« On est en rupture totale, il faut voir comment faire avec votre médecin. » La pharmacienne de la rue du Dôme paraît dépassée ce 13 février. Elle n’a plus que deux boites du médicament à base de quétiapine inscrit sur l’ordonnance de Marie-Agnès. « On passe les commandes mais ça n’arrive pas. Peut-être qu’il faudra que vous changiez de traitement », poursuit-elle derrière le comptoir.
Marie-Agnès est dépitée en sortant de l’officine. Atteinte d’un trouble bipolaire, elle prend de la quétiapine tous les jours depuis dix ans. « Ils n’ont toujours pas de solution », constate-t-elle. Il lui reste des comprimés pour tenir quinze jours :
« C’est fou qu’ils ne communiquent rien. On m’a annoncé qu’il y avait une pénurie à la pharmacie près de chez moi début janvier. J’ai tout de suite fait trois officines au centre-ville pour avoir du stock. »
Équilibre précaire
Si cette sexagénaire met autant d’énergie pour trouver de la quétiapine, c’est qu’elle tient à l’équilibre qu’elle a trouvé grâce à cette molécule. « On a mis du temps à déterminer le bon dosage », explique t-elle :
« J’ai dû accepter de prendre un traitement à vie, avec des effets secondaires lourds, de la prise de poids, de la tachycardie, de la somnolence. Mais je préfère ça que d’entrer dans des phases de dépression avec des idées suicidaires, et des périodes de manie où je suis irritable, je parle très vite, je dépense beaucoup d’argent, j’ai envie de tout détruire… »

Marie-Agnès confie avoir arrêté son traitement sans le dire à sa psychiatre « cinq fois », avant de se retrouver systématiquement à l’hôpital psychiatrique de Brumath. « Je ne dors pas pendant plusieurs jours, et après je peux rentrer dans des états psychotiques délirants, ajoute t-elle. Évidemment, j’ai peur de me retrouver dans cette situation. »
« Pour le moment, on n’a pas vu de choses dramatiques, les patients n’ont pas fini leurs boites », rapporte le professeur Gilles Bertschy, chef d’un service de psychiatrie aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg :
« La quétiapine est très polyvalente, on l’utilise pour les personnes bipolaires, dépressives, schizophrènes, borderline… Si la pénurie continue, on est à la merci de voir apparaitre des ruptures de traitement, et donc des rechutes et la réapparition des symptômes liés à chaque pathologie. »
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