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La CFDT Alsace change de méthode : « Si on se coordonne avec l’intersyndicale, on peut tout paralyser »

Face à un gouvernement qui ne les écoute pas sur la réforme des retraites et la décision défavorable du Conseil constitutionnel, des militants de la CFDT 67, traditionnellement attachés à une posture de dialogue, envisagent un nouveau mode d’action : des blocages de sites stratégiques. Ils ont paralysé une plateforme Auchan à Vendenheim du mardi 11 avril au jeudi 13 au soir. Et depuis vendredi, ils ralentissent le fonctionnement d’un entrepôt logistique à Bischheim.

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La CFDT Alsace change de méthode : « Si on se coordonne avec l’intersyndicale, on peut tout paralyser »

Groupe électrogène, tonnelles, plancha, camion aménagé avec une douche et des toilettes… Les adhérents de la CFDT sont organisés pour tenir dans la durée. Leur blocage de l’entrepôt logistique Auchan à Vendenheim a commencé à 22h, mardi soir. Jeudi matin, ils se tiennent devant l’accès du site, afin d’empêcher le passage des camions, et donc l’approvisionnement des supermarchés. Le géant de la grande distribution y stocke des produits frais et surgelés. Des équipes d’une dizaine de militants se relaient le matin, l’après-midi et la nuit.

Les blocages de la CFDT sont organisés avec des équipes qui se relaient pour tenir 24h/24. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

C’est toute la posture habituelle de la CFDT qui est remise en question. De tradition réformistes, favorables au dialogue avec le patronat et le gouvernement, ces syndicalistes sont affectés par l’absence d’impact de la mobilisation massive et pacifiste contre la réforme des retraites. Et le Conseil constitutionnel a validé le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Après trois mois d’efforts pour manifester en nombre, Gilles Poyac, militant CFDT qui participe au blocage, ne peut que constater l’inefficacité de la méthode :

« On ne devrait pas avoir à bloquer, Emmanuel Macron devrait écouter nos revendications. Plus de 90% des actifs sont contre son projet, donc c’est juste son rôle de renoncer, on est en démocratie. Nous sommes un syndicat de négociation. Mais là, il n’y en a aucune, c’est une catastrophe. Face à l’arrogance et l’irresponsabilité de ce gouvernement, on utilise les moyens à notre disposition. »

« Les patrons vont dire à Macron qu’il doit reculer »

Martine Wolters, de la CFDT Santé sociaux, abonde : « Ils essayent de nous faire culpabiliser en nous disant qu’il ne faut pas bloquer, mais c’est leur mépris qui nous oblige à passer à la vitesse supérieure. Et on ne lâchera pas avant le retrait de la réforme. »

Pas de banderoles renforcées ou de barricades enflammées. Les syndicalistes de la CFDT bloquent le passage avec des plots et leurs véhicules. Lorsque des gendarmes arrivent dans la matinée de jeudi, ils les accueillent pour négocier. « Ça se passe très bien avec eux », glisse un agent. Vers 17h, face à « l’insistance des forces de l’ordre », les activistes décident de lever le camp… pour enchaîner dès le lendemain, vendredi 14 avril à 4h, avec le blocage de l’entrepôt Stef à Bischheim.

Vers 10h ce jour là, une quinzaine de militants sont présents et affichent des mines sereines. Des dizaines de camions sont bloqués. « On touche Auchan, Super U, Leclerc, Match et Cora », énumère Valérie Delena, déléguée syndicale CFDT à l’EHPAD Bartischgut de la Meinau. À 10h30, ils décident de laisser passer les véhicules qui livrent des restaurants : « On ne veut pas pénaliser les petites entreprises, par contre on bloque complètement l’approvisionnement des supermarchés », explique Martine Wolters. Selon elle, le blocage est le seul moyen « d’aboutir à quelque chose » :

« Si on touche des grosses entreprises au porte-monnaie, que leurs bénéfices sont réduits, les patrons vont commencer à dire à Emmanuel Macron qu’il doit reculer. Quand l’économie sera vraiment affectée, il sera obligé de bouger. »

Martine Wolters (à gauche) et Valérie Delena (à droite), estiment que pour faire reculer le gouvernement, ces blocages sont nécessaires. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La CFDT se dit capable de mobiliser davantage pour des blocages

Ali et Karim, transporteurs routiers chez Stef, confirment aux militants CFDT que l’action est très impactante : « Là, il y aura des déficits d’approvisionnement pour le week-end. C’est comme ça que le gouvernement peut réagir. » Pascal Vaudin, secrétaire général de la CFDT des transports du Bas-Rhin, ajoute :

« En bloquant les plateformes alimentaires, on touche aussi les caisses de l’État via la TVA. On veut montrer l’exemple. Avec ces actions, on peut avoir un très gros impact. Quinze personnes sur place c’est suffisant pour bloquer un site comme ça. Si on se coordonne avec l’intersyndicale à l’échelle nationale, on peut tout paralyser. »

Pascal Vaudin observe que des blocages coordonnés peuvent avoir un fort impact. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

À Strasbourg, jeudi 13 avril, le collectif On crèvera pas au boulot a bloqué la place de Haguenau et le syndicat Sud a installé un barrage sur le pont de Kehl. Dans le cortège, Laurent Feisthauer, secrétaire départemental de la CGT, relevait aussi la nécessité de changer de stratégie :

« On a atteint les limites des grandes journées interprofessionnelles. Il faut encore fixer le cap au niveau de l’intersyndicale, mais je pense qu’on organisera tous les matins des barrages filtrants, qu’on bloquera des entreprises si le gouvernement ne recule pas… »

Pascal Vaudin donne des indications à un conducteur de camion. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

D’après Valérie Delena, rien qu’à la CFDT, il est possible de mobiliser « largement plus » pour ce type d’actions, afin de bloquer « plusieurs endroits en même temps ». « Avec du recul, on aurait dû commencer plus tôt », souffle Pascal Vaudin. « La fin du quinquennat d’Emmanuel Macron sera très difficile pour lui s’il continue comme ça, il est en train de s’en rendre compte, car nous, on ne lâchera pas », prévient Gilles Poyac, pendant que ses camarades exposent la situation à un routier à l’arrêt.


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