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C’est quoi ces tags #SaveYourInternet partout à Strasbourg ?

En lettres blanches ou jaunes, des hashtags #SaveYourInternet ont fleuri en nombre sur les trottoirs de Strasbourg. Mais pourquoi internet serait-il en danger ? À cause de la réforme du droit d’auteur, pardi ! C’est du moins ce qu’affirment bon nombre de lobbyistes opposés au texte.

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C’est quoi ces tags #SaveYourInternet partout à Strasbourg ?

À midi ce mercredi, un vote très attendu se tiendra au Parlement européen, en session plénière à Strasbourg : la réforme du droit d’auteur dans l’Union européenne. L’idée générale du texte est de rééquilibrer le rapport de force entre les créateurs (artistes, créateurs, auteurs mais aussi les journalistes) et les grandes plateformes du numérique. Deux dispositions sont particulièrement sensibles : l’article 11, qui envisage la création de droits voisins pour les éditeurs de presse, et l’article 13, qui s’attaque au « value gap », ou écart de valeur, soit le décalage entre les bénéfices engrangés par les plateformes d’un contenu protégé et ce que perçoivent réellement les créateurs, en bout de chaîne.

Pas moins de 150 amendements ont été déposés en vue du vote de la directive "droit d'auteur". (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)
Pas moins de 150 amendements ont été déposés en vue du vote de la directive « droit d’auteur ». (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)

Depuis le début des pourparlers autour de ce texte (proposé par la Commission européenne en 2016), les eurodéputés sont soumis à une intense pression. Virginie Rozière, eurodéputée membre du groupe des Socialistes et démocrates européens (S&D) au Parlement, raconte :

« Entre le vote en commission des Affaires juridiques et le premier vote en plénière [durant lequel le mandat de négociation a été rejeté, ndlr.], en juillet, deux semaines seulement sont passées… durant lesquelles j’ai reçu pas moins de 40 000 e-mails au sujet du droit d’auteur ! Le lobbying autour de ce texte est pire encore que celui que nous avons connu lors de la négociation de la directive sur les armes à feu. »

Elle pointe notamment du doigt la campagne #SaveYourInternet, qui est dirigée et fondée par Copyright for Creativy, une coalition de lobbies actifs dans le domaine du numérique. Elle compte notamment en son sein la très puissante Computer and Communications Industry Association (CCIA), qui, elle-même rassemble Google, Amazon et autres Facebook. Sur le site, il est notamment possible d’envoyer automatiquement des e-mails à un ou plusieurs eurodéputés, afin de les inciter à voter contre le texte. Résultat : les boîtes e-mail des élus européens débordent.

Derrière le hashtag #SaveYourInternet se cachent des représentants d'intérêts des grandes plateformes du numérique. (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)
Derrière le hashtag #SaveYourInternet se cachent des représentants d’intérêts des grandes plateformes du numérique. (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)

Virginie Rozière n’est pas la seule députée à être estomaquée par l’ampleur de la mobilisation. Dans le camp adverse, à droite, Marc Joulaud, membre du Parti populaire européen, faisait aussi part de son désarroi alors que le mandat de négociation venait d’être rejeté en session plénière, début juillet :

« C’est une campagne de lobbying d’une violence sans précédent qui a été orchestrée par les GAFA. On a manipulé les citoyens en jouant sur leurs peurs, on a assimilé les députés à des censeurs militaires, on les a insulté et menacé de mort. Ce sont des méthodes abjectes et profondément cyniques qui montrent bien à qui l’on a affaire, mais qui ne font que renforcer mes convictions. »

Le vote du texte se tient ce mercredi 12 septembre à midi. (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)
Très attendu, le vote du texte se tient ce mercredi 12 septembre à midi. (Photo CS / Rue89 Strasbourg / cc)

Un débat très mal posé

Depuis l’échec du texte début juillet, plus de 150 amendements ont été déposés pour le modifier. Ils seront soumis aux votes aujourd’hui. Dans les couloirs de l’institution, tout un chacun évoque un « scrutin crucial », une « étape majeure », mais nombreux sont aussi ceux qui l’admettent, à l’image de la socialiste Pervenche Berès : « Beaucoup de gens sont fatigués de ce débat. »

Le texte est en outre très imparfait, il ne fait pas que mécontenter les GAFA, la Quadrature du Net, association citoyenne à l’opposé de Google et Facebook, appelle également à voter contre le texte, en arguant des menaces qu’il fait peser contre la liberté des structures décentralisées.

Ce matin, sur la route vers le Parlement, les tags au sol comme le comité d’accueil devant l’institution dans lequel se mêlent depuis hier artistes et représentants d’intérêts, n’auront cesse de rappeler aux 751 élus que sur ce dossier, ils sont particulièrement attendus au tournant.


#Parlement européen

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