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Vivre le son dans sa chair grâce au Festival Musica

Le Festival Musica commence vendredi 20 septembre et met une nouvelle fois à l’honneur les musiques contemporaines et les expériences acoustiques. Focus sur un temps fort du festival : deux spectacles consacrés à une approche sensible de la musique.

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Vivre le son dans sa chair grâce au Festival Musica

La perception de la musique semble aller de soi : il s’agit d’écouter des sons combinés de manière harmonieuse. Cette écoute peut être attentive, dans le cadre d’un concert, mais aussi inconsciente. La musique et les sons nous entourent au quotidien, sans que nous y prêtions nécessairement attention. Il est pourtant possible de repenser le rapport de l’auditeur au son en prenant conscience de l’impact de ce dernier sur le corps. C’est ce que propose le Festival Musica avec Our ears felt like canyons les 25 et 26 septembre et Sonic Temple vol. 1 le 26 septembre.

L’écoute mobile de la guitare invisible

L’ensemble Zwerm est l’association de quatre musiciens réunis autour d’un appétit expérimental et d’une curiosité pour les explorations acoustiques. Depuis 2007, les guitaristes multiplient les incursions dans différentes franges de la musique contemporaine. Le mercredi 25 et le jeudi 26 septembre, à 18h30, c’est à l’Auditorium de France 3 Grand Est que le public strasbourgeois découvrira le quatuor.

Our ears felt like canyons, créé en 2017, est un spectacle qui place l’oreille du spectateur au cœur du dispositif. Le public a la possibilité de se déplacer librement dans l’espace, dans les gradins et même sur la scène. Les musiciens sont rassemblés dans un espace étroit, masqué par un rideau semi-opaque.

Cette liberté de placement invite le spectateur à se faire acteur de son écoute, car les sons évoluent selon sa position. En se déplaçant, il perçoit la présence la musique : elle occupe tout l’espace de la salle. Ce mouvement permet également de rompre avec une écoute trop linéaire, celle d’un auditoire qui s’installe dans un espace délimité, et reçoit frontalement la musique venant de la scène. Les corps du public sont engagés à explorer l’espace sonore tissé par les musiciens.

Dans le spectacle « Our ears felt like canyons » le public est libre de s’installer où il le souhaite pour trouver son point d’écoute. (Photo de Volker Beushausen)

Dans ce projet, Zwerm s’inscrit dans la tradition d’une écoute dite acousmatique. Il s’agit d’une écoute où les sons ne sont pas reliés visuellement à leurs causes, ils surgissent sans que le spectateur voit le mouvement du musicien. Cette coupure entre le geste et son résultat a pour objectif de placer l’écoute au centre du spectacle. Tout risque de distraction visuelle dans l’observation des praticiens est banni. C’est une logique qui se retrouve ainsi à l’opéra, où l’orchestre est, dans la fosse, masqué aux yeux du public pour ne pas disperser son attention.

Une traversée concrète de la musique

Les pièces musicales jouées ont été composées par Joanna Bailie, Christopher Trapani et Alexander Schubert spécifiquement pour ce dispositif. Les trois tableaux sonores offrent des approches très différentes, allant d’un paysage complexe de pulsations voyageant dans le public à un univers psychédélique, en passant par une musique industrielle tirée d’enregistrements d’usines. Le processus immersif offre ainsi au public une réelle traversée de la musique, qui prend une dimension concrète en agissant directement sur le corps de l’auditeur.

Les quatre guitaristes jouent dans un espace visuellement coupé du public (capture d’écran de la bande-annonce du spectacle)

Le temple du bruit et ses rituels sonores

C’est ce même souci de penser le son dans sa dimension physique qui anime Sonic Temple, un événement présenté uniquement le jeudi 26 septembre à l’Église Saint-Paul. Un moment tout entier consacré à la noise, une approche musicale née au début du XXe siècle, à contre-pied de l’harmonie traditionnellement recherchée. Ce bruit propose une écoute attentive des sons pour eux-mêmes. Des sons tirés le plus souvent de la vie courante et qui ne sont au quotidien que des toiles de fond auxquelles nul n’accorde d’attention.

Sonic Temple vol. 1 s’annonce comme une performance musicale, poétique et physique : il s’agit de sons qui éprouvent les corps. Avec une pièce de Phill Niblock interprétée par Hampus Lindwall, l’orgue, pourtant à sa place dans une église, offrira des performances inédites en emplissant la nef de masses sonores compactes. Erwan Keravec proposera un spectre chantant à la cornemuse, et Michael Gendreau une improvisation électronique à partir des résonances de l’église.

La soirée accueillera également le collectif Schimpfluch, une chance pour le public de Musica de découvrir des morceaux rarement présentés de poésie sonore et de musique industrielle. Sonic Temple, dans la tradition de la noise, ne promet pas une écoute confortable. Le corps du public, engagé dans le spectacle, pourra y vivre une expérience d’écoute pleinement consciente des effets produits par les vibrations de l’air.


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