Depuis fin janvier, la vie de Reyhan est engagée sur un fil. Des deux côtés de l’abîme, il y a le départ de la France – contraint ou forcé – avec un aller-simple vers son pays de naissance, l’Iran, et l’incertitude sur un possible retour. Pour cette jeune femme de 30 ans qui a été plusieurs années à l’école en France, puis y a fait ses études supérieures et travaillé dans le domaine de la culture, la dernière visite à la préfecture ce 29 janvier a été un choc.
Elle devait demander un nouveau titre de séjour en vertu de son PACS avec son copain. Son interlocutrice a refusé sa démarche en lui disant qu’elle ne l’obtiendrait pas, parce qu’elle aurait dû le demander avant l’expiration de son précédent titre, le 24 janvier, ce qu’elle ignorait tant le droit des étrangers est complexe et changeant :
« Depuis, je sors et j’ai peur de me faire arrêter. Je n’ose plus aller en Allemagne et passer la frontière. J’ai vraiment tout fait pour m’intégrer, mais là je suis dans une situation que je ne pouvais imaginer dans mes pires cauchemars. »
Évoluer dans la ville en ayant peur de se faire arrêter, c’est un sentiment chevillé au corps de nombreux étrangers suspendus à des décisions de l’administration, parfois depuis de nombreuses années, parfois au gré des aléas des changements de loi.
Ancrage à Strasbourg
Le 23 janvier, la circulaire Retailleau, a encore restreint les critères d’admission exceptionnelle au séjour. Elle exige par exemple que les personnes soient présentes sur le territoire depuis sept ans au lieu de cinq. Elles doivent aussi être embauchées dans un « métier en tension », c’est à dire dont le secteur manque de professionnels disponibles.
Reyhan connaît bien Strasbourg. Elle y a ses habitudes. Mais elle doit désormais l’arpenter avec la peur au ventre. Peu importe qu’elle y possède un appartement, que sa sœur et ses neveux y vivent, sa maîtrise du français comme si c’était sa langue maternelle, son master, ses expériences professionnelles et ses engagements associatifs. Son cas illustre à lui seul l’hypocrisie des discours sur l’intégration, concept flou régulièrement mis en avant par les autorités pour conditionner la régularisation des étrangers.

Avant de se retrouver dans cette situation, la jeune femme avait décidé de rejoindre une formation d’actrice, qu’elle suit actuellement. Au départ, elle a préféré taire sa situation, mais ça n’a pas été possible :
« Pour un exercice, il fallait se regarder dans les yeux avec un binôme et imaginer quel pouvait être le métier de l’autre. J’ai éclaté en sanglot, alors qu’il n’y avait rien de triste. J’ai raconté au groupe ce qu’il m’arrivait. Ils ont été très bienveillants et sympas. J’essaye de profiter à fond de ma formation depuis. »
Une enfance française
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