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Après 12 ans, le festival Musaïka de Mulhouse risque de disparaître

Après plus de dix ans d’existence, le festival de musiques du monde Musaïka à Mulhouse peine à trouver les financements nécessaires à sa survie. Le centre culturel des Coteaux pense à se tourner vers des financeurs privés.

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Musaïka (doc remis)

« Chaque année entre cinq et six mille personnes viennent sur le festival. On réussit à toucher un public intergénérationnel, dans notre quartier et au-delà ». Au bout du fil, la voix d’Élise Cataldi reste enthousiaste. La directrice de l’Afsco, l’association qui gère le centre social et culturel (CSC) du quartier des Coteaux à Mulhouse, a vu naître le festival dès 2010.

Musaïka (doc remis)
Lors d’un événement du festival Musaïka en 2022. Photo : doc remis

Une version déjà réduite en 2023

« Depuis, on n’arrête pas de grandir », se félicite-t-elle. Deux soirées de concerts gratuits en plein air depuis 2019, des animations pour les enfants, des projections au cinéma Bel Air, des spectacles à la Filature, une balade gourmande, un partenariat avec les bibliothèques de Mulhouse… Dans le projet social 2021-2024 du CSC, les habitants font savoir leur « joie et fierté d’avoir ces concerts dans leur quartier ».

« Si nous n’avons pas trouvé de financeur solide d’ici septembre, nous pouvons dire au revoir à Musaïka 2024 », déplore la directrice. Cette année, l’association a déjà manqué de 30 000 euros pour boucler son budget. Malgré tout, elle a décidé de maintenir l’édition 2023, en « version plus réduite », pour limiter les coûts.

Cette année, l’organisation de Musaïka a donc coûté 70 000 euros, dont 5 000 euros financés par la Ville de Mulhouse et 5 000 par la Collectivité européenne d’Alsace (Cea). Le reste provient des fonds propres de l’Afsco, qui décide d’y allouer une partie de son budget global.

Un « formidable outil de mixité sociale »

Le festival Musaïka fait partie des évènements organisés par le CSC mais ce n’est pas l’essentiel de leur activité :

« Notre priorité, c’est de nous développer dans toutes nos activités. On n’a pas le temps de chercher des financeurs toute la journée, ni les moyens d’y dédier quelqu’un à temps plein. Surtout, ce n’est pas notre métier. Nous restons une structure sociale au service des habitants. Nous devons déjà nous adapter aux nouveaux enjeux politiques, à ceux de la ville… »

Le CSC compte 2 500 adhérents, sur un quartier d’environ 9 000 habitants. Et la directrice tient à ce que l’évènement reste gratuit :

« C’est un formidable outil de mixité sociale. Si on fait payer, une partie des gens du quartier ne vont plus pouvoir venir et ce n’est pas l’esprit du festival. »

Une baisse globale des subventions

Les coûts de l’électricité et de production du festival augmentent, ainsi que celui des salaires des quelques 70 employés du CSC des Coteaux. L’édition 2024 de Musaïka doit coûter entre 80 et 90 000 euros, explique Élise Cataldi.

Les frais augmentent, tandis que les subventions baissent. « La Collectivité européenne d’Alsace (CeA), la CAF et la Ville de Mulhouse ont gardé la même enveloppe de subvention. Mais elles ont plus de structures à financer », résume la directrice. Le nombre de CSC à Mulhouse est passé de 16 à plus d’une vingtaine. Le CSC des Coteaux a ainsi vu son aide financière de la CAF pour 2023-2024 baisser de 30% par rapport à l’année précédente. « C’est l’équivalent d’un salaire pour un employé à temps plein, pendant un an, que nous percevons en moins, explique Élise Cataldi, et d’autres baisses sont encore annoncées. »

Même tendance pour les subventions municipales, qui ont été "redistribuées" entre les différents CSC. "Celle qui est attribuée à l'Afcso a logiquement baissé", conclut la directrice. Le centre des Coteaux recevait 65 000 euros en 2018, puis l'enveloppe a baissé pour atteindre 60 500 euros en 2022 et diminuer jusqu'à 50 400 euros en 2023.

La Ville de Mulhouse prévoit d'entrer dans une "phase de diagnostic" sur ses propositions culturelles. La directrice du CSC espère que les acteurs seront concertés car pour le moment, le sentiment de frustration prévaut :

"On sait bien qu'il faut faire des économies, mais c'est comme pour la réforme des retraites. Si on ne comprend pas les choix qui sont faits, ça crée un sentiment d'abandon. Il faut se poser et réfléchir, dialoguer surtout. Nous, structure culturelle, ça nous oblige à monter des plans de financements différents. Mais nous devons trouver le temps, l'espace et la compétence pour le faire."

Le mécénat comme solution ?

Pour permettre au festival de perdurer, la directrice songe à démarcher des investisseurs privés et entamer un processus de mécénat. Mais le temps et la compétence manquent pour mener à bien cette mission. Peu développé en France, le mécénat permet à des structures de recevoir des fonds de la part d'entreprises, a priori sans contrepartie. Pour Élise Cataldi, il s'agit surtout de trouver le bon mécène :

"On ne peut pas être financé par n'importe qui. Notre base, c'est l'éducation populaire et les valeurs sociales. Donc a priori on irait vers des mécènes plutôt culturels. Sinon ça risque de créer une friction avec le sens que nous donnons à notre travail."

Dans le Haut-Rhin, le festival Momix a lui aussi vu ses subventions baisser depuis 2022 de façon drastique, au point d'appeler la Ville de Mulhouse à l'aide et d'envisager de s'y déplacer.


#culture

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