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Des avocats et des magistrats contre un durcissement de la justice des enfants

Mardi 6 mai, le Parlement doit examiner une proposition de loi qui veut durcir la justice des enfants. Des avocats et des magistrats dénoncent cette proposition, arguant que la justice dispose déjà des bons outils pour juger les mineurs, mais qu’ils ne sont pas mis en œuvre faute de moyens.

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Des avocats et des magistrats contre un durcissement de la justice des enfants
Le texte de Gabriel Attal veut mettre plus systématiquement les mineurs délinquants en prison

Une trentaine d’avocats et une dizaine de magistrats étaient réunis dans le hall d’accueil du palais de justice de Strasbourg, lundi 5 mai vers midi. Ils dénoncent la proposition de loi portée par Gabriel Attal, éphémère Premier ministre (Renaissance) qui vise à « restaurer l’autorité de la justice » en matière de délinquance des mineurs. Ses mesures, qui incluent l’instauration des comparutions immédiates dès 15 ans et la suppression de « l’excuse de minorité », doivent être examinées en commission mixte paritaire de l’Assemblée nationale et du Sénat mardi 6 mai.

Présent lors du rassemblement, le Syndicat des avocats de France (SAF) souligne dans un communiqué que la proposition de loi est « unanimement dénoncée par les professionnels de l’enfance » :

« Cette proposition de loi nie le principe constitutionnel qui commande d’atténuer la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge et exige de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité. Un ou une mineure qui commet un acte de délinquance est avant tout un enfant en danger. »

« Les mineurs sont des enfants en construction, pas des adultes en réduction », explique Sendegül Aras, vice-bâtonnière de l’ordre des avocats de Strasbourg :

« Ce texte a été imaginé dans l’agitation, sous le coup de l’émotion collective des émeutes urbaines de l’été 2023. Il voudrait faire croire que la justice n’a plus d’autorité sur les mineurs et leurs parents, ce qui est faux. La dernière réforme de la justice des mineurs date de 2021 et ses effets n’ont même pas encore été évalués. »

Des avocats et quelques magistrats se sont rassemblés symboliquement quelques minutes dans le hall du palais de justice de Strasbourg.

Juge des enfants et vice-présidente du tribunal de Strasbourg, Anne Le Gunehec trouve que cette loi est inutile et contre-productive :

« Les juges peuvent déjà annuler l’excuse de minorité, s’ils estiment que le mineur est suffisamment mûr pour son âge. Il n’y a pas “d’autorité de la justice” à rétablir : les mineurs délinquants peuvent déjà être placés en détention dès l’issue de leur garde à vue. Et là, soit un “choc carcéral” opère et on a le temps avant l’audience, un mois plus tard, de le sortir de ce chemin, soit il est persuadé d’être un caïd et il restera en prison comme les majeurs. »

Anne Le Gunehec estime qu’en instaurant des comparutions immédiates pour les mineurs, la justice n’aura plus le temps d’affiner sa réponse après la répression :

« La justice a déjà bien du mal à mettre en œuvre les mesures permettant d’analyser et d’enrayer les comportements des jeunes délinquants. Elles sont prononcées mais pas toujours exécutées, faute de moyens. Ce dont on a besoin, ce sont des ressources pour les dispositifs existants, pas de nouvelles mesures qui seront inapplicables faute de moyens ! »

Beaucoup de professionnels estiment que cette loi sera de toutes façons censurée par le Conseil constitutionnel, en raison de ses dispositions contre les droits fondamentaux des enfants. La mobilisation contre ce texte ne fait que débuter et la vice-bâtonnière Sendegül Aras se dit prête à soulever son inconstitutionnalité à chaque plaidoirie en défense de mineurs mis en cause.


#Justice

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