Le chloridazone desphényl est une substance déjà découverte dans l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), comme Rue89 Strasbourg l’a présenté (à lire ici et là). Ce métabolite de pesticide est issu de la dégradation de la chloridazone, un pesticide auparavant utilisé dans la culture intensive de la betterave, interdit d’utilisation en France depuis décembre 2020.
Sur le site de l’Agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France, il est précisé que cette interdiction est liée au « non renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché [par le producteur] pour des questions de rentabilité » et « qu’il n’est pas possible de conclure sur les potentiels mutagènes ou génotoxiques de la chloridazone-desphényl ».
Un seul forage responsable de la pollution
Uniquement alimenté par le forage d’Eschau, l’unité de distribution fournissant l’eau potable des deux communes bas-rhinoises est gérée par l’EMS. Par un arrêté préfectoral paru le 29 avril, la préfecture du Bas-Rhin a autorisé l’Eurométropole à poursuivre la distribution de l’eau potable malgré le dépassement de la limite de qualité pour la chloridazone desphényl sur cette infrastructure. Cette valeur, déterminée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), est de 0,1 µg/l pour ce métabolite du chloridazone.
Cette dérogation de la préfecture permet à l’EMS de continuer à distribuer l’eau potable pour une durée de trois ans, tant que le niveau de chloridazone desphényl reste inférieur à la nouvelle limite dérogatoire, à savoir 0,5 µg/l dans l’eau.
Une pollution connue depuis septembre 2021
Dans un rapport adressé aux membres du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), organe de l’État aidant à la prise de décision du préfet, que Rue89 Strasbourg a obtenu, il est indiqué que la pollution à la chloridazone desphényl du forage d’Eschau a été découverte lors d’un prélèvement le 6 septembre 2021. À l’époque, c’était la première fois que le métabolite de pesticide était recherché dans l’eau potable de cette unité de distribution.
« À la suite de cette première constatation, des prélèvements et analyses complémentaires ont été demandés par l’ARS (…) Ces contrôles renforcés mis en œuvre se poursuivent actuellement. Ils confirment la situation de non-conformité réglementaire pour le paramètre suivant : chloridazone desphényl », est-il précisé dans le document.
Le taux de chloridazone desphényl alors relevé est de 0,351 µg/l, soit plus de trois fois la limite de qualité pour la distribution de l’eau potable. Selon les données collectées par l’ARS depuis cette date, la limite de qualité de 0,1 µg/l a été dépassée à neuf reprises.
Quatre communes concernées dans l’EMS
Interrogé sur cet arrêté préfectoral publié en mai 2025, soit plus de quatre ans après la première détection de chloridazone desphényl en quantité excessive, le vice-président de l’Eurométropole en charge de la qualité de l’eau Thierry Schaal explique : « La démarche de demande de dérogation nécessite des dépassements dans la durée. Nous sommes entrés dans une surveillance étroite dès le premier dépassement ! »

Au total dans l’EMS, quatre communes sont concernées par des dépassements de seuil réglementaire sur le chloridazone desphényl : Oberhausbergen, Holtzheim, Eschau et Geispolsheim. Sur les risques sanitaires liés à ces dépassements, le maire de Fegersheim Thierry Schaal se veut aussi rassurant :
« Il y a eu des légers dépassements de la valeur réglementaire de 0.1 µg/L. Mais la valeur sanitaire, définie par l’Agence régionale de santé et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), est de 11 µg/L. Nos mesures entrent dans des proportions 100 fois moins élevées ! »
« Nous n’avons aucune contamination au-dessus des seuils réglementaires au niveau des polluants éternels. »
Thierry Schaal, vice-président de l’Eurométropole en charge de la qualité de l’eau
Assisté du responsable de la qualité de l’eau à l’EMS, Thierry Schaal insiste sur les efforts de l’EMS :
« Nous contrôlons près de 300 pesticides et leurs métabolites dans l’eau de l’Eurométropole. Le budget d’analyse est de 600 000 euros par an. Notre approche est préventive et nous permet d’éviter de mettre en place un traitement de l’eau des habitants de l’Eurométropole. Par ailleurs, nous n’avons aucune contamination au-dessus des seuils réglementaires au niveau des polluants éternels. »
Des mesures radicales prises par l’Eurométropole
Pour rétablir la situation et fournir une eau potable respectant les limites de qualité aux habitants, l’EMS a prévu un plan radical : déconnecter le forage d’Eschau du réseau d’eau potable avant 2028. Une décision rare, que l’EMS n’a dû prendre que pour un captage situé à Holtzheim, aussi concerné par des dépassements en lien avec une contamination au-dessus du seuil réglementaire en chloridazone desphényl. Pour compenser cette fermeture, l’EMS prévoit de connecter le réseau d’eau potable des habitants d’Eschau à d’autres captages d’eau. Le montant de l’opération est chiffré à 7 millions d’euros hors taxes.
Cette infrastructure de distribution d’eau potable doit, à terme, être reliée à un captage situé à Illkirch-Graffenstaden ainsi qu’à un nouveau champ de captage à Plobsheim. Encore en phase de test, ce second captage devrait fournir 1 000 mètres cubes par heure d’eau potable au réseau. Cette première phase doit se terminer au printemps 2026 avant « une seconde phase ultérieure d’essais » indique le site de la mairie de Plobsheim. En attendant, la chloridazone desphényl coule toujours dans l’eau des robinets des habitants de Plobsheim et d’Eschau.
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