
Rue89 Strasbourg et le cabinet Repérage Urbain lancent mercredi « Strasbourg 2028 », une application pour imaginer la ville, en débattre et faire émerger des propositions citoyennes. On n’est peut-être pas encore en 2028, mais jusqu’en mars 2014, votre média favori vous propose de faire de la politique locale en utilisant les technologies du web et la puissance des réseaux sociaux.
Depuis le début de l’été, Rue89 Strasbourg vous a proposé des articles sur « les aménagements qui ont fait débat« . Les pétitions et contre-pétitions autour du jardin du curé ont bien plombé l’ambiance à la Robertsau, les arguments en faveur ou contre le tramway sur pneus à Koenigshoffen ont fini en chantages politiques à peine voilés… Les concertations ont été très vives, parfois trop et les participants en sont souvent ressortis avec un sentiment de gâchis ou de vacuité.
C’est que le dialogue démocratique local est une invention récente. Alors pour qu’il ne tourne pas au pugilat d’ici mars 2014, date des élections municipales, Rue89 Strasbourg s’est associé avec le cabinet Repérage Urbain pour proposer aux Strasbourgeois de participer aux débats, mais confortablement assis devant leur bureau, avec Strasbourg 2028. Il s’agit d’une application en ligne de démocratie participative, où chaque citoyen peut voter pour ou contre des propositions d’aménagements, et ajouter les siennes. Strasbourg 2028 sera disponible mercredi 28 août.
Des concertations de surface
Le gérant de Repérage Urbain, Éric Hamelin est un sociologue strasbourgeois, installé à Paris. Son métier, c’est justement d’aider les collectivités à gérer leurs concertations :
« La concertation peut vite virer à l’impasse démocratique. On arrive avec des grandes cartes, des concepts d’agglomérations bien compliqués, du jargon type « mixité fonctionnelle » ou « densité urbaine » et on demande aux gens, après quinze minutes de présentation, de s’exprimer et de donner leur avis sur des projets qui ont mis des mois à être élaborés… Si les élus et les architectes d’un projet ne se sont pas dotés de réelles capacités d’écoute, c’est l’échec assuré. »
Les habitués des réunions publiques connaissent aussi le coup des « variantes » : à l’issue d’une présentation, une seule option apparaît comme raisonnable parmi les trois proposées, et emporte la quasi-totalité des suffrages. Autre grief apporté à la démocratie locale, elle n’implique pas correctement l’ensemble de la société, comme l’explique Éric Hamelin :
« Dans les réunions publiques, souvent organisées vers 19h, il y a une surreprésentation des retraités, ça se voit rien qu’en jetant un oeil au public présent. Les actifs, particulièrement les jeunes, en sont souvent absents sauf lorsqu’ils sont concernés très directement par l’aménagement en débat. On a alors affaire à des râleurs. Pour être sûr d’avoir recueilli suffisamment d’avis, en provenance d’un large spectre de la population, les municipalités devraient mettre beaucoup de moyens dans la concertation : sondages, réunions doublées ou triplées, porte à porte, expositions, etc. Ce qu’elle ne font évidemment pas toujours et elles se privent des petites idées, créatrices, qu’ont les gens. »

L’application attribue des « scores » en fonction des propositions les plus discutées (capture d’écran)
Le web s’invite dans le débat public
Le cabinet Repérage Urbain s’est occupé de la concertation autour du plan local d’urbanisme de Laval, en Mayenne. Pour faire face à l’étendue du périmètre, Éric Hamelin a eu l’idée de demander à son frère Renaud, qui a une agence web au Vietnam (15 Green Leaves), de concevoir une application pour recueillir les idées et faire émerger les tendances. Carticipe, le nom générique de l’application, est née en février 2013 :
« Carticipe n’a pas remplacé les réunions publiques et les échanges de courrier, mais on a pu intégrer aux synthèses les avis d’un public qu’on n’avait jamais dans les concertations, les jeunes, les geeks… et tous ceux qui ne pensaient pas que leur idée pouvait avoir de l’importance ou recueillir l’approbation d’autres citoyens. On a eu plus de 500 propositions, ce qui est pas mal pour une ville de 50 000 habitants, dont certaines qui n’auraient jamais émergées sans cet outil, comme la suggestion de renommer la « salle polyvalente » de Laval par exemple. »
D’autres applications autour de la démocratie locale et participative surgissent depuis quelques mois, citons par exemple Izwe et Beecities de La Netscouade, G-Ny à Nancy ou encore la start-up strasbourgeoise BrainCity. Le marché de ces applications est encore balbutiant, principalement parce que ces outils affichent publiquement tous les problèmes et permettent aux citoyens de tous les faire remonter. Il faut donc des élus particulièrement ouverts au dialogue pour les accepter pour leur ville.
A Strasbourg, Repérage Urbain propose son application aux lecteurs de Rue89 Strasbourg pour en faire un outil de débat constructif de la campagne des élections municipales. Régulièrement, nous publierons des idées tirées de l’application et dans quelques semaines, nous proposerons une synthèse des idées exprimées, en tenant compte notamment du nombre de votes qu’elles auront obtenu. Nous espérons que les candidats en lice sauront se saisir eux aussi de cet outil pour intégrer dans leurs programmes les idées qui auront leur préférence.
N’hésitez donc pas à peaufiner vos idées et vos suggestions et rendez-vous mercredi soir pour le lancement !
Aller plus loin
Sur Strasbourg 2028.com : Lancer l’application
Sur Rue89 Strasbourg : Strasbourg 2028, le mode d’emploi
Sur Facebook : la page de Strasbourg 2028
Sur Rue89 Strasbourg : Les aménagements qui ont fait débat (série)
Sur DNA.fr : La démocratie participative vire à la foire d’empoigne
La démocratie participative est une dynamique qui monte. Je suis surprise que cette constatation vous amène à une négation et non à un questionnement. Elle représente un besoin, aussi elle ne partira pas avec un coup de balai ;)
Les limites de la démocratie dite représentative, directe, est qu’une personne même élue et conseillée, ne sera jamais omnisciente ou omniprésente. Or en urbanisme on construit des villes ou morceaux de ville, c’est-à-dire des lieux pour et vécus (si ce n’est financés) par tous, il donne à voir une scène publique. C’est pour cela que l’urbanisme est complexe. Réaliser des villes demande une pléthore de spécialistes, mais saisir tous les besoins et pratiques à toutes les échelles, reste un vrai défi ! C’est ici que l’œil du passant, l’idée du badaud ou la pratique de l’habitant est indispensable ! Car une chose est sure, une ville n’est jamais aussi attractive – objectif premier d’un maire – que quand elle est aimée par ses habitants, en d’autres termes : pratiquée !
Malgré ce – vieux – constat, la participation reste difficile, elle ressemble plutôt à une mauvaise volonté d’information. Ainsi, alors qu’en France, elle est franchement obligatoire depuis 2000 (loi de Solidarité et de Renouvellement Urbain), les réunions publiques sont restées un vrai calvaire, pour tous. C’est l’arène entre le NIMBY et « langue de bois » des spécialistes et autres politiques. Souvent les débats n’apportent que des procès à venir, qui eux seront de luxueux chronophages !
Or la coopération large (politiques, habitants, professionnels, services en mairie…) a prouvé qu’elle apportait beaucoup de bénéfices : validation du projet politique, analyse riche et fine, nouvelles idées, économies… quand les conditions sont bonnes, sont de qualité. Pour des exemples proches, je vous conseillerai de regarder ce qui se fait aux USA ou en Europe du nord.
Ainsi pour conclure je dirai qu’il n’est plus le temps de se demander s’il faut de la démocratie participative au moins en urbanisme (lieu des conjonctions d’échelles), mais bien quelle forme est la plus pertinente ! En France, dans ce pays jacobin, c’est cette question qu’il faut résoudre, et le net est un accélérateur et un facilitateur. C’est donc une voie à suivre, car oui, l’urbanisme est une affaire de spécialistes – au sens large !
Cordialement
Ce qui est intéressant dans la démarche Carticipe c'est qu'elle change le périmètre (taille de groupe, parties prenantes, durée, format de restitution) du processus de concertation. Ce qui est fort dans l'idée, c'est de l'intégrer dans un dispositif (assemblage de systèmes).
Quelques remarques/bémols, déjà en partie mentionnés dans l'article:
- nécessité d'instaurer un système simple de filtre par modérateur ou communauté afin que trop d'idées farfelues ne polluent le débat, qui doit rester lisible même si foisonnant
- si les retraités sont surreprésentés dans les réunions (et peut-être est-ce parce qu'ils ont plus la fibre démocratique, et pas seulement par disponibilité, je vois en effet plein de jeunes sur les terrasses à 19h!), ils sont souvent sous-représentés en ligne. Les 2 systèmes doivent donc être complémentaires et pas mutuellement exclusifs
- d'ailleurs, quelles est la visibilité de Strasbourg 2028 auprès des élus? Leur donnera-t-on l'ensemble des réflexions, un résumé? Pourront-ils intervenir?
- importance d'essayer de chiffrer, même grossièrement, le coût des projets. En parlant de démocratie directe, la Californie est un contre-exemple, où les citoyens votent régulièrement pour baisser les impôts et augmenter les services publics, menant à un déficit dramatique. Avoir une idée du coût d'un projet peut aider les votants à s'exprimer et donc à identifier des priorités
Quant à ce nouveau virus qu'est la démocratie participative, permettez moi d'exprimer mon opinion sur le sujet. D'après mon expérience, politique et professionnelle, je crois savoir de quoi je parle.
Démocratie donc : de droit et de fait, nous sommes dans une démocratie directe où citoyennes et citoyens élisent librement leurs représentants. À partir de là il y a délégation, confiance (ou pas) en une politique menés par nos élus. C'est leur boulot de faire ce pourquoi ils sont élus et ont, pour cela, une armée de techniciens et de conseillers à leur disposition. Souvent compétents. Aussi, je ne vois pas pourquoi j'irai me mêler de la couleur d'un lampadaire ni même d'un tracé de tram (dont les recours citoyens ont coûté une fortune à la collectivité, vous vous en souvenez sans doute). Qui plus est, cela retarde la réalisation des projets (passage obligatoire en conseil municipal, en conseil Cus, etc). Du bling bling démago. Pour boucler mon propos, retour à la démocratie directe : la sanction des urnes. C'est dans l'exercice du droit de vote qu'il convient d'être pédagogique. "C'est aussi un devoir" !
Bien amicalement à toute l'équipe. J'accepte que mes propos soient publiés.
Car non, (et il faut avouer que bon nombre de non concitoyens pensent encore que notre démocratie serait "directe" et indépassable, c'est tout le drame!) nous ne sommes pas dans une démocratie directe mais dans une démocratie représentative (donc INDIRECTE, via des ELUS) ce qui est évidemment bien différent, PAR DEFINITION...
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_directe
Bref, c'est bien de faire preuve d'arguments d'autorité pour saborder tranquillement un article et, accessoirement, l'idée que des citoyens pourraient participer à la vie de la cité autrement qu'en déposant un bout de papier dans une urne tous les cinq ans, mais mieux vaudrait réfléchir à deux (voire trois) fois avant d'écrire une légère contre-vérité... une base pour tout journaliste... même retraité ;o)
La démocratie directe est bien autre chose qu'une démocratie élective de représentants... d'autant que les représentants peuvent aussi être par exemple tirés au sort, ce qui est une alternative technique au vote. Démocratie = vote suffrage direct est un raccourci conceptuel très courant dans l'esprit de beaucoup de personnes, ce que le lapsus que j'ai souligné sur la démocratie directe "actuelle" dans laquelle nous serions ne fait qu'illustrer...
Les mots ont un sens, et un journaliste même retraité doit y prêter attention il me semble. Sinon, tout peut vouloir dire tout et ... y compris son contraire ;o)