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Thierry Danet : « L’Ososphère est un baromètre de la vie dans un monde inconfortable »

L’Ososphère s’installe dans le quartier Laiterie pour dix jours, dont deux de Nuits électroniques avec des stars de la musique électronique. C’est le retour d’une « édition totale » qui transforme et habite plusieurs bâtiments du quartier, en journée comme en soirée.

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Thierry Danet : « L’Ososphère est un baromètre de la vie dans un monde inconfortable »

Le festival Ososphère transforme le quartier Laiterie, entre la gare et l’autoroute, pendant dix jours, du 23 septembre au 2 octobre, avec des expositions, des rencontres, des « sets conversatoires » et deux « Nuits électroniques » les 23 et 24 septembre où sont programmés notamment Jeff Mills et The Avener.

Cette programmation tous azimuts, qui allie des concerts, des performances d’artistes et des débats veut questionner la ville d’aujourd’hui et la manière de vivre ensemble. Une marotte de Thierry Danet, le directeur artistique de L’Ososphère, qui se félicite de pouvoir à nouveau proposer dans le quartier Laiterie toutes ces fonctions, au même endroit et au même moment.

L’habillage du quartier Laiterie en Ososphère en 2019 Photo : Philippe Groslier / doc remis

Rue89 Strasbourg : Alors ça y est, c’est le retour de « L’Ososphère totale », avec les expositions et les concerts, au quartier Laiterie ?

Thierry Danet : On est très heureux d’avoir pu y arriver, même si ce fut un chantier titanesque ! En 2019, on avait pu proposer une exposition en intérieur, mais pas la déployer sur dix jours ! Cette année, on peut de nouveau « faire de la ville sur la ville », toucher à toutes les fonctions, ce qui rend les choses très compliquées… Dès qu’il faut changer un sens de circulation, ça crée un pataquès pas possible… Autre exemple, ça a été un combat de malade pour rouvrir le jardin du 12-16 rue du Hohwald, alors que c’est un lieu arboré magnifique, le genre d’endroit dont on a bien besoin en ce moment ! On y installe un jardin conservatoire pensé pour les habitants par Gaël Chaillat et Ramona Poenaru. Comme on travaille sur tout un morceau de ville, il faut mettre en musique des gens qui habitent, des gens qui sont habitués et des gens qui y travaillent. Du coup, on active des réseaux, qui eux-mêmes activent des réseaux… Pour que L’Ososphère existe, on a dû boucler des milliers d’accords… Au final, on a rempli toute une page avec les logos des partenaires, c’est absurde et joli à la fois.

Architecture Core de 1024 Photo : Doc remis

Pourquoi maintenir cette obsession d’interroger avec des artistes la cohabitation ?

Pendant dix jours, on propose des gestes et des actes d’artistes qui offrent des clés de perception de l’époque et des contextes dans lesquels on vit. Ces clés sont indispensables pour fabriquer une société qui fonctionne, notamment à l’échelle qu’on comprend le mieux, c’est-à-dire l’échelle de la ville. Quand on ignore ces éléments, on passe à côté de quelque chose de central que j’appelle « le sensible ». Quand on fabrique la ville, cette question n’est jamais abordée dans les diagnostics techniques… Donc cette édition d’Ososphère vise à faire un « diagnostic sensible » de la vie en ville, de manière partagée entre les artistes, les habitants et les habitués du quartier.

« L’Ososphère permet d’interroger un morceau du monde »

C’est pourquoi on creuse cette idée d’habiter un morceau du monde, de cohabiter dans un endroit où on est tous usagers, chacun son tour, de dispositifs interconnectés qu’ils soient de résidence ou d’agréments. L’Ososphère permet d’interroger ça et il est important que ce regard puisse être utile et utilisé.

Thierry Danet, directeur artistique d’Ososphère, cherche à faire bouillonner les questionnements sur la cohabitation Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Est-ce qu’il y a eu des utilisations publiques en provenance des éditions précédentes ?

Alors ça je n’en sais rien, on ne sait pas faire une mesure d’impact des performances qu’on propose. On sait cependant que les grands principes qui sont discutés résonnent un peu partout, quand les villes d’Europe réfléchissent sur elles-mêmes. Ainsi, quand Manchester, ville chère à mon cœur, a réussi à faire exister dans ses politiques publiques des micro-initiatives adossées à des logiques « sensibles », d’autres villes européennes ont suivi. L’écueil de cette politique consiste à créer des quartiers dédiés aux « industries créatives », qui ne sont que des concepts à compétition pour une seule classe de population…

« On sait qu’on vit dans un monde inconfortable »

À L’Ososphère nous sommes là pour produire du « possible ». On sait de plus en plus tôt dans notre vie qu’on est dans un monde inconfortable et L’Ososphère, c’est une manière d’y réfléchir, un baromètre de ça. On essaie de faire en sorte que de plus en plus d’habitués du quartier se considèrent comme des habitants, et que de plus en plus d’habitants soient ouverts aux questionnements que leur existence provoque. D’ailleurs, on reçoit de plus en plus de propositions pour participer à L’Ososphère.

Quelles ont été les lignes directrices de la sélection des artistes ?

On a voulu que l’édition 2022 soit celle d’après les confinements. Je me souviens avoir parlé avec des jeunes d’une vingtaine d’années, qui nous ont dit qu’ils avaient envie de faire des tas de trucs, d’agir mais qu’en même temps, ils se sentaient coupables d’avoir cette envie. C’est un détail, mais on s’est dit bon… Il va falloir discuter de cet état d’esprit dans notre programmation.

Julien Maire, cinéma perpendiculaire Photo : Doc remis

D’une manière générale, on a proposé aux artistes d’investir le carrefour qu’est L’Ososphère, qui se déroule lui-même sur le carrefour de la rue du Hohwald et de la rue du Ban-de-la-Roche. Évidemment, ils ont produit des œuvres qui sont tout sauf des carrefours !

On s’est aperçus aussi qu’il y a une bonne part d’artistes locaux. Ce n’est pas quelque chose qu’on revendique mais on remarque qu’au fur et à mesure des éditions, il s’est créé un écosystème à Strasbourg, avec des artistes ayant une renommée internationale… Donc c’est génial : les artistes participent également comme habitants aux relations qu’on essaie de créer !

Ensuite, on a essayé d’installer un maximum d’artistes plasticiens, car ils ont vraiment souffert de la pandémie sans pouvoir bénéficier des extensions du régime des intermittents par exemple.


#Quartier Laiterie

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