« Aujourd’hui, on estime qu’il y aurait plus de 17% de personnes en situation d’obésité en France, mais on ne les entend jamais et on ne les voit nulle part », s’agace Solène Lavelle. En novembre, cette Strasbourgeoise de 36 ans travaillant dans le domaine de la communication a fondé Grasbuge, un collectif de lutte contre la grossophobie, terme qui désigne l’ensemble des comportements, discriminations et oppressions manifestés à l’encontre des personnes grosses (en surpoids ou obèses). À la veille de son premier événement, Rue89 Strasbourg a échangé avec la coprésidente et la trésorière de cette jeune organisation.

Rue89 Strasbourg: Comment est né Grasbuge? Pourquoi avoir choisi de fonder un collectif de lutte contre la grossophobie à Strasbourg ?
Solène Lavelle (coprésidente) : Grasbuge est un collectif féministe de sensibilisation, d’éducation et de lutte contre la grossophobie qui est né en novembre 2024. Je suivais plusieurs mouvements comme Gras politique ou Gros amour sur les réseaux sociaux et je me disais qu’il manquait un mouvement de lutte contre la grossophobie à Strasbourg. Il existe ici un certain nombre de collectifs féministes mais aucun n’aborde ce sujet spécifiquement. La plupart des groupes militant sur la question sont nationaux ou basés en Île-de-France. Et je voulais un ancrage local, que ce ne soit pas juste un compte Instagram pour faire de jolis posts, mais qu’il puisse proposer des rencontres entre personnes qui souffrent de la grossophobie.
La lutte contre la grossophobie n’est pas toujours bien comprise ni acceptée. De quoi parle-t-on exactement ?
Lizon Fourrage : La définition large de la grossophobie englobe toutes les discriminations vécues par les personnes grosses ou perçues comme grosses. Au quotidien, cela peut être des violences physiques et psychologiques mais aussi des difficultés à accéder à l’espace public en général, avec, par exemple, des places assises pas adaptées aux personnes grosses dans les transports.
Une discrimination cumulable
Solène Lavelle: S’ajoute à cela également la grossophobie médicale, c’est-à-dire le manque d’accès aux soins, soit parce que les équipements ne sont pas adaptés pour recevoir les personnes grosses, soit parce que le corps médical ne va pas prendre au sérieux ce que dit une personne grosse de ses symptômes parce qu’elle est grosse et que supposément tout découlerait de ça. Il peut même y avoir une comorbidité pour les personnes grosses, du fait de retards de diagnostics liés à une mauvaise prise en charge. On va vouloir expliquer l’origine d’une douleur par le poids, sans investiguer pour trouver la véritable origine… S’ajoute à cela des discriminations à l’embauche, une stigmatisation intrafamiliale…
C’est vraiment une discrimination qui est vécue dans toutes les tranches de la société et qui est cumulable avec d’autres, comme le fait d’être une femme ou une personne non blanche. Ça nous énerve beaucoup quand on nous accuse de faire « la promotion de la grosseur », quand on nous prête un discours qui consisterait à dire que c’est génial d’être gros. Ce n’est pas ça du tout. On milite juste pour que les personnes grosses aient le droit au respect et à la même accessibilité que les autres. On en est encore là. On veut que les personnes grosses puissent exister dans l’espace public : accéder à un avion, une imagerie médicale, des vêtements… C’est une question de dignité et de respect.

Pourquoi avoir choisi une rencontre autour du livre Manger sans culpabiliser comme premier événement de GRASbuge ?
Solène Lavelle : C’était une opportunité puisque Zina sortait son livre et faisait la tournée des librairies. Cet ouvrage, elle le décrit comme un cheval de Troie parce que ça ne parle pas que d’alimentation intuitive. Derrière ce titre relativement doux, il y a un texte très politique et militant, qui parle de la culture des régimes, de la misogynie, du sexisme, du racisme et du culte du corps. C’est une stratégie de sa part, de faire en sorte que son livre soit placée au rayon « développement personnel », pour pouvoir toucher des femmes qui ont envie de lire autre chose sur l’alimentation et leur délivrer un message politique. Elle rappelle aussi que plus on est obsédée par ce que l’on doit manger, par notre apparence, plus on se met en famine et dans le contrôle, moins on est occupées à faire autre chose, comme… militer par exemple.
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