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À l’AG des étudiants : étendre les blocages et… occuper l’Élysée

Mardi 10 avril à 10h, les « étudiantes et étudiants organisés » contre la réforme prévue de l’orientation post-bac ont choisi de maintenir les blocages des bâtiments de l’université de Strasbourg et de les étendre à l’institut Le Bel pour « ramener les scientifiques dans la lutte. » Les étudiants prévoient de rédiger une charte de l’université libre, un organe de presse et… d’occuper l’Elysée.

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À l’AG des étudiants : étendre les blocages et… occuper l’Élysée

L’entrée du portique était bloquée par des palettes, des poubelles et des barrières. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / CC)

Le blocus s’est poursuivi sur le campus universitaire de Strasbourg, mardi 10 avril dans la journée. Devant les portes des quatre bâtiments de l’université, le Patio, le nouveau Patio, l’Escarpe et le Portique, des poubelles et des barrières ont bloqué l’entrée dès 8h du matin. À 10h, une assemblée générale a réuni plus de 400 personnes, soit une centaine de plus que la veille.

Comme mardi, la séance a commencé par des prises de paroles organisées pour évoquer le contenu du projet de loi Vidal et de la réforme Orientation et réussite étudiante (ORE) qui modifie l’orientation post-bac.

Une quarantaine d’étudiants s’est succédé au mégaphone. D’après Soufiane, présent pour la première fois à un événement de la sorte, c’était « une belle expérience de discussion citoyenne » :

« Quand de telles discussions organisées par les citoyens se créent, cela produit des débats importants. Les étudiants ne sont pas d’accord avec ces réformes, ça ne peut être qu’une bonne chose que d’en discuter de cette manière. »

Témoignages d’anciens bac-pros et d’étudiants étrangers

Des étudiants passés par les filières professionnelles, au nombre de cinq, ont témoigné de la chance qu’ils ont eu d’avoir pu aller à l’université :

« Je viens d’un bac pro, je suis maintenant en lettres modernes. Je suis heureux de réaliser ces études. Si cette loi passe, ce type de parcours ne sera plus possible car il faudra démontrer une cohérence de parcours. Les universités sélectionneront les étudiants en fonction de critères tels que le type du bac qu’ils auront passé. »

De grandes salves d’applaudissements émanaient de la foule pour accompagner ces discours. Jocelyne, venu mardi matin pour un examen et présente à l’assemblée générale, explique qu’elle est aussi dans cette situation :

« Avant la fac, j’ai obtenu un Bac technologique et scientifique et maintenant je suis en filière Lettres modernes… Ça n’a peut être rien à voir mais c’est la filière qui me correspond maintenant. J’ai eu de la chance de pouvoir faire cela. »

L’assemblée générale a réuni plus de 400 personnes devant le bâtiment du Portique. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

Des opposants aux blocages présents à l’assemblée générale

Des personnes opposées aux blocages ont participé aux débats de l’assemblée générale, telle cette jeune fille :

« Nous ne sommes pas contre le fait qu’il y ait une mobilisation mais contre les blocages. Ce n’est pas respecter la liberté d’étudier que d’empêcher les étudiants d’aller en cours ou aux examens. »

Des membres de l’Uni, un syndicat étudiant classé à droite, ont à nouveau tenté, comme hier, de lever les barricades empêchant les accès aux bâtiments. Ils ont été rapidement stoppés par les étudiants grévistes. En réponse, des étudiants favorables aux blocages ont expliqué les raisons de ces actions :

« Nous avions obtenu, auprès de l’administration du palais universitaire, l’occupation d’un amphithéâtre, mais cela ne suffisait pas. Le mouvement allait s’essouffler. Face à une réforme qui menace notre modèle d’université libre, les actions doivent être importantes. Il n’y a que comme ça que l’on se fera entendre. Si on fait une petite manifestation une fois tous les mois, notre voix ne portera pas et la loi [Vidal, ndlr] passera. »

Des étudiants étrangers ont apporté d’autres arguments :

« Au Canada, une augmentation du prix des études supérieures avait été décidée en 2012. Les étudiants ont été entendus grâce à des mouvements massifs de blocages d’amphithéâtres et des manifestations très importantes. Ils ont obtenu le soutien de l’Organisation des Nations Unies et du Conseil des Droits de l’Homme grâce à ces mobilisations qui ont duré des mois. La loi a finalement été rejetée. Dans d’autres pays comme l’Angleterre, les étudiants se plaignent d’universités élitistes. Aujourd’hui, il faut que dans ce pays, de grands mouvements se créent avec des blocages partout, pour se faire entendre avant qu’il ne soit trop tard. »

Enfin, deux prises de paroles ont été consacrées aux priorités budgétaires du gouvernement Macron :

« Notre université manque de moyens. Les enseignants-chercheurs sont de moins en moins nombreux. Mais à côté de ça, l’Etat a décidé dernièrement d’augmenter le budget de l’armée de 1,7 milliard d’euros tous les ans jusqu’en 2023 et de 3 milliards d’euros en 2024 et en 2025. Dans les universités, on pourrait faire beaucoup de choses avec cet argent. »

Les étudiants ont voté « pour » continuer le blocus sur le campus central de l’université. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / CC)

Les étudiants ont voté pour occuper… l’Elysée

Les étudiants ont ensuite voté, à 75 voix contre plus de 200, la poursuite du blocus mercredi 10 avril. Opposée aux blocages, l’antenne bas-rhinoise de « Les Jeunes avec Macron » avait appelé à participer en masse à l’Assemblée générale pour retourner la majorité. Elle elle estime que les opposants « ne revêt[ent] aucune légitimité ». Mais ses partisans n’ont pas su mobiliser davantage…

Tous les bâtiments bloqués aujourd’hui, à savoir le Patio, le Nouveau Patio, le Portique et l’Escarpe le seront à nouveau mercredi, ainsi que l’institut Le Bel. Cette opération vise à « ramener dans la lutte les étudiants des filières scientifiques qui étudient dans ce bâtiment. »

Un projet d’occuper le palais de l’Elysée, où se trouve la présidence de la République, en collaboration avec d’autres universités françaises, a également été voté à une très large majorité. Les votants ont aussi décidé de rédiger une « charte pour l’université libre » qu’ils défendent :

« Nous voulons montrer concrètement quelles sont nos revendications, et pas simplement être dans une opposition non-constructive. Cette charte sera une production collective et étudiante, réalisée de manière participative. »

Le président n’exclut pas une intervention policière

Enfin, la création d’un organe de presse, tenu par les étudiants pour « permettre une meilleure accessibilité à des informations qui les concernent et pour garantir l’objectivité  » a été décidée.

Vers 12h30, la foule s’est dispersée, se donnant rendez-vous au lendemain, mercredi 11 avril, pour une nouvelle journée de mobilisation.

Invité de la matinale radio de Franceinfo, le président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, a averti qu’il n’excluait pas d’appeler une troisième fois les forces de l’ordre si « la liberté d’enseigner, de chercher et de circuler est en cause ».


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