

Descartes au milieu d’un cabas peut faire des ravages… (Photo Vincent Arbelet)
Peut-on refaire le monde dans sa cuisine quand tout semble aller de travers dans le monde et dans les livres même ? Et pourquoi pas ? Peut-être peut-on trouver chez soi un espace de liberté salutaire, à l’instar de ce couple de Français moyens qui, à défaut d’avoir les bonnes réponses, nous pose les bonnes questions. A commencer par le titre : Que faire ? (le retour)
Un coin de cuisine, un morceau de modeste quotidien, réaliste jusqu’à l’éponge qui traîne sur l’égouttoir. Madame rentre sans un mot. De toutes façons, monsieur bricole et tente, prophétiquement, de remettre une pendule à l’heure. Ranger les courses, voilà une occupation sans aucun intérêt… sauf lorsqu’un vieux livre s’est égaré entre le pain de mie et la mayo. Madame s’étonne. Madame commence à lire et s’étonne encore plus. Elle vient de rencontrer Descartes.
Que faire de ce monde qui sent mauvais ?
Cette rencontre inopinée imaginée par Jean-Charles Massera et Benoît Lambert devient un tsunami, l’espace du décor laissé vide devient celui de la déconstruction: que faire de nos opinions, de nos préjugés, de ce qu’on croit savoir ? Que faire de ce monde capitaliste qui sent mauvais, bien que l’argent n’ait pas d’odeur ?
Dans cet espace tout à coup ouvert et insolemment blanc, immaculé comme un esprit qui viendrait au monde, le couple formé par Martine Schambacher et François Chattot passe avec une énergie loufoque notre histoire en revue. Les révolutions, l’art abstrait, la théorie de la propriété, tout y passe jusqu’à Nietzsche. Ni intellectualisme ni cuistrerie pourtant : nous sommes chez la ménagère de plus de cinquante ans, celle qui ne sait pas, mais qui aimerait bien savoir. Celle qui sait seulement qu’elle en a marre.

Que faire ? Retrouver l’innocente fantaisie de l’enfance serait déjà un bon début… (Photo Vincent Arbelet)
Agir, peut-être ?
Que faire ? D’abord le tri. Mais que sauver dans la vacuité de ce monde ? L’important n’est finalement pas ce qu’on dit, mais bien ce qu’on fait. Et que faire lorsqu’on a tout balayé ? Des possibles s’esquissent. Agir ? Peut-être… Ou bien, tout simplement, arrêter de parler, et se regarder l’un l’autre à nouveau.
Faire les fous, faire n’importe quoi, adapter une performance culinaire, chanter à son homme une vieille rengaine où se sont cachés tous les sentiments d’une vie… En un mot retrouver la liberté d’exister dans la pratique, puisque la théorie est aussi fragile que les bulles que souffle madame. Cette liberté au gré de nombreux interludes – qui parfois cassent trop vite le rythme de la pièce – finira pas dégénérer en une explosion lyrico-contestataire cinglante qui vous cueille et vous sonne juste avant la sortie. Juste, drôle, engagé, original et surtout pas mortifiant.
En hommage aussi à Otto Sanders (l'autre ange du film qui vient de mourir il y a peu de temps. Il manque dans cet extrait le passage que j'aime le plus : "Als des Kind noch Kind war dachte es die Pfütze sei das Meer. Und Alles war ihm Beseehlt...."
Amoes ppour quoi cela me fait-il penser aux "Anges du Désir" de Wenders?
La pièce en tant que telle est plus proche,il me semble Marie Antoine, d'Edward Bond ou même ou même du "Match" de Thomas Bernhard ( dont je regrette toujours votre article de "Des Arbres à Abattre" que j'ai pu mettre dans mon abonnement TNS in extremis ( plein quand on va au TNS - mais où il restait encore des places sur leur site - à voir leur politique de dispatching des places...Même chose pour la pièce "Que faire ? que je n'ai malheureusement pas pu voir )
"Peut-être peut-on trouver chez soi un espace de liberté salutaire, à l’instar de ce couple de Français moyens qui, à défaut d’avoir les bonnes réponses, nous pose les bonnes questions. A commencer par le titre : Que faire ? (le retour)"
Une excellente question !
Et de trouver Descartes... Lequel ? Le "Discours" ? Les,"Passions de l'äme" ? Le premier sans doute ...
Mais qui ne dit pas "Que faire ?" mais comment faire !
Vous le savez tout comme moi. La pensée de Descartes propose une réforme de son propre entendement. Que faire de mon esprit égaré dans les opinions et les préjugés. Comment comprendre le monde pour moi-même en retrouvant la "méthode" d'un bien penser !
Que tout cela reste de l'ordre d'une réforme;individuelle de son propre entendement !
Ce n'est pas une mauvaise chose , mais voyez ce que Foucault et plus tard Derrida en disent pour le siècle qui suit..."Le Grand,Enfermement"....
C'est sûrement un parti pris de metteur en scène...
Et il n'est pas mauvais sans doute...
L'individualisme comme une manière de remettre en question la relation d'une couple ...
C'est pas très cartésien non plus sauf si le bouquin était le traité des passions ;-)
Pour moi "Que faire ? , c'est Lénine !
Mais là, sans doute pas de subventions.... ;-)
L'idée de Descartes est de ce point de vue excellente !
Si vous pouviez me fournir , les références : auteur, adaptations, je vous je serais infiniment reconnaissant !
Et je vous remercie pour le travail que vous faites de donner l'envie aux lecteurs de ce site d'aimer le théâtre !
Et merci encore...
Elle m'a abasourdie mais je suis apaisée maintenant parce qu'il y a encore des gens intelligents qui montrent la voie !