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Voitures électriques: Région et CUS préfèrent se concurrencer

L’Alsace fait partie des régions de France où la voiture électrique s’est déjà taillée une petite place. Pourtant, il y a encore du travail, ne serait-ce que pour uniformiser et simplifier l’utilisation des bornes de recharge publiques. Encore faut-il que Région Alsace et communauté urbaine de Strasbourg se mettent d’accord. Ce qu’elles mettent un point d’honneur à ne pas faire.

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Voitures électriques: Région et CUS préfèrent se concurrencer

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Une très grande majorité des trajets domicile-travail quotidiens pourraient être effectués en voiture électrique. Aujourd’hui, les batteries des voitures tiennent en moyenne 100 à 150 kilomètres. Mais il s’en vend encore très peu. Lucas Baldinger, responsable des ventes aux entreprises à la concession Nissan de Souffelweyersheim, détaille quelques raisons :

« Il y a encore une certaine appréhension sur ce type de véhicules du fait d’un manque de recul. Les clients ne savent pas comment va tenir la batterie, comment la voiture va se revendre par la suite… Il reste plein d’incertitudes. Investir dans une voiture électrique est un pari sur l’avenir. Alors c’est à nous, les constructeurs, de rassurer les clients en assurant un bon service après vente et en communicant sur les véhicules électriques afin qu’il y ait moins de questions en suspens autour de ces produits. »

Un badge à 20€ minimum pour accéder aux bornes CUS

Mais le vendeur va plus loin. Pour lui, si les constructeurs font des efforts pour faciliter la vie des utilisateurs de véhicules électriques, les collectivités quant à elles brouillent les pistes avec leurs projets discordants et parfois même incompatibles :

« Dans la Nissan LEAF, il existe un système GPS qui indique où se trouve la borne de recharge la plus proche lorsque l’autonomie de la batterie commence à tomber. Mais les collectivités ont parfois tendance à compliquer les choses. Par exemple, le fait que les bornes publiques ne fonctionnent pas toutes de la même manière est un problème. Celles de la CUS nécessitent un badge, tandis que celles installées à l’initiative de la Région non. Si on veut convertir les gens à la voiture électrique, il faut vraiment faire plus simple. »

Depuis le lancement du projet CROME, les bornes de recharge de la CUS nécessitent un badge pour être utilisées. (Photo LJ / Rue89 Strasbourg)
Depuis le lancement du projet CROME (voir illustration en tête d’article), les bornes de recharge de la CUS nécessitent un badge pour être utilisées (Photo LJ / Rue89 Strasbourg)

Pour obtenir le badge nécessaire à l’utilisation des bornes CUS, il n’y a rien d’automatique. Les utilisateurs doivent en faire la demande auprès de Sodetrel, une filiale du groupe EDF partenaire de la CUS. Ils devront alors débourser la somme de 20€ s’ils choisissent de faire partie du projet CROME de la Ville de Strasbourg (voir l’illustration en tête d’article) en acceptant que leurs données d’utilisation soient analysées, ou de 45€ s’ils ne souhaitent pas participer.

Une fois munis de ce badge, les utilisateurs pourront recharger leur voiture autant qu’ils le voudront, sans frais supplémentaires. Alain Fontanel, adjoint au maire en charge des finances, justifie ce mode de fonctionnement complexe :

« À terme, il faudra uniformiser le fonctionnement des bornes publiques. Mais pour le moment, le système du badge nous permet d’obtenir des données sur les utilisateurs, ce qui est important pour nos expérimentations. Ça nous permettra d’améliorer le réseau par la suite. »

Un maillage de bornes confus

À chaque collectivité son système de bornes et à chaque collectivité sa carte de localisation de bornes. La CUS met par exemple en ligne une carte pour localiser ses bornes. Mais celles installées à l’initiative de la Région n’apparaissent pas sur ce document ! L’utilisateur doit se débrouiller pour recenser toutes les bornes publiques existantes autour de chez lui.

Pour pouvoir recharger sa voiture électrique, il existe plusieurs dizaines de points de charge comme celui-ci, situé place de la République. (LJ / Rue89 Strasbourg)
Pour pouvoir recharger sa voiture électrique, il existe une vingtaine de points de charge publics comme celui-ci, situé place de la République (LJ / Rue89 Strasbourg)

Il y a bien ChargeMap. Créé par une start-up alsacienne appelée Saabre suite à un appel à projet de la Région Alsace, ce site tente de référencer l’ensemble des points de charge existant dans le monde. Mais cette carte web étant nourrie par les utilisateurs du site eux-mêmes, sur le modèle de Wikipedia, les indications qui y figurent ne sont pas toujours fiables. Certains points de charge sont par exemple tout bonnement oubliés, ou bien les utilisateurs indiquent parfois une recharge payante pour certaines bornes qui en réalité sont gratuites.

Et pour corser encore un peu plus la démarche, les conducteurs de voitures électriques ne peuvent pas recharger leur véhicule sur n’importe quelle borne : les prises mises à disposition sur la voie publique ne sont pas toujours compatibles avec toutes les voitures. Il est parfois nécessaire d’être muni d’un adaptateur.

Des bornes publiques peu utilisées

Trouver une borne publique et comprendre son fonctionnement peut très vite devenir un parcours du combattant. Denis Huber a reçu sa Zoé, un modèle de voiture électrique de Renault, le 19 mars. Depuis, il a très peu utilisé ces bornes publiques :

« C’est sûr que ça serait mieux si tout ça était standardisé. Mais en même temps, la grande majorité des utilisateurs de voitures électriques recharge leur véhicule chez eux. Personnellement, c’est très rare que je branche ma Zoé sur une borne publique. Avant d’acheter ma voiture, j’ai réfléchi à cette question de recharge. Mais mes amis et ma famille habitent tous dans le rayon d’autonomie de ma voiture. Donc je peux me passer sans problème des bornes publiques. »

Denis a acheté sa voiture 10 000€. Il a bénéficié du bonus écologique de 7 000€ de l’Etat, ainsi que de l’aide de 5 000€ de la Région Alsace. Mais pour cette dernière, il y avait une condition : faire installer une borne de recharge agréée chez soi. Ce que ce Strasbourgeois a fait.

Le 15 mars 2013 était organisée une cérémonie de remise des clés de la première Zoé de Renault achetée avec l'aide de 5000€ de la région. François Loos est présent. (Document remis)
Le 15 mars 2013, cérémonie de remise des clés de la première Zoé de Renault achetée avec l’aide de 5000€ de la région. François Loos, vice-président du conseil régional (à droite) était présent (Document remis)

Cette clause dans le contrat du conseil régional a largement contribué à freiner la fréquentation des bornes publiques de la CUS. À ce jour, 456 Alsaciens ont reçu cette aide financière. Parmi eux, 15% vivent sur le territoire de la CUS, soit 68 utilisateurs. La Région doit encore verser cette aide à 344 Alsaciens pour lesquels le pourcentage de Strasbourgeois est pour le moment inconnu.

Entre le 28 février et le 15 mai 2013, les bornes CROME de la CUS ont enregistré 342 charges, soit seulement 5 charges par personne en deux mois et demi, si on prend les 68 utilisateurs connus sur le territoire de la CUS comme base de calcul. Alain Fontanel l’avoue, la fréquentation des bornes publiques n’est pas satisfaisante :

« Elles ne sont pas énormément utilisées. Mais quelqu’un qui dépendrait des bornes publiques n’achèterait pas de voiture électrique. Le maillage n’est pas encore assez dense pour cela. C’est bien en complément des bornes privées que nos bornes existent. Le point de charge principal reste au domicile ou sur le lieu de travail. »

Plus électrique que moi tu meurs !

Du côté du conseil régional, on jubile. Pour François Loos, vice-président, la Région est plus en avance que la CUS dans le domaine de la voiture électrique :

« La CUS a mis quelques véhicules à l’essai avec son projet d’expérimentation de Toyota Prius lancé en 2010 [voir l’illustration en début d’article]. Nous, nous avons permis la mise en circulation de 800 voitures électriques grâce à notre aide financière de 5 000€. Eux, c’était des hybrides japonaises. Nous, c’était des électriques de la marque Renault. La priorité, c’est que ce soit les vrais gens qui utilisent les voitures électriques, pas les collectivités pour des expérimentations. Ce qu’il faut maintenant, c’est développer davantage le maillage de bornes publiques. Mais ça, c’est plutôt aux collectivités locales de le faire. »

Des places de parking sont prévues pour les utilisateurs qui souhaitent recharger leur véhicule électrique sur une borne publique. Mais ces places sont souvent squattées par des voitures thermiques. (Photo LJ / Rue89 Strasbourg)
Des places de parking sont prévues pour les utilisateurs qui souhaitent recharger leur véhicule électrique sur une borne publique. Elles sont souvent occupées par des voitures thermiques (Photo LJ / Rue89 Strasbourg)

Alain Fontanel est plus mesuré et préfère parler d’une complémentarité des rôles entre la CUS et la Région :

« La CUS se charge de l’aménagement de l’espace public aux véhicules électriques en installant des points de charge et des places de parking dédiées. Tandis que la Région est beaucoup plus tournée vers l’incitation financière à l’achat d’une voiture électrique. Nos bornes publiques et les bornes installées au domicile des bénéficiaires de l’aide de la région sont complémentaires. Les utilisateurs rechargent leur véhicule chez eux le soir et le weekend, et le rechargent au travail ou sur la voirie pendant la journée en cas de besoin. Les bornes publiques sont également utiles pour les personnes qui viennent d’Allemagne ou d’autres régions de France. »

Sur ces huit places de parking réservées à la recharge de voitures électriques à Rivétoile, une seule place n'est pas occupée par un véhicule thermique (LJ / Rue89 Strasbourg)
Sur ces huit places de parking réservées à la recharge de voitures électriques à Rivétoile, une seule place n’est pas occupée par un véhicule thermique (LJ / Rue89 Strasbourg)

Recharges gratuites pour la Région, bientôt payantes pour la CUS

La CUS assure avoir pour objectif de densifier le maillage des bornes publiques à Strasbourg. Le projet CROME est d’ailleurs une première étape. Ce programme vise à installer de nouvelles bornes compatibles avec tous les types de véhicules électriques. Les problèmes d’adaptateurs devraient donc également être atténués. Mais pour ce qui est de l’harmonisation des actions des deux collectivités, pas sûr que ça évolue pour l’instant.

François Loos assure que les hypermarchés Cora et Leclerc, où se trouvent les bornes installées à l’initiative de la Région, ont choisi de laisser la recharge en libre accès, « car une charge ne coûte pas cher ». Alors qu’Alain Fontanel confie que la CUS envisage de faire payer la recharge sur ses bornes à partir de fin 2014, lorsque le projet CROME sera terminé.


#CUS

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