
Du 3 au 6 juillet, c’est la 13ème édition, déjà, de ThéâtrAlis, le festival de théâtre amateur de Strasbourg. Noyé dans la masse des animations d’été, le festival, bien que modeste, mérite qu’on s’arrête sur sa programmation dense : 10 spectacles en 3 jours, entre représentations et lectures, classiques et contemporains.
Si le festival pose ses valises dans les salles du Taps-Gare et de la Friche Laiterie, c’est au Cube Noir que le Collectif de Théâtre Amateur de Strasbourg (Trois 14 pour les intimes) a ses quartiers. Une affaire qui roule plutôt bien, explique Yann Kaision, vice-président du collectif en charge du festival:
« Trois 14 rassemble près de 25 troupes de théâtre amateurs, plus de 350 membres et gère la programmation annuelle du Cube Noir : plus de 160 représentations par an, devant 10 000 spectateurs. Le festival ThéâtrAlis, malheureusement moins connu, est un moment festif qui permet aux compagnies de se retrouver, mais la programmation privilégie des troupes qui n’ont pu être représentées cette année, ce qui permet d’augmenter la fréquentation et d’offrir un tremplin aux troupes locales. L’esprit que l’on essaye de véhiculer, c’est diversité et convivialité, tout en permettant de voir des spectacles de qualité ».
Au menu cette année, des troupes de France, de Navarre et de Belgique, mais aussi, hors festival, un spectacle tout droit venu du Québec avant de rejoindre Avignon (voir encadré).
Côté spectacles, salle du Taps Gare
Courteline, par la cie Passeurs de Lune (Alsace) : deux pièces courtes de Courteline, qui mêlent et confrontent des personnages à l’ego démesuré sur fond de salon bourgeois. De petites comédies humaines comme on les aime, vraies, mais pas toujours tendres.

Courteline, un auteur qui n’en finit jamais d’être dans l’air du temps. (doc remis)
Destins croisés, par La Lune Carrée (Alsace): deux amis emménagent ensemble après leur divorce. Un tête à tête qui va rapidement révéler les anciens non-dits, les trahisons du passé, et mettre en danger leur vieille complicité. D’après le texte de Pierre Zeidler.

Destins croisés: duo ou duel ? (doc remis)
En passant par Vesoul, par le Petit Théâtre Strasbourgeois (Alsace): Une comédie à partir de textes de Brel, Brassens, Nougaro? Oui, en neuf tableaux qui nous amènent sur les chemins de Sète et Toulouse, sur ceux aussi de l’amour, de l’amitié, de l’humour et de la mauvaise foi.
Demain l’aurore, par La Petite Famille (Midi-Pyrénées): cette création originale de théâtre musical explore la jeunesse sous toutes ses coutures, et surtout dans ses frottements aux autres âges, professeurs, parents ou grands-parents… Un moment pétillant, oscillant entre délire et sensibilité, comme les jeunes…

Qui mieux que les jeunes pour évoquer les frictions de la jeunesse ? DR
Nos racines, par Les Peut-Etre Qu’on Joue (Belgique): cette troupe exclusivement féminine jouera sans aucun doute, et pas n’importe quels personnages: Antigone, Bérénice, Andromaque, Electre… Dans des mises en scènes éclectiques, elles ont choisi de donner corps et voix à un medley de figures tragiques puisées chez Racine, Sophocle, Euripide. Autant de visages de la douleur et de la révolte, autant de racines.
La Cuisse du steward, par la Cie du Désastre (Paris): cette farce en trois actes de J.M. Ribes (actuel directeur du Théâtre du Rond-Point) nous amène en pleine montagne sud-américaine, où Lionel et Yvonne se nourrissent avec ce qui reste des passagers de leur avion qui s’est écrasé, se contentant, depuis 3 mois, de pieds de footballeurs aux cacahuètes grillées. Le quotidien du vieux couple reprend peu à peu le dessus quand surgissent deux hommes arrivés de nulle part… Un road-movie complètement déjanté.
François d’Assise. Paroles d’oiseau, de saint et de fou, par la Cie Les Gens (Alsace): une idée des plus originales, une sonate pour comédiens et lumières où se mêlent théâtre et cinéma, afin de comprendre avec humour et sagesse ce qu’est la parole considérée folle, de Saint François d’Assise à… Jean-Claude Van Damme ! Le samedi 6 juillet à 19h.
Côté lectures, salle des Colonnes à la Friche Laiterie
L’après-midi du samedi 6 juillet sera dédié à trois lectures, gratuites et ouvertes à tous, en présence des auteurs.
A 14h, on commence avec La Saison préférée de Michèle Haberer, pour suivre les déboires d’un couple de retraités qui, au lieu de se la couler douce au bord de la mer va devoir affronter un ordre préfectoral exigeant de raser le quartier. Têtus, ils décident de rester.
A 16h, changement de registre avec Le Combat des Titans/ Tragédie et Lumière, texte écrit à partir du Prométhée enchaîné d’Eschyle et mis en voix sous la direction de la comédienne Fatou Ba et de Sabine Lemler, metteur en scène. Agrémentée de percussions vocales et interprétée par l’atelier théâtre des hôpitaux de jour du centre hospitalier d’Erstein, la lecture nous amène à la rencontre de Prométhée, ce voleur de feu qui a permis aux hommes l’apprentissage des arts et des sciences.
A 17h30 enfin, 15 ans nous mènera face à Roxane et Sandrine, deux adolescentes prises entre la peur, le désir et l’amour, dans ce terrain vague entre l’enfance et l’âge d’homme.
Le festival, fidèle à son état d’esprit, se terminera le 6 juillet à 20h par un repas festif sur le site du Taps Gare.
En ce sens tout "pro" devrait aussi être un amateur et pas se mettre, comme certains, sur mode automatique à la 100ème , 50ème voire 25ème ou moins encore, représentation...
Il est seulement dommage que le Cube Noir soit si loin....
Et il est tout à fait dommage que la Culture, disons comme Vitez, populaire, ne bénéficie pas de la même attention, subvention et publicité que les animations pour touristes.
Pour ma part j'accorderai toujours une complaisance plus respectueuse aux amateurs qui font de la culture qu'aux "professionnels" qui ont sombré dans l'animation dite culturelle....
Et la distinction dont il faut tenir compte est peut-être avant tout est celle des conditions de travail des intermittents du spectacle (acteurs, comédiens ou techniciens - théâtre ou cinéma, etc....) dont les conditions de survie sont de plus en plus difficiles vues les incessantes attaques contre le statut .
Et celle par exemple en ce moment contre la fameuse "exception cultuelle" française qui complique encore les choses....
Vous avez tout à fait raison pour dire qu'i faut savoir bien distinguer l'amateur du professionnel à défaut (c'est moi qui rajoute...;-) ) que les institutions trouvent plus intéressant de faire leur beurre avec les amateurs qu'avec les professionnels et que l'art subventionné disparaisse peu à peu au coeur de la cité en cédant la place aux animations sponsorisés de tout type.
Je pense ici à une lettre que l'ancienne ministre de la culture envoyait à la directrice du TNS
Et je pense à l'échange dans "Passion" de Godard entre Piccoli et Huppert :
" - travailler cela vient-il du verbe aimer ? - non, cela y conduit !"
Mon souvenir est vague du contexte de l'échange dans le film, mais il y aurait beaucoup à dire à ce propos !.
Félicitation en tous les cas pour vos "critiques" des pièces du TNS qui n'ont rien à envier (les critiques) à celle de Wickert !
Et comme "tout travail mérite salaire" j'espère que le vôtre ne se réduit pas au succès d'estime que vous faites plus que mériter :-)
Pour rebondir sur votre réponse, j'ajouterai simplement que la discrétion, ou l'ombre dans laquelle est confinée la culture pratiquée par les amateurs me semble nécessaire: synonyme d'indépendance et de liberté, elle permet justement de préserver un champ hors sponsors et circuits économiques.
Quant aux intermittents, la situation me semble moins manichéenne qu'il n'y paraît. Pour avoir échanger avec nombre d'entre eux (surtout dans l'audiovisuel), je sais aujourd'hui que malgré les difficultés liées au statut, la grande majorité ne l'échangerait contre rien au monde: à défaut de gros salaires et d'une confortable stabilité, ils gagnent en temps libre et flexibilité, souvent nécessaires à la maturation de projets de création. Certains avouent même gagner moins en tant que salarié qu'en tant qu'intermittent... Mais une chose est sûre, ce statut est à préserver si l'on souhaite conserver vivante une partie de notre patrimoine culturel...
Enfin, le verbe travailler est loin de découler du verbe aimer, puisqu'il provient de "tripalium", objet de torture qui servait à punir les esclaves... Une fois encore, l'étymologie nous ouvre de grandes réflexions.
Tout d'abord je ne pense pas que vous rédigiez en amatrice au sens de dilettante, ne serait-ce que parce que vous ne vous présentez pas comme journaliste, ces spécialistes du tout et souvent du n'importe quoi. D'ailleurs vous dites vous-même qu'il y a des amateurs très pros...
Maintenant pour ce qui est du confinement, il me semble qu'il n'est pas moindre pour les "amateurs" que pour les "pro". Il est simplement différent. Et souvent se trouve déterminé par le type de spectateurs qu'il attire ou auxquels il s'adresse. Le théâtre "amateur" n'a pas le même public que le TNS, le théâtre des "jeunes" compagnies (qu'en passant je trouve que vous négligez un peu:-) ) ou le théâtre dialectal bien que ce dernier rejoigne souvent le premier, et que le troisième rêve du deuxième
Prenons le théâtre amateur. Il est souvent local et se veut avant tout divertissant. Les thèmes sont plus populaires que classiques et quand la fille du boucher de Trutchersheim interprétant Elvire entre en scène, elle ne joue pas Elvire, mais elle joue la fille du boucher de Truchtersheim qui joue Elvire. Il y a donc souvent dans le théâtre amateur - surtout chez les débutants - l'oubli du véritable enjeu du théâtre qui est d'interpréter un rôle et de donner au spectateur autre chose qu'un divertissement, mais à penser.
Du coup les spectateurs ne voient pas Elvire mais la fille du boucher de Truchertersheim. Est-ce grave ? Je connais beaucoup de spectateurs "bourgeois" du TNS qui s'abonnent par obligation mondaine et ne comprennent rien à Brecht à Bernhard ou à Koltès.
Pour les intermittents, je ne parlerais pas vraiment de temps "libre" au sens de loisir ou de vacances. Pour les directeurs de compagnie, il y a le temps de la recherche d'une nouvelle pièce à monter, des lectures, des échanges, des recherches, des dossiers à monter. Et pour les intermittents, il y a après la petite déprime de fin de pièce la recherche d'un nouveau rôle qui passe par le "se faire voir" aux pièces des copains, participer ou diriger des ateliers. On a souvent tendance à penser que les comédiens ne font rien entre deux pièces (je sais ce n'est pas ce que vous dites) mais c'est peut-être là où il sont le plus diffusément actifs.
Enfin pour le tripalium, Godard dans Passion ne faisait pas en rester à l'étymologie qui est certes un point de départ intéressant.
Sur ce point deux remarques :
Si le mot tripalium désigne certes un instrument de torture, il désigne aussi et en premier lieu l'instrument qui permet d'immobiliser un animal non pas pour le torturer mais pour le ferrer ou le soigner en évitant qu'il ne se blesse. Une interprétation étymologique très récente insiste sur les trois pieds et certains vont jusqu'à appeler tripalium certaines éoliennes.
Mais au-delà de cela, et vous le savez bien le travail et bien ce qui opprime l'homme en l'obligeant à un travail qu'il n'a pas choisi Voyez la dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel.L'esclave est au service du maître tant qu'il n'a pas compris que c'est en fait le maître qui dépend de son travail et que ce travail lorsqu'il se l'approprie en en faisant l'instrument de sa propre construction.Et quand vous écrivez "que malgré les difficultés liées au statut, la grande majorité ne l’échangerait contre rien au monde: à défaut de gros salaires et d’une confortable stabilité" vous nous rappelez une pensée de Nietzsche qui va exactement dans votre sens.
Il a en va de même pour l'amour (de l'art, d'une personne) : cela se construit. c'est ce que veut dire Godard dans le film Passion.
http://cinemadusine.over-blog.com/article-travailler-a-aimer-ou-aimer-travailler---ut-operaretur-eum-67577017.html
http://www.youtube.com/watch?v=xdd7Ha-477E
Je vous salue, Marie. Et vous souhaite un bon week end
Cordialement
Germain.