Le 22 mai 2024, le conseil municipal de Strasbourg votait à titre expérimental la mise en place d’un congé menstruel pour ses fonctionnaires souffrant de dysménorrhées (douleurs dues aux menstruations). Cette mesure leur permet de bénéficier de 13 jours d’absence par an, sans journée de carence, à raison de trois jours de congé successifs maximum. Cet aménagement est accordé aux personnes concernées sur présentation d’un certificat médical établi par un gynécologue ou un maïeuticien et un avis favorable de la médecine du travail. L’autorisation est valable pour deux ans, le temps de l’expérimentation de cette nouvelle mesure.
Le 30 septembre 2024, juste avant de partir à la retraite, l’ancienne préfète du Bas-Rhin et du Grand-Est, Josiane Chevalier, avait décidé d’attaquer la mesure prise par la municipalité devant le tribunal administratif. Son successeur, Jacques Witowski, n’était pas revenu sur la décision. Après près de dix mois d’attente, l’audience opposant la Ville, représentée par maître Anne-Margaux Halpern, et la préfecture s’est tenue mardi 3 juin.
Absence de cadre légal
Les conclusions du rapporteur public, un magistrat chargé de proposer une solution au tribunal, ont duré une petite vingtaine de minutes. Si les griefs de la mesure adoptée par la Ville de Strasbourg « portent sur l’amélioration du travail et la santé gynécologique des fonctionnaires et sont par conséquent louables » affirme le rapporteur, il estime que l’absence de cadre légal lui fait défaut.
Le congé gynécologique est accordé sous forme « d’autorisations spéciales d’absence » (ASA). Or, « la préfecture soutient que la création d’un nouveau régime d’ASA ne relève pas des compétences de la collectivité », explique le magistrat. Il confirme rapidement les fondements de l’opposition de la préfecture :
« Les ASA existantes sont délivrées pour des raisons liées à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux et ne peuvent pas être accordées pour des raisons de santé. (…) La Ville de Strasbourg et les collectivités plus généralement ne disposent d’aucune base légale pour instaurer un congé gynécologique. »
Malheureusement pour la municipalité, une jurisprudence existe déjà. Le 20 novembre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu le congé menstruel de la communauté de communes du Grand Ouest Toulousain. La municipalité de Grenoble qui a pris des mesures similaires, a également vu en février 2025 sa délibération suspendue par une décision du tribunal administratif.
À l’assaut de la jurisprudence
L’avocate de la Ville de Strasbourg, Me Anne-Margaux Halpern invoque a contrario l’article L611-2 du Code général de la fonction publique, qui dispose que : « Les règles relatives à la définition, à la durée et à l’aménagement du temps de travail des agents territoriaux sont fixées par la collectivité ».
Elle défend aussi que le congé gynécologique s’inscrit dans une « politique d’égalité des sexes et permettrait aux agentes d’exercer dans les mêmes conditions que les hommes. » Selon l’avocate, 118 agentes ont bénéficié entre le 1er septembre 2024 et le 31 mai 2025 d’un avis médical favorable à la mise en place d’un congé gynécologique. 67 d’entre elles ont bénéficié d’un congé. « L’objectif n’est pas de placer les femmes en congé mais de sensibiliser et d’informer pour leur permettre d’exercer leur activité professionnelle et de permettre aux collectivités d’aménager leurs conditions de travail. »
La décision sera rendue le 24 juin 2025.
Chargement des commentaires…