

Établie sur ce site depuis le IIIe siècle av J-C, le patrimoine à mettre en valeur à Strasbourg ne manque pas. (Photo Vincent Desjardins / FlickR / cc)
Le label « ville d’art et d’histoire » a été attribué en novembre à Strasbourg, après trois années d’efforts des services de la Ville. Tout ça pour sensibiliser au patrimoine les touristes et les Strasbourgeois.
Trois ans. Il aura fallu trois ans et un dossier de 200 pages pour que Strasbourg récupère son titre. Labellisée sous le nom « Ville d’Art » en 1978, la Ville avait perdu cette appellation en 2005 quand le label avait disparu pour laisser place à un nom plus long, « Villes et Pays d’Art et d’Histoire »(VPAH). Tout était à refaire, et c’est ce que s’était fixé le maire (PS) Roland Ries en début de mandat. Un dossier avait donc été déposé, et à un mois des fêtes, c’est Aurélie Filippetti, ministre (PS) de la Culture en personne qui a annoncé la nouvelle.
La Ville avait déployé les grands moyens pour parvenir à cette fin. Au fil des pages du dossier de candidature, chaque quartier, chaque pan de mur est valorisé. L’accent est mis sur le patrimoine, l’architecture mais aussi l’ouverture vers l’outre-Rhin. Un axe qui a pu jouer en faveur de l’agglomération alsacienne. Yves Aubert, en charge de la culture pour la CUS, est plutôt fier du résultat :
« Avec sa réorientation vers le Rhin et l’Allemagne, Strasbourg est en train de tourner une page dans son histoire. Ce projet nous a servi de moteur pour fédérer les énergies autour d’une envie commune. Le conseil national chargé de délibérer s’est prononcé à l’unanimité. Et ils n’ont pas tari d’éloges ! »
Ceci dit, on avoue au service de la culture que l’annonce était attendue et qu’il aurait été surprenant qu’il en soit autrement.
Un office du tourisme bis
Mais aux côtés de la Grande-Île déjà classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, et de la Neustadt qui devrait l’imiter d’ici à 3 ans (le dossier est en cours), ce label Villes et Pays d’Art et d’Histoire pourrait bien faire pâle figure. Une sorte de médaille que l’on poserait sur une étagère mais qui n’impressionnerait personne. Pourtant, la Ville s’est engagée sur dix années, un peu long si la médaille est en chocolat.
Première obligation, la création d’un Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP, voir le mode d’emploi). Cette nouvelle structure doit à la fois accueillir du public afin de mettre en valeur le patrimoine et produire des documents de sensibilisation. Il ouvrira « d’ici à deux ans place du Château », selon Yves Aubert. Combien de personnes en seront chargés, combien ce centre coûtera aux services de la Ville ? Mystère.
Mais ce n’est pas tout. La Ville devra mener des missions auprès des habitants et surtout vers le public scolaire, pour que les Strasbourgeois prennent conscience du patrimoine qui les entoure. Elle doit créer un « service d’animation de l’architecture et du patrimoine », avec à sa tête un animateur de l’architecture. Mais là encore, combien d’euros ? Aucune réponse, mais sur cette dernière mission, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) peut financer la moitié d’un poste pendant cinq ans.
Edith Lauton qui s’occupe de la mission patrimoine pour la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) explique :
« Comme dans toutes les autres villes où le label est en place, les écoles sont au centre de nos préoccupations, c’est certain. Il est important d’intéresser les jeunes à leur cadre de vie. Mais ce label peut également nous donner de la visibilité, attirer d’autres visiteurs et même peut-être développer l’attractivité pour les entreprises. »
Beaucoup d’espoirs donc. Dans tous les cas, la Ville devra se conformer à ces obligations, faute de quoi elle pourrait perdre une seconde fois ce label.
Aucun changement à Bar-le-Duc, ville d’art et d’histoire depuis 2002
Bien qu’espéré, il est difficile de savoir si le label a un réel impact sur le tourisme ou l’économie. Du côté de l’Office du tourisme strasbourgeois, on n’a évidemment encore pas senti de différence. Le label n’a rien changé en tout cas à Bar-le-Duc, petite ville de 16 000 habitants dans la Meuse, reconnue « ville d’Arts et d’Histoire » depuis 2002. Bien que la ville affiche le logo bien en tête de son site web, juste à côté de « ville fleurie », Étienne Guibert, en charge du patrimoine à la ville de Bar-le-Duc, détaille :
« La visibilité n’augmente que peu avec l’obtention du label. C’est surtout pour les écoles, les groupes scolaires… Et on a un cercle de passionnés du patrimoine qui est demandeur d’animations autour de cette thématique, mais ce sont toujours les mêmes. »
Strasbourg n’a pas attendu le label pour être une ville chargée d’histoire et disposant d’un riche patrimoine. Plus de 6 millions de visiteurs traversent la capitale alsacienne chaque année. Seront-ils plus sensibles aux vieilles pierres désormais ? Rendez-vous dans quelques années.
(édité par Pierre France)
Aller plus loin
Sur Culture.fr : le site du label « ville d’art et d’histoire »
Où l'on voit que la Ville a l'art de faire disparaître son patrimoine sans faire d'histoire.
La dernière partie est particulièrement vide de sens, le but premier de ce label n'étant pas d'avoir un "impact sur le tourisme et l'économie" mais de sensibiliser les habitants à l'histoire et l'architecture de leur cadre de vie.
En outre, ce label n'est pas donné qu'à des grandes villes comme Strasbourg mais permet également de donner les moyens à des territoires plus petits et méconnus de mettre en valeur leur patrimoine.Il n'a rien d'une "médaille en chocolat", son objectif étant de créer un outil culturel spécifiquement dédié à ses habitants, car malgré les classement au patrimoine de l'Unesco et autres, la population locale et en particulier le public scolaire ne sont bien souvent pas conscient de la richesse patrimoniale de leur environnement.Rien à voir donc avec un "office de tourisme" bis. De plus, je tiens à informer l'auteur que la notion de patrimoine ne concerne pas que "les vieilles pierres" et s'étend à de nombreux domaines. L'obtention du label par la ville de Strasbourg aurait donc mérité un article plus objectif et surtout mieux documenté ! Je ne félicite pas l'auteur qui ferait bien de revoir sa méthode journalistique.
De plus, le patrimoine ne se limite pas aux vieilles pierres et recouvre bien d'autres sens. Sa valorisation et sa pleine compréhension nécessite une politique culturelle dédiée pour être pleinement efficace et pertinente. C'est toute la force du label Ville d'art et d'histoire que d'engager les villes et les pays dans cette voie.
Manque toujours à Strasbourg le soutien à la culture vivante (le spectacle vivant comme on dit et je ne parle pas d'animation touristique) que la ville avait sous Catherine Trautmann.
En visitant le site, on se rend compte que Paris n'est pas dans la fameuse liste ! Ils ne savent pas que c'est une ville d'art et d'histoire, au ministère de la culture ? http://www.vpah.culture.fr/pdf/liste_vpah_21_juin_2012.pdf
Cependant, il est obligatoire de l'avoir, pour apparaître dans certaines "listes" et autres "classements" de villes effectués par la presse sur ces thèmes.
L'autre et principal intérêt de ce Label réside dans l'obligation de "création d’un Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine " qui manque en effet cruellement, dans une ville aussi riche architecturalement.
cela dit, je trouve totalement déplorable l'idée de prévoir cette équipement « place du Château » ! Il faudrait arrêter de concentrer tous les lieux destinées aux touristes et curieux dans un périmètre de 200 m autour de la Cathédrale !
Il faut, au contraire, profiter de l'occasion pour faire visiter et voir d'autres lieux et période du patrimoine strasbourgeois. Et je pense aussitôt au lien possible avec la tentative parallèle de valorisation de la Neustadt, et donc, à une installation PLACE DE LA REPUBLIQUE, dans le PALAIS DU RHIN.
Je reprends d'ailleurs ici une idée évoquée sur CARTICIPE (dans le commentaires) : http://strasbourg2028.carticipe.fr/#transformer-le-palais-du-rhin-palais-imperial-en-musee
Il y a suffisamment d'espaces libres dans le Palais (salle des fêtes, galeries) pour exposer en permanence sur l'architecture et le patrimoine, tout en laissant la DRAC et la CNR dedans.
Avantage supplémentaire et considérable : ça permettrait l'ouverture au public et au touriste du Palais du Rhin (y compris le Week-end), réclamé par énormément de gens.
L'espace public et l'architecture sont depuis toujours des instruments de la solidarité et de la démocratie la plus concrète. ( la moins virtuelle en tout cas ..)
Mais l'immobilier - et donc une certaine exploitation de l'espace public - est aussi le lieu de spéculations et de profits les plus juteux...
Pour ce qui est des "investissements culturels et pédagogiques", ils ne serait que normal qu'ils se fassent sur tous les plans. Or quand on voit la répartition actuelle des investissements et subventions, avec l'oubli du spectacle vivant (théâtre et danse...) au profit de petits labels plus destinés aux agences touristiques qu'aux habitants, on est en droit de ne pas partager votre certes très noble idéalisme.