Mercredi 22 janvier, 9 heures, quartier du tribunal. Bravant une fine pluie, Liliane, retraitée, est sur son balcon et guette la venue de Claudine, de l’association Lianes. Légèrement essoufflée, celle-ci arrive d’un pas pressé. « Désolée, le chien que je viens de promener tire beaucoup sur la laisse, c’est crevant », glisse-t-elle avant de s’engouffrer dans l’immeuble et de monter les quatre étages d’un pas énergique. Sur le palier, Tina est déjà parée pour la promenade, K-way rouge bordeaux sur le poil, elle aboie d’impatience. Liliane invite Claudine à entrer, les deux femmes échangent quelques mots.
Puis Claudine et Tina filent pour la promenade. Liliane fait un petit au revoir de la main et regagne son salon, rassurée. Depuis qu’elle a appelé la SPA, il y a trois semaines, pour leur demander de l’aide et que celle-ci l’a dirigée vers l’association Lianes, elle sait que Tina aura ses trois promenades quotidiennes, même si elle-même ne marche plus assez bien pour s’en charger. Comme elle ne touche pas une grosse retraite, Liliane donne un euro symbolique à l’association pour la balade d’une demie-heure.
La cinquantaine, souriante, petite et brune, Claudine fait la conversation à Tina sur la promenade. Ce travail, elle l’a décroché grâce à un stage alors qu’elle était en réinsertion sociale. Aujourd’hui, elle est salariée en CDI à temps partiel chez Lianes. Elle raconte avec entrain :
« Je ne viens pas seulement promener le chien, je parle aussi un peu avec la personne chez qui je me rends. Des liens se créent, à force, avec l’animal et son propriétaire. La plupart du temps, ce sont des personnes âgées, malades ou isolées. Je m’occupe aussi d’un chat, chez un monsieur qui est en réinsertion sociale, pour voir comment ça se passe, s’il pense à changer la litière, laver les gamelles… »
9h30 passées, l’alarme du téléphone de Claudine sonne, c’est déjà l’heure de ramener Tina et d’aller à son troisième rendez-vous de la matinée, où deux chiens l’attendent pour se dégourdir les pattes à leur tour. Actuellement, six personnes bénéficient de la visite de Claudine ou de son collègue, également salarié de l’association, chaque semaine. Mais ce service quotidien pourrait prendre fin le 15 mars.
Une caravane à la SPA
Sans terrain fixe depuis juillet, les membres de l’association – dont deux salariés en CDD à temps partiel et trois en CDI à temps partiel – se sont donnés jusqu’à cette date pour trouver des locaux et un nouveau terrain. Le loyer était devenu trop cher à Geispolsheim lorsque leur sous-locataire est parti. « Nous sommes devenus des SDF hébergés à droite, à gauche », sourit tristement Sabine Roubire, la directrice de l’association.
Aujourd’hui, c’est une petite caravane garée sur le terrain de la SPA route du Rhin qui fait provisoirement office de « bureaux » pour les deux salariés qui travaillent au chenil, lequel n’accueille plus d’animaux en pensions payantes depuis cet été. « Un chenil à côté de la SPA et moins de terrain qu’à Geispolsheim, forcément, l’amalgame a vite été fait », se désole Sabine Roubire. Le second bureau est prêté par Adoma, dans le village d’insertion des Berges de l’Ain. Une petite pièce que se partagent, tour à tour, l’association et les veilleurs du village.
Tout peut s’arrêter le 15 mars
La situation ne peut plus durer pour la directrice, qui a lancé des appels tous azimuts : annonce sur leboncoin.fr, courriers à la communauté urbaine de Strasbourg (CUS) qui a répondu « qu’elle s’en occupait et voyait avec les communes », sollicitation de la Ville de Strasbourg. Les besoins sont précis : « Nous pouvons payer 500 euros par mois et nous avons besoin d’environ 270 m² : 200 m² pour le terrain, 40 m² environ pour le chenil et 30 m² pour les bureaux ».
L’association tranchera le 15 mars. « Nous nous sommes fixés un ultimatum en interne », confie la directrice qui a bien conscience du choix cornélien qu’il faudra faire et explique, visiblement émue :
« Si nous n’avons pas trouvé de logement d’ici là ou qu’aucun engagement de nous en procurer un n’a être prononcé, nous déciderons soit de fermer le chenil, soit de tout arrêter. Le problème de garder ce chenil se pose et pourtant la pratique l’a prouvé : les cinq boxes accueillent quasiment tout le temps des locataires. Pour leurs propriétaires, c’est aussi plus facile de venir voir leurs animaux de compagnie au chenil que dans des familles d’accueil. Arrêter le chenil, ça voudrait aussi dire arrêter les embauches avec le personnel d’insertion, couper court à l’aide que nous apportons aux SDF qui effectuent des démarches de relogement et qui nous laissent leur chien le temps de trouver et accueillir les animaux des particuliers aussi… »
Lettre ouverte aux membres de l’association
Aller plus loin
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