Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

« Saignée intolérable » ou « lucide » : les annonces budgétaires divisent les élus alsaciens

En plein été, le Premier ministre François Bayrou a annoncé ses orientations pour le prochain budget, avec l’objectif de réaliser près de 44 milliards d’euros d’économies. Ses annonces polarisent fortement les élus alsaciens.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

« Saignée intolérable » ou « lucide » : les annonces budgétaires divisent les élus alsaciens
François Bayrou a intitulé sa présentation du mardi 15 juillet « Le moment de vérité »…

« Vol en bande organisée » pour le député (La France insoumise) Emmanuel Fernandes, ou « exercice de lucidité » pour le député (Les Républicains) Patrick Hetzel. Les réactions des élus alsaciens divergent fortement aux annonces d’économies présentées par François Bayrou ce mardi 15 juillet.

Le Premier ministre a été chargé de trouver 50 milliards d’euros d’économies annuelles, afin de ramener le déficit de l’État sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB). À l’été 2024, l’Union européenne a alerté la France sur son « déficit excessif », une procédure depuis suspendue. François Bayrou ne pouvant toucher aux recettes, sabrées depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, il a annoncé une série de mesures d’austérité : des réductions dans le fonctionnement de l’État, une « année blanche » pour les pensions de retraites et les allocations (de fait non revalorisées malgré l’inflation, NDLR), des coupes dans les budgets des collectivités locales, etc (voir ci-dessous).

En ajoutant la suppression de deux jours fériés (le Premier ministre a mentionné le 8 mai et le Lundi de Pâques), il obtient 43,8 milliards d’euros d’économies annuelles, soit un déficit correspondant à 4,6% du PIB. Seul le budget du ministère des Armées augmentera en 2026, de 3,5 milliards d’euros selon les annonces du président de la République du 13 juillet.

Franck Leroy espère sauver les collectivités

Le président (Les Républicains) de la Région Grand Est, Franck Leroy, a salué dans un communiqué un « acte courageux » du Premier ministre, dont il salue « la responsabilité » et « la lucidité ». Mais Franck Leroy a tiqué sur la ligne de 5,3 milliards d’euros qui s’adresse aux collectivités :

« Les régions devront prendre leur part de l’effort national. Mais il est indispensable de rappeler que l’effort est déséquilibré. L’État, qui a produit l’essentiel de la dette, ne peut faire reposer la quasi-totalité des ajustements sur les épaules des collectivités, alors même que ces dernières réalisent 75 % de l’investissement public. »

Franck Leroy appelle donc à un « véritable dialogue avec l’État, pour construire un cadre équitable et soutenable », c’est à dire à des négociations pour que les actions de la Région Grand Est, dans les trains régionaux, dans les lycées, dans la formation, ne soient pas supprimées.

Des députés prêts à voter la censure

Le député de la 3e circonscription du Bas-Rhin, Thierry Sother (PS) a déploré dans un communiqué que « les mêmes recettes soient utilisées » :

« Le pire, c’est l’année blanche : toutes les prestations versées par l’État, tous les dispositifs de redistribution, toutes les pensions vont être gelées, alors que les prix, eux, vont continuer d’augmenter. C’est aux plus précaires que l’on va demander de payer le désendettement. Une année blanche, c’est en fait une année noire. C’est un impôt caché. »

Il rejoint l’analyse de Sandra Regol, députée (Les Écologistes) de la 1ère circonscription du Bas-Rhin, qui résume ainsi les annonces de François Bayrou : « il n’y a rien qui va ». L’élue développe :

« Cet endettement ne s’explique que par les 62 milliards d’euros par an, que le gouvernement a supprimés des recettes de l’État depuis 2017 ! La dépense publique est restée stable pendant toutes ces années. Je ne m’attendais pas à un tel saccage. Il n’y a aucune annonce sur les recettes… Avec une taxe sur les super profits, et une taxe sur les plus riches, on arrivait aux 50 milliards d’euros supplémentaires sans avoir à rogner sur le quotidien des Français. »

Emmanuel Fernandes, député (La France insoumise) de la 2e circonscription du Bas-Rhin, qualifie les propositions de François Bayrou « d’assaut final dans la guerre sociale menée par Emmanuel Macron depuis 2017 » :

« Concrètement, une année blanche correspond à 2 000 bâtiments qui ne seront pas rénovés, 87 000 places de licences universitaires qui ne seront pas ouvertes, 10 000 postes d’enseignants qui ne seront pas financés… C’est une saignée intolérable dans nos services publics. 5,3 milliards d’économies pour les collectivités, c’est l’équivalent de 760 000 places de crèche ou 135 000 postes de sapeurs pompiers. »

Il précise que le Nouveau Front populaire (alliance électorale réunissant LFI, les Écologistes, le PCF et le PS à l’Assemblée nationale, NDLR) a un programme budgétaire axé sur la justice fiscale pouvant être mis en place pour 2026. Dès septembre, il est ainsi prêt à voter la censure du gouvernement.

Patrick Hetzel, député LR de la 7e circonscription bas-rhinoise, soutient son groupe politique dans un communiqué ; il y défend l’année blanche, la baisse du nombre de fonctionnaires, le gel des prestations sociales et la lutte contre « les arrêts de travail abusifs ». Il déplore en revanche l’absence de mesures « pour lutter contre le coût de l’immigration » et aimerait que la baisse du nombre de fonctionnaires aille encore plus loin. Il estime que la politique budgétaire pèse trop sur « ceux qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie » et assure que son groupe politique sera « force de proposition dans le débat budgétaire qui s’ouvre pour dégager des économies supplémentaires ».

Contactés pour obtenir leurs réactions, Frédéric Bierry, président (Les Républicains) de la Collectivité d’Alsace, Jeanne Barseghian, maire (Les Écologistes) de Strasbourg et les autres députés alsaciens n’ont pas répondu.


#gouvernement

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options