d’autres formes d’instances de décision, à inventer ensemble une fois le système renversé ».
Mais avant la révolution, Sophie se dit aussi angoissée par cette présidentielle, « nous sommes abreuvés de sondages, il est difficile de percevoir la réalité ». La réalité, pour son parti, est qu’il a été difficile également de recueillir les 500 signatures. Sophie a confiance en son candidat, Philippe Poutou, la jeune femme le répète pourtant, « l’urgence n’est pas de placer un nom, mais d’être présents dans toutes les luttes ». Une présence que la militante estimerait d’autant plus nécessaire que son parti a davantage l’expérience du terrain que des organes représentatifs.
Ce que l'on constate tout de suite en comparant les deux portraits - et j'espère que Sophie me pardonnera si je hasarde une telle comparaison, mais elle est toute à son honneur... - c'est que le jeune homme de la semaine dernière se trouve comme dans une dichotomie dans sa vie entre son engagement politique (si tant qu'engagement véritable il y a) et le reste. Et que ce qui dominait chez le jeune était l'angoisse de la retraite et la crainte de l'avenir. Déjà mort le mec !
Alors que là on est face à une personne qui est en harmonie avec elle-même. Où il n'y a pas de dichotomie entre le rugby et l'engagement politique qui apparaissent chez le jeune homme comme autant de hobbys qu'il lâchera un jour , mais où l'on sent bien chez Sophie que l'engagement politique et le choix d'un travail de recherche sur Augusto Boal sont bien là de réels choix de vie, aussi bien d''engagement et de pensée.
J'aimerais toutefois signaler entre parenthèse que si le "Théâtre de l'opprimé" d'Augusto Boal et bien un théâtre politique et de lutte spécifique s'inspirant de la Comedia del Arte et du théâtre de rue, il n'est pas le seul théâtre politique et de lutte.
Assez proche de de ce théâtre là et plus ancien, celui de Grotovski "Le théâtre pauvre" qui n'est pas un théâtre politique au sens où il est un théâtre à thématique obligatoirement politique, à message, mais qui est à mon sens plus profondément politique en ce sens qu'il est un théâtre du dépouillement, ne gardant que ce qu'il y a d'absolument nécessaire pour aller mieux à l'essentiel.
C'est donc à mon sens un théâtre fondamentalement politique en tant que tout le dispositif technique destiné à faire illusion est éliminé 1/ parce que toute façon il n'est pas possible de rivaliser avec les moyens techniques du cinéma et de la télévision (et là on est dans Hegel) et 2/ parce que cette réduction à l'essentiel rend chaque élément plus parlant justement en tant qu'il demande au spectateur une participation active plus intéressante dans la réflexion et non dans le pathos de l'identification ( et là on est chez Brecht)
Mais pour parler de théâtre réellement politique je préfère pour ma part remonter à Piscator l'inventeur du théâtre politique qui quant à lui (comme Brecht qui a été son dramaturge et assistant) intègre les nouvelles techniques du cinéma justement aussi parce qu'à l'époque le cinéma ne s'est pas encore affirmé comme genre propre et, en tant qu'art des masses, semble être le moyen le plus adéquat à l'action politique. Il est plus russe et allemand qu'américain, et il est plus universel parce qu'encore muet... Aussi est-il une image à laquelle le théâtre peut donner la parole. L'image d'un monde en pleine transformation et technique, et révolutionnaire !
J'aime bien à les lire, les expériences d'Augusto Boal quant à l'interpellation du spectateur (il y a une compagnie strasbourgeoise dont le nom m'échappe qui s'en réclame plus particulièrement) Je pense aux expérience parisienne dans la métro, aux interpellations des villageois au plus profond de 'lItalie ou de l'Espagne quant à la coutume de suspendre le drap souillé le matin de la nuit de noces , etc...
Néanmoins, et sans doute de par l'obscénité de l'interpellation des passants par la télévision en des mises en scènes ridicules qui se veulent drôles dans ce qu'est devenue la vieille caméra invisible, et qui est maintenant le fait d'amuseurs publics de la plus basse engeance (Bafie, etc..), il me semble que le théâtre de l'opprimé tel qu'il avait été pensé par Boal pour certains pays et à une certaine époque, n'est plus possible aujourd'hui.
Je dirais même que sous sa forme actuelle je déteste l'implication du spectateur dans le spectacle qui m'apparaît d'autant plus comme une violence que les spectacles qui utilisent aujourd'hui ce procédé sont finalement profondément bourgeois.
De plus vous aurez constaté que pratiquement toutes les villes maintenant organisent leurs animations d'été à partir de spectacles de rue qui sont à des années lumières de toute fonction politique, si ce n'est celle de distraire les touristes et ainsi de pacifier l'été. De plus les interpellations des spectateurs ne sont chez ces bateleurs que des harangues fictives. Essayez une fois de leur répondre (même et surtout en leur plaçant en douce quelques répliques de théâtre) Ils seront les premiers offusqués de ce que vous vous immiscez dans l'intimité de leur jeu. Il serait en ce sens intéressant dans votre travail d'opérer une comparaison entre le réel travail politique du théâtre d'Augusto Boal et les vagues distractions pour touristes de ces amuseurs publics pour municipalités en mal d'animation d'été.
Mais pour un réel théâtre politique en nos régions allez voir du côtés des Foirades (Attention ! Forte Personnalité ! )
Maintenant et désolé de mettre trop étendu sur l'aspect artistique, juste une ou deux questions : est-il vrai que la LCR devenant NPA
a abandonné 1/ la notion de Lutte des Classes 2/ la notion de Révolution.
Ensuite, et pardonnez la naïveté de ma question,
quelles sont les lignes directrices essentielles du trotskisme qui restent en le NPA et qui resteront comme des disons dogmes non négociables.
Enfin il me semble qu'un des éléments essentiels qui reste est le refus de toute compromission dans un gouvernement quelconque. C'est cela sans doute qui empêche tout rapprochement avec le Front de gauche. Mais alors pourquoi présenter un candidat à la présidentielle ? Et si le gouvernement au pouvoir n'était pas miracle - on peut toujours rêver - plus un gouvernement bourgeois (ni UMP, ni PS) une participation à un pouvoir disons révolutionnaire même non majoritairement trotskiste serait-il envisageable ?
Finalement une des idées les plus opératoires de Lénine aura quand même été celle du fameux glissement vers la gauche. ;-)
Ce n'est qu'en France qu'on est obligé d'en venir là !!
Chez les Allemands , très peu de grèves, tout simplement parce que les syndicats sont beaucoup plus puissant.....
Et tout se passe par la négociation.......
En sachant qu'en cas de grève, les travailleurs sont payés par les syndicats......
Au fait, Sophie Coudray va-t-elle voter POUTOU ou MELENCHON ?
"Les manifs et grèves ne sont pas forcement une obligation pour obtenir quelque chose ……."
Sur ce point vous avez raison.
1/ En principe il y a ce que l'on appelle le droit du travail qui devrait en principe être fait de manière à ce qu'il soit le plus équitable pour tous.
Un premier problème tient au fait que ce droit est un droit de classe (lutte des classes) et que la classe dominante au pouvoir
le construit selon ses intérêts de classe.
Un second problème vient du fait qu'il n'est pas toujours, et même de moins en moins respecté.
La droite au pouvoir en cherchant à le contractualiser au maximum va dans le sens d'une toute puissance des patrons et surtout sociétés multinationales au détriment de l'ouvrier.
2/ D'autre part il y a la négociation. Celle-ci ne peut-être efficace que si le rapport de force est conséquent. Autrement si les syndicats sont forts. Or, tout est fait pour les affaiblir. Et certains (CFDT) sont eux-mêmes plus dans la collaboration des sociaux-traîtres.
"Ce n’est qu’en France qu’on est obligé d’en venir là !!"
C'est faux ! Il y a d'autres pays où les syndicats sont pareillement affaiblis
"Chez les Allemands , très peu de grèves, tout simplement parce que les syndicats sont beaucoup plus puissant….."
Et là vous aviez raison avant la réunification.
Mais depuis les choses ont changé et les syndicats se sont singulièrement affaiblis. Les grèves sont donc aujourd'hui plus fréquente qu'avant la chute du mur.
"Et tout se passe par la négociation…"
Se passait oui et se passe encore. Mais certaines personnes craignent justement que ce système allemand a créée une sorte de caste intermédiaire qui ayant intérêt à garder ses fauteuils serait prête à de plus grand compromis avec le patronat.
Depuis quelques années, les syndicats allemands sont devenus beaucoup plus et sombrent parfois dans la compromission qui justement détériore le statut des ouvriers allemands.
"En sachant qu’en cas de grève, les travailleurs sont payés par les syndicats……"
Oui mais en sachant aussi que les problèmes majeurs aujourd'hui sont les fermetures et les délocalisations et que là on n'est plus dans des problèmes de grèves mais d'occupations, etc...
"Au fait, Sophie Coudray va-t-elle voter POUTOU ou MELENCHON ?"
Là on ne voit que vous ne savez pas ce qu'est le NPA...
Ma question sur les "votations" est au gout du jour, vu que certains membres du NPA vont voter pour MELENCHON...
Pour travailler en Allemagne depuis quelque temps déjà ,et bien que je ne sois pas toujours d'accord avec eux, il faut reconnaitre que les syndicats sont efficaces simplement parce qu'il n'y en a qu'un par branche, qu'il y a beaucoup plus de syndiqués....et que la mentalité allemande est très différente de la française....
ET même les "Ossies " font maintenant partie des Allemands..
Vu que même leur "cheftaine" en est un !!!!
Et puis comme je le soulignais dans un autre post l'abandon du trotskisme comme référence idéologique centrale,(presque plus personne là dedans a lu les texte du vieux Lev Davidovitch), la - je pense - disparition de la référence explicite à la "lutte des classes" comme des conditions destinées à favoriser une ouverture plus large, tout cela à mon sens, même si cela a apporté dans un premier temps des "militants" (mais l'adhès à prix réduit de la Royal à aussi amené des gens au P.S. à l'époque les engageant dans une erreur stratégique majeure), cela a finalement brouillé les ligne et les enjeux.
Et veuillez m'excusez si un vieux bolchevik comme moi n'a pas tout de suite saisi l'ironie de votre question, mais le fait d'appartenir à un parti qui présente un candidat à une élection est ne pas voter pour lui me paraît assez difficilement pensable. A part, effectivement, où la configuration de ce parti implique le refus de toute participation au pouvoir.
Maintenant pour les syndicats, je suis d'accord avec vous qu'ils sont plus efficaces souvent que les français et sont plus proches de l'esprit syndical originel qui consistait avant tout à être une caisse commune destinée à permettre la survie durant les grèves.
Seulement, imaginez la situation où un syndicat aurait le monopole par branche et que ce syndicat soit la social-traître CFDT !
J'étais pour ma part assez pour une obligation de tous les salariés à se syndiquer jusqu'à ce que j'ai entendu au détour d'un discours Srakozy le proposer et me suis demander où pouvait se cacher le lièvre...Enfin vu la succession de propositions contradictoires chez cet homme...
D'autre part, vous dites qu'il y a un syndicat par branche, mais y a-t-il à l'intérieur de ces syndicats des courants ? Ce qui reviendrait au même que d'avoir finalement plusieurs syndicats qui se retrouveraient en intersyndicales. Et puis vous parlez des ossies. Il est clair que les ouvriers de l'Est n'ont pas été au départ dans les mêmes situations que leurs camarades de l'Ouest surtout avec une Treuhand qui privatise à tout va et que par contre les revendications ont été d'une autre nature.
Quant au mentalité je suis d'accord avec vous mais je crois aussi que l'on ne doit pas s'arrêter là et que dans le rapport de force finalement il y a au moins une mentalité commune : celle des patrons qui veulent faire du profit.
Quant à Angela, c'est certes une Ossie, mais parfois je me demande si elle n'était pas dès le début une infiltrée de la CIA dans la DDR ;-)
Quand aux grèves soit disant payées, c'est entièrement faux. Déjà parce que tous les grévistes ne sont pas syndiqués.. Et tous les syndicats n'ont pas les moyens de payer les grèvistes. Ceux qui le font en général appellent peu souvent à la grève forcément. Et c'est un moyen de gagner des adhérents, qui en retour ont aussi des attentes personnelles.
Parole de syndiquée !
Au cas où vous ne le saviez pas, c'est grâce aux luttes, aux grèves, aux manifs, aux occupations d'usine que les conditions de travail se sont améliorées tout au long du XXè siècle, ce sont les travailleurs et travailleuses qui ont arraché leurs droits, ce n'est pas le patronat qui leur a offert bien gentillement. Les grèves et manifs ne sont pas organisées par simple plaisir, il ne s'agit pas d'un loisir mais d'une nécessité pour sauvegarder des emplois et lutter contre des conditions de travail toujours scandaleuses aujourd'hui.