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Pour « ne pas alimenter la haine », l’Université de Strasbourg quitte Twitter

Le 17 janvier 2024, l’Université de Strasbourg a annoncé se retirer du réseau social X (ex-Twitter) d’ici fin février. Une décision prise par le conseil de présidence de l’université en décembre 2023, un an après le rachat de la plateforme par Elon Musk.

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Pour « ne pas alimenter la haine », l’Université de Strasbourg quitte Twitter
Dans une salle du Patio, bâtiment de l’université de Strasbourg dédié aux langues et aux sciences sociales.

« L’évolution prise par ce réseau motive cette décision : absence de respect du code de bonne conduite européen, certification payante, démultiplication de fausses informations et du complotisme. » Dans un communiqué de presse publié le mercredi 17 janvier, l’Université de Strasbourg (Unistra) a annoncé quitter le réseau social X, ex-Twitter.

Le compte @unistra, suivi par plus de 31 000 abonnés, restera actif jusqu’à fin février 2024. Il sera ensuite supprimé. Armelle Tanvez, directrice de la communication à l’Université de Strasbourg depuis plus de dix ans et administratrice de l’association Communication publique, revient sur la décision de l’institution.

Rue89 Strasbourg : D’où est venue l’initiative de l’Université de Strasbourg de se retirer de X (ex-Twitter) ?

Armelle Tanvez : Le sujet est en discussion depuis quatre ou cinq mois à l’Université. Des associations étudiantes ont fait remonter leurs interrogations à propos de la plateforme. Au service communication, nous sommes en première ligne mais nous n’avons pas pris seuls la décision. Cette dernière a été discutée plusieurs fois avant d’être actée en décembre 2023 par le conseil de présidence.

« Distinguer le vrai du faux devient extrêmement compliqué »

Le rachat du réseau social par Elon Musk a commencé à nous interroger fin 2022. Mais c’est après les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 que nous avons réellement entamé les discussions pour se demander si oui ou non, être sur X correspondait aux valeurs de l’institution. Notamment lorsque le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a annoncé qu’une enquête allait être menée par la Commission européenne (une procédure formelle a été ouverte le 18 décembre 2023, NDLR). Je pense que c’est cette procédure qui a été l’élément déclencheur.

Nous avons constaté que les contenus antisémites étaient de plus en plus présents sur X. De plus en plus de publications nous ont inquiétés. Tout et n’importe quoi y est dit. Distinguer le vrai du faux devient extrêmement compliqué pour les utilisateurs et utilisatrices. Nous nous sommes donc demandé si l’Université voulait participer à une telle plateforme.

Quel est l’impact, pour l’institution, de cesser de communiquer via X (ex-Twitter) ? Ce choix soulève-t-il des inquiétudes au sein des personnels enseignants-chercheurs ?

Dès que la question d’abandonner X a été abordée, elle a soulevé très peu de débat. La décision a été annoncée mardi 16 janvier aux directeurs des composantes. Et pour le moment, personne ne nous a dit qu’il trouvait que c’était trop rapide ou qu’il fallait revenir sur notre choix.

« On ne participe pas à une plateforme qui favorise la haine »

Collectivement, j’ai l’impression que de plus en plus de chercheurs quittent le réseau social et que dès lors, les inquiétudes restent très limitées. D’autant plus que les travaux universitaires sur les algorithmes et leurs fonctionnements opaques se multiplient. Je pense donc que la décision est comprise par le plus grand nombre.

Ceci dit, nous n’avons pas fait d’enquête formelle sur ce qu’en pensent les enseignants-chercheurs. Depuis que nous avons annoncé partir de X, je sens un certain soulagement, un contentement de se dire qu’on ne participe pas à une plateforme qui alimente la haine ou l’absence de fiabilité de l’information.

D’autant plus que les facultés et les laboratoires pourront décider s’ils restent ou non sur X, même si nous les incitons à en partir. Le compte de la présidence de Michel Deneken sera supprimé comme tous les comptes institutionnels, mais bien sur qu’individuellement, chacun est libre de faire ce qu’il préfère.

D’autres institutions entendent favoriser X pour faire passer leur communication. C’est le cas de la préfecture notamment, qui nous a invités à consulter ses publications pour être tenus informés de ses actualités. Pourquoi l’Unistra fait-elle le choix inverse ?

Notre parole existe dans la société à beaucoup d’autres endroits que sur X. Nous sommes sur plusieurs réseaux sociaux, sur Bluesky, Instagram, YouTube, Facebook et nous avons un site internet. Notre plus grosse communauté est celle qui nous suit sur Linkedin. Pour communiquer avec les étudiants, nous avons des canaux internes spécifiques. Ce qu’on publiait sur X, on le publiera sur Bluesky. À partir de là, je pense que nous n’avons pas besoin d’être présents sur X.

« Nous n’irons jamais sur TikTok »

Armelle Tanvez, directrice de la communication de l’Unistra

D’autant plus que nous sommes attachés à une éthique du débat public. Peut-on débattre sur X ? Je n’en suis pas certaine. Favorise-t-elle l’échange ? Pas forcément. Est-ce qu’utiliser ce réseau social pour communiquer est synonyme de transparence ? Je ne pense pas non plus. Pour les mêmes raisons qui nous font quitter X, je peux dire que nous n’irons jamais sur TikTok.

Nous ne sommes par ailleurs pas la seule université à avoir décidé de quitter X. Dans le réseau Udice, qui rassemble dix grandes universités de recherche en France, nous sommes les troisièmes à cesser de poster sur X, après Aix-Marseille (en octobre 2023, NDLR) et Bordeaux (en janvier 2024, NDLR).


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