
L’Eurométropole demande à la CTS de réduire ses coûts, alors que la taille du réseau bus et tram augmente. L’Unsa a dénoncé des conditions de travail épuisantes pour les salariés. Certains candidats aux municipales à Strasbourg proposent de changer la politique budgétaire, pour relâcher la pression sur les personnels.
Mi-2017, la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) a signé avec l’Eurometropole de Strasbourg (EMS) un « contrat de performance », dans lequel la société de transports en commun s’engage à réaliser une économie de 5 millions d’euros tous les ans, prise dans son organisation interne.
Mais d’après l’Unsa, syndicat majoritaire à la CTS, ces économies ont eu de fortes conséquences sur les conditions de travail des salariés. En janvier, un article de Rue89 Strasbourg évoquait l’épuisement des conducteurs de bus et de tram.
Président de la CTS depuis 2014, Alain Fontanel, candidat LREM aux élections municipales à Strasbourg, assume ce nouveau rapport de force entre l’EMS et la CTS :
« C’est grâce à ce contrat que nous avons pu éviter de remettre en concurrence la concession. La CTS est désormais une entreprise 100% publique et nous éviterons ainsi l’arrivée d’opérateurs privés. »
Avant juin 2019, la CTS était une société d’économie mixte, avec l’EMS comme actionnaire majoritaire mais aussi des actionnaires privés tels que Transdev. Maintenant, les deux seuls actionnaires de la CTS sont l’EMS à 80% et la Région Grand-Est à 20%. Conseiller municipal de Schiltigheim et conseiller à l’Eurométropole, Antoine Splet (PCF) s’interroge :
« Pourquoi ces économies sont-elles nécessaires ? Je ne vois pas de raison valable, c’est juste une affaire de priorité budgétaire. »

Autant d’argent, plus de réseau à couvrir
Le budget de fonctionnement de la compagnie de transports s’établit à environ 125 millions d’euros par an, dont 85 millions pour les frais de personnel. L’entretien, l’affrètement et l’énergie entrent aussi dans ces coûts. En 2018, la CTS s’est financée grâce aux abonnements, aux tickets et aux amendes à hauteur de 56 millions d’euros. L’EMS a couvert le reste des frais d’exploitation à travers une subvention d’équilibre d’un montant de 69 millions d’euros environ.
C’est cette dépense que l’EMS a décidé de diminuer de 5 millions d’euros avec le contrat de performance. L’économie à réaliser est calculée en se basant sur une offre constante. Mais comme celle-ci a augmenté (avec notamment l’ouverture de la ligne D vers Kehl), la subvention d’équilibre est finalement restée quasi-constante. Elle varie de toute façon très peu depuis 2009… alors que la taille du réseau a progressé de 6,7%, d’après les résultats financiers publiés par la CTS. Le 13 juin 2018, la CTS a annoncé à l’Eurométropole que, d’après estimation, 5,24 millions d’euros ont été économisés sur la contribution annuelle versée par la collectivité en 2019.
De 2017 à 2018, le nombre de déplacements réalisés a augmenté de 4,2%, alors que les frais en personnel n’ont augmenté que de 1,1%. « Pour arriver à ce résultat, la gestion du personnel est optimisée pour tirer le maximum de ce qui est possible de chaque salarié, » déplore l’Unsa, qui s’est « toujours prononcé contre » le contrat de performance :
« Les mauvaises conditions de travail à la CTS ne datent pas de cet accord, mais celui-ci ne fait qu’aggraver la situation. Il serait plutôt nécessaire que plus d’argent soit alloué aux charges de personnel, pour alléger la pression sur les conducteurs. »
« Pour le rayonnement, pas de souci, ils trouvent des millions »
L’Eurométropole a un budget de fonctionnement d’environ 1 milliard d’euros. L’agglomération ne doit pas augmenter ses dépenses de plus de 1,2%, sous peine de pénalités financières de l’État.
Antoine Splet (PCF) évoque plusieurs solutions budgétaires :
« Il est possible de dégager de l’argent pour la CTS. La remise en service de l’incinérateur met déjà 20 millions d’euros par an sur la table. Un autre exemple : dans le budget primitif de 2019, 10 millions d’euros de trop ont été prévus pour la section transports. Finalement, 6,6 millions d’euros ont été redispatchés dans plusieurs pôles d’après le budget supplémentaire. Cette somme pourrait très bien être allouée au fonctionnement de la CTS. »

L’élu communiste interroge la logique de la politique budgétaire de l’Eurométropole :
« Pour le stade de la Meinau, la SIG, l’innovation des entreprises, tout ce qui touche au rayonnement, il n’y a pas de souci pour trouver des millions. Il est tout à fait possible de permettre de meilleures conditions de travail à la CTS, c’est juste un choix politique à faire. Cette société emploie 1 500 personnes à Strasbourg. Cela justifie l’investissement de quelques millions en plus tous les ans. Là, on serait sur une politique qui valorise vraiment l’écologie et le social, avec une compagnie des transports exemplaire. Et il faut aussi souligner que des conducteurs épuisés, c’est une question de sécurité publique. »
Une augmentation de la sous-traitance
L’Unsa constate que « rien n’est prévu dans les budgets prévisionnels du contrat de concession qui se termine en 2030 pour améliorer les conditions de travail des salariés. » Le syndicat dénonce que la sous-traitance du réseau soit passée de 21 à 26% depuis le contrat de performance, une mesure d’économie qui concerne désormais la moitié des lignes de bus :
« Cela entraîne une dégradation du service pour la clientèle sur les lignes concernées. Le personnel est moins bien payé, moins bien formé, l’exigence commerciale est moins élevée, et les véhicules sont plus petits et plus polluants car ils fonctionnent au gazole. »
Jean-Philippe Vetter (LR), Catherine Trautmann (PS) et Hombeline du Parc (RN) n’ont pas répondu aux questions posées par Rue89 Strasbourg sur la CTS. Jeanne Barseghian (Strasbourg écologiste et citoyenne), Chantal Cutajar (Citoyens engagés) et Kevin Loquais (Strasbourg en commun) évoquent une réorientation de la politique budgétaire, qui prendrait en compte les conditions de travail des salariés de la CTS.
Cutajar, Loquais et Barseghian prêts à desserrer l’étau
Chantal Cutajar, dont le programme promet une gratuité des transports en commun, insiste sur la volonté de « faire primer la vie sur les considérations économiques et financières » :
« Mettre un terme à cette souffrance sera une priorité de nos politiques publiques lors du prochain mandat. Cela impliquera de réinterroger les politiques de management au sein de la CTS et de la collectivité en général. Sur la méthode, nous proposons de réaliser un état des lieux partagé avec les syndicats et de prioriser les actions à entreprendre sur la base d’un consensus. »
Jeanne Barseghian considère que la CTS est « un levier incontournable de la transition écologique, » et que « ses agents doivent être considérés comme des actrices et acteurs de cette transition » :
« Nous ré-interrogerons le contrat de performance de 2017, et, dans la mesure du possible, réorienterons des ressources de fonctionnement. L’idée sera aussi de financer la gratuité des transports en commun pour les moins de 18 ans et les moins de 25 ans sans ressource tout en relâchant la pression sur les personnels. Nous souhaitons mener un audit global sur les conditions de travail des agents de l’Eurométropole en interne et de toutes les sociétés « satellites, » comme la CTS. »
Kevin Loquais, candidat (LFI) de la liste « Strasbourg en commun » insiste sur le fait qu’il est important de développer le réseau de transports, mais que cela ne doit en aucun cas se faire « au détriment des salariés » :
« On ne peut pas demander au personnel de couvrir plus de réseau, avec moins de moyens. Nous proposons d’accorder plus d’argent à la CTS, afin que celle-ci ait plus de moyens humains pour améliorer les conditions de travail du personnel. Il serait aussi nécessaire de réaliser un audit sur le fonctionnement budgétaire de la compagnie. »
Le plan d'économie imposé à la CTS devait empêcher la mise en concurrence, qui lui aurait été fatale. Sous couvert d'un plan d'économie, on a fait accepter à l'opinion la "publiquisation" de cette entreprise privée mais dirigée depuis la place de l'Etoile. Or ces mêmes économies passent en grande partie par la sous-traitance (privée). Cherchez l'erreur ! Les pistes d'économie ont malheureusement été définies par des gens qui ne connaissent rien à l'optimisation industrielle et préfèrent opter pour de la sous-traitance, comme les entreprises privées ont opté pour la délocalisation à une époque. Les politiques publiques ont toujours un train ... ou plutôt un tram de retard !
D'autres solutions existaient et aurait certainement été plus adéquates pour un secteur des transports en pleine mutation. Mais encore faut-il accepter de mettre les égos politiques de coté et de travailler pour le bien commun. Et surtout il ne faut pas mélanger le prix des transports en commun (et leur potentielle gratuité) avec leurs coûts (qui doivent être au plus juste), ni oublier que l'urbanisme est un facteur déterminant pour les transports.
Enfin, je rappellerai qu'en 2010, il y a eu un schéma directeur des transports jusqu'en 2025 (mais dont les prémices datent du 29 juin 2001 d'après le document lui-même !) dans lequel on parle encore du tram train pour Molsheim (qui a donné 2 arrêts de tram construits pour un projet abandonné), d'un tram à la cité nucléaire (simplement abandonné, alors que le BHNS lui a vu le jour), d'une extension de la ligne C vers la Meinau (devenu un BHNS) et d'un BHNS en parallèle de l'A35 au Nord (qui est devenu une voie de bus en pointillé). Quand on voit ce résultat et qu'on a eu besoin de presque 10 ans pour avoir 3 stations de tram (sur rail) supplémentaires vers Strasbourg-Ouest, c'est plutôt l'optimisateur qu'il faut optimiser, à savoir l'EMS ! Mais il semble que personne ne soit compétent pour cela.
Ne surtout pas oublier que cette fameuse règle budgétaire dogmatique des 1,2% a été imposée par Macron via le dispositif de contractualisation État-collectivités, et que c'est Fontanel son premier promoteur à Strasbourg.
On peut comprendre qu'il se défile quand il s'agit d'en assumer les conséquences....
Obliger ainsi des fonctionnaires à travailler presque 35 h par semaine, pour s'épuiser comme dans le secteur privé.
Et pourquoi ne pas dénoncer "en même temps" le véritable harcèlement dont fait l'objet le contribuable pour pouvoir assurer toutes les largesses (gratuité...) promises à bras ouverts par les candidats aux poches vides ?
Continuons ainsi sur la voie de l'irresponsabilité, un bon point pour l'avenir du service public.
Ah oui, j'oubliais, un petit conseil aux malheureux salariés à emploi garanti : attendez-donc les prochaines épreuves du bac (revues) ou les examens universitaires pour faire grève, ça aura plus de poids auprès de la jeunesse !
Bon courage aux malheureux salariés de la CTS. Leur triste sort consolera les chômeurs qui auraient eu l'étrange idée de chercher du travail.
il n'y a aucun fonctionnaires dans l'entreprise ni d'emploi à vie. Ces salariés ont des contrats de droit privé et un régime de retraite du privé aux mêmes conditions (âge, durée de cotisation, etc) et cela vous étonnera peut-être mais ils travaillent 35 heures. Alors plaignez-vous c'est votre droit mais n'affirmez choses qui n'existent pas.
Cela ressemble aux pratiques du gouvernement la République en marche sur les retraites, après celles sur les allocations retour à l’emploi, ...
Alain Fontanel a donc déjà fait de Strasbourg un laboratoire pour des expériences « en marche » alors qu’il doit son mandat de représentant des strasbourgeois à la liste socialiste élue sur un programme pour 2014 - 2020.
Bon d’accord il était vaste le programme mais quand même, je ne vois pas les socialistes mettre en danger des conducteurs de bus en les amenant à des rythmes de travail limites insupportables. Et encore moins mettre en danger potentiel les autres utilisateurs des voies publiques en donnant le volant d’autobus à des conducteurs fatigués par ces rythmes à la limite de la légalité...
En bref voter Alain Fontanel c’est soutenir des expérimentations guidées par des contrats de performance... qui se moquent des êtres humains tans ils se focalisent sur le contenu des portefeuilles.
Je n'ai fait que répondre à Christiane qui la première a parlé d'"article téléguidé", et pour prendre votre défense.
Il serait donc bon de diriger votre courroux à la bonne adresse.
D'avance, merci.