Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Des associations de locataires demandent aux bailleurs sociaux d’annuler la hausse des loyers en 2024

Dans un contexte de fragilisation des ménages par l’inflation, trois associations de locataires demandent à l’Eurométropole la suppression de la hausse de 3,5% des loyers des logements sociaux en 2024. La collectivité assure ne pas avoir d’autre solution pour dégager des moyens afin de construire et rénover les habitations.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Des associations de locataires demandent aux bailleurs sociaux d’annuler la hausse des loyers en 2024

« Ce n’est pas sur le logement social qu’il faut faire des économies », souffle Geneviève Manka, porte-parole de la Confédération nationale du logement du Bas-Rhin (CNL 67). Elle est atterrée par la décision des bailleurs sociaux de l’Eurométropole (Habitation Moderne, Ophéa, et Foyer Moderne de Schiltigheim), qui prévoient une hausse des loyers de 3,5% au 1er janvier 2024, comme début 2023, soit un peu plus de 7% en deux ans.

Cette augmentation correspond au maximum légal et représentera en moyenne 15,40 euros de surcoût par loyer tous les mois. Une opération qui doit permettre de dégager 5,35 millions d’euros pour ces trois bailleurs sociaux en 2024.

Une hausse des loyers qui s’ajoute à l’inflation

Concernant le bailleur social Alsace Habitat, rattaché à la Collectivité d’Alsace, un conseil d’administration doit encore avoir lieu en fin d’année 2023 pour déterminer s’il y aura une hausse ou non des loyers. Dans un communiqué commun publié début octobre, la CNL 67, Consommation logement et cadre de vie (CLCV 67) et la Confédération syndicale des familles (CSF 67) ont justement appelé les bailleurs sociaux à un gel des loyers :

« La situation financière des familles et des locataires en général est dramatique (21% de français sont concernés par la privation [matérielle et sociale] et la pauvreté selon Oxfam). Vingt-trois communes alsaciennes sont classées en zones tendues, le parc locatif privé est devenu inaccessible aux familles populaires et de la classe moyenne, alors que les délais d’attente pour un logement social sont de 24 mois dans le Bas-Rhin. »

Les délais pour obtenir un logement social sont très longs à cause d’une saturation du parc dans l’Eurométropole.Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Les associations de locataires évoquent également l’augmentation du coût du gaz, de l’électricité, l’inflation et la fin du bouclier tarifaire qui « fragilisent les ménages vulnérables ». « La CNL a lancé une campagne nationale dés juin pour demander aux bailleurs de ne pas augmenter les loyers. Aujourd’hui, il y a un mécontentement généralisé chez les locataires », constate Geneviève Manka.

Dégager des moyens pour construire et rénover

Suzanne Brolly, vice-présidente de l’Eurométropole en charge des politiques immobilières, assure que « cette décision n’est pas agréable, mais totalement nécessaire » :

« Nous avons une crise du logement à Strasbourg. Je dois concentrer les moyens sur la construction de logements sociaux pour répondre à la demande. Et nous devons aussi réduire les charges des locataires grâce aux rénovations. Pour cela, les bailleurs investissent sur leurs fonds propres, qui ne sont pas illimités. On ne peut pas leur imposer une double peine, avec d’un côté des investissements massifs, et de l’autre un gel des loyers.

Les aides au logement ont augmenté de 3,7% en octobre, ce qui doit couvrir la hausse des loyers pour les allocataires. Par ailleurs, nous avons prévu une augmentation de 1,6 million d’euros du fonds de solidarité afin d’aider les ménages en difficulté pour payer une partie de leurs charges. »

« 50% des locataires n’ont pas d’APL à Strasbourg », balaye Daniel Bonnot, président de la CLCV 67. « Comme d’habitude, c’est aux plus pauvres de se mobiliser. Nous sommes absolument contre cette logique », poursuit-il. « En 2023, Alsace Habitat avait appliqué une hausse de 1 à 2,5%, avec les augmentations maximales là où le marché du logement est le plus tendu, c’était déjà mieux », rappelle Grégoire Ballast, chargé de l’habitat à la CSF 67.

Cibler l’État plutôt que les locataires ?

Il explique que son association aurait attendu « un positionnement fort des bailleurs sociaux et des collectivités pour demander des moyens à l’État plutôt que d’augmenter les loyers, car le logement est le poste de dépenses le plus important des ménages » :

« Nous sommes bien conscients des difficultés budgétaires des bailleurs, causées principalement par un désengagement de l’État. Nous demandons par exemple la suppression de la réduction du loyer de solidarité (RLS, NDLR). Une prise en charge demandée aux bailleurs sociaux après la diminution des aides au logement (APL, NDLR). Les APL doivent réaugmenter pour que l’État couvre à nouveau ce coût. »

« C’est contre l’État que les bailleurs doivent se mobiliser, pas les locataires, encore moins ceux qui vivent dans des quartiers prioritaires », abonde Daniel Bonnot. Suzanne Brolly regrette que les demandes de moyens pour les bailleurs sociaux, qu’elle dit porter au niveau national, restent inaudibles pour le gouvernement.

La CLCV, la CNL et la CSF revendiquent également l’encadrement des loyers à Strasbourg, un dispositif juridique de plafonnement utilisé par certaines villes pour éviter que des loyers soient bien au-dessus du prix du marché. « D’après l’observatoire des loyers, il n’y a pas de décrochage (écart aberrant entre les loyers, NDLR). J’utiliserai ce dispositif quand il aura une réelle utilité », affirme Suzanne Brolly.


#bailleur social

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options