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Assurances et services forcés, les pratiques de la boutique SFR de la place Kléber dénoncées

Des clients de la boutique SFR place Kléber se sont plaints sur Facebook d’avoir été forcés à souscrire une assurance pour leur téléphone ou des services supplémentaires. Une pratique confirmée par d’anciens salariés, qui mettent en cause leur encadrement.

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Assurances et services forcés, les pratiques de la boutique SFR de la place Kléber dénoncées

Sur le groupe Facebook « Étudiants de Strasbourg », une publication a fait mouche. Une adhérente du groupe s’interroge sur des prélèvements bancaires qui proviennent d’une assurance téléphonique. En réponse, des dizaines d’étudiants témoignent des mêmes prélèvements. « Des montants de 30, 40 euros qui n’ont jamais le même nom sont apparus sur mes relevés » décrit Lauredana, auteure de la publication initiale. Au total : 1 500 euros lui ont été prélevés en un peu plus d’un an, en sus de son abonnement téléphonique.

C’est en décembre 2019 que Lauredana décide de changer de téléphone portable. Elle se rend à la boutique SFR, place Kléber, parce qu’elle a déjà un abonnement chez cet opérateur. Une demi-heure plus tard, l’étudiante repart du magasin avec un téléphone tout neuf, mais aussi un contrat d’assurance. Contactée par Rue89 Strasbourg, Lauredana se souvient du discours qui lui a été tenu par la vendeuse :

« Elle m’a dit que l’assurance était obligatoire pour acheter le téléphone. Elle m’a dit que c’était une période d’essai d’un mois et que je n’avais même pas à appeler pour résilier, que tout se faisait automatiquement. »

Lauredana

Mais quelques mois plus tard, elle s’est rendue compte qu’après cette période d’essai, les virements s’étaient enchaînés.

Des clients mécontents se sont manifestés sur les réseaux sociaux Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Moi c’était une carte de fidélité »

Cécile fait aussi partie de ces clients : en 10 mois, elle a été prélevée de 900 euros et regrette de ne pas avoir été plus vigilante. « Mais moi ce n’était pas une assurance, c’était une carte de fidélité payante : Foriou, » explique-t-elle, en soupirant. Foriou est une « carte privilège » (qui est toujours proposée dans le magasin strasbourgeois), qui permet aux abonnés de profiter de réductions pour des achats sur Internet, contre un abonnement qui va de 10 à 50 euros par mois, selon les offres.

« Parfois j’étais dans la galère, et si je n’avais pas eu ces prélèvements, ça m’aurait bien arrangé » note la mère de famille, qui fait état d’un peu plus de 80 euros par mois envolés dans ce service qu’elle n’utilisait pas. Après des mois de prélèvements, la Strasbourgeoise a tenté de résilier le service. « C’était impossible, dès que je prenais un peu de temps le service client de Foriou m’envoyait balader, » s’agace-t-elle. « La seule solution ça a été de bloquer les transactions avec la banque ».

« On ne vendait pas, on imposait »

Dans le groupe Facebook, la publication de Lauredana reçoit plus de 60 commentaires. L’ancienne étudiante, devenue depuis aide soignante, poursuit : « J’ai vraiment été étonnée quand j’ai vu le nombre de personnes qui expliquaient avoir eu le même problème ». Si autant de victimes se sont manifestées, c’est parce que dans cette boutique, les vendeurs ont été poussés à faire souscrire aux clients des options supplémentaires. Marie (son prénom a été modifié), vendeuse jusqu’en mars de la boutique, détaille :

« En hiver on a reçu les iPhones 12, on mentait aux clients en leur disant qu’on ne pouvait pas vendre ce téléphone sans assurance, ou abonnement. Ce modèle est acheté 1 100 € et revendu 1 200, soit 100 € de marge. La rémunération conseiller, c’est 50 centimes la vente, c’est pour ça qu’on doit placer un abonnement ou une assurance : là, on pouvait se faire 6 euros par vente, et encore ça dépend de l’abonnement ou l’assurance. »

Marie, ancienne vendeuse de SFR place Kléber

En juin, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a condamné la SFAM (la société d’assurance, ndlr) à une amende estimée à 10 millions d’euros. Pour d’autres anciens salariés de la boutique, le mécanisme était clair : « On ne vendait pas, on imposait » s’exclame, un peu énervé, Baptiste (son prénom a été changé), un ancien commercial de la boutique :

« Quand le représentant de l’assurance venait nous donner des conseils de vente, il nous disait de parler de la SFAM quand le client ouvrait la boîte du téléphone. Comme ça le client était un peu subjugué par le produit qu’il avait acheté et ne nous écoutait pas vraiment. »

Pour les vendeurs, l’objectif de chaque passage client, c’était de « Sfammer » : les assurances représentant une part importante de la rémunération variable des conseillers ; amis et famille consentent à signer un contrat, à condition que la résiliation soit faite dans les temps. « J’appelais le service client pour ma famille et mes amis, afin de résilier moi-même les contrats » avoue Marie.

« Si tu ne fais pas de SFAM tu dégages »

Également intéressé au chiffre d’affaires, les cadres n’ont pas hésité à donner des directives sans équivoque aux vendeurs. « Certains conseillers ne voulaient pas le faire. On leur a dit : si tu ne fais pas de SFAM tu dégages », se souvient l’ancienne vendeuse. Baptiste, qui a été commercial dans la même boutique pendant 6 mois, confirme : « J’ai vu des managers se faire muter ou virer parce que les objectifs des équipes sous leur responsabilité n’étaient pas atteints ». Mais lui aussi en a fait les frais :

« Au bout d’un moment je ne « sfamais » plus. Je détruisais les objectifs d’équipe – en ne jouant pas le jeu – donc ils m’ont mis à l’écart. Mais c’est un peu ce que j’attendais, j’en avais marre. »

Baptiste, en poste en 2019

Interrogé sur ces pratiques par Rue89 Strasbourg, Michel Fischer, gérant de la SAS Fischer, la société qui opère la boutique SFR place Kléber en franchise, s’étonne : « Notre contrat avec la SFAM est terminé depuis septembre 2020, nous ne travaillons plus avec eux. » Le gérant nie toute vente forcée : « La satisfaction des clients, c’est ma raison d’être, » précise-t-il. Quant à la pression sur ses salariés, le gérant nie également en bloc : « On a des centaines de salariés, si c’était le cas, on passerait notre temps aux prud’hommes. »


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