« Nous exigeons avec force, que le démantèlement ait lieu très rapidement : dans la semaine (du 12 au 18 août, ndlr), pour que les gens puissent effectuer leur demande de scolarisation à la mairie », scande Gérard Baumgart, bénévole du collectif des Canonniers.
Démantelé en juin, le camp de fortune au croisement de l’avenue du Neuhof et de la rue Paul Dopff, s’est reformé autour du 15 juillet et regroupe déjà 105 personnes. Il s’agit en majorité de personnes venues d’Europe de l’Est (Géorgie, Albanie, Kosovo). Près de la moitié des habitants sont des enfants.
L’urgence de la rentrée scolaire
« Nous souhaitons que les 46 enfants soient scolarisés. Le droit à l’école existe quoi qu’il arrive, peu importe la situation des parents. Ils peuvent inscrire les enfants à l’école mais la difficulté c’est qu’ils ne savent pas où ils seront logés. Si ça tarde trop, l’école proche de l’endroit où ils seront sera certainement déjà remplie. »
Neuf enfants ont entre un et six ans, quinze sont en âge d’aller à l’école primaire. Les autres devraient faire leur rentrée au collège en septembre prochain. Mais le cas de ces adolescents pose d’autres problèmes :
« Ils doivent passer par le Centre d’Information et d’Orientation, pour évaluer leur niveau et dans quelle classe ils doivent aller. On essaye de déterminer leur trajet scolaire et leurs difficultés. Il faut aussi des traductions. Or, ces démarches prennent du temps. Il est donc capital que le démantèlement et le relogement aient lieu rapidement. »
Pour Gérard Baumgart, ancien professeur, la scolarisation des enfants est « capitale », puisqu’ils permettent aux bénévoles de communiquer avec les familles, la plupart d’entre eux parlant soit l’allemand, l’anglais ou le français.
De nouveaux arrivants « tous les deux jours »
Des bénévoles passent presque tous les jours dans le camp, pour apporter des produits de base aux personnes présentes. Les collectifs des Canonniers et « D’ailleurs nous sommes ici » fonctionnent proposent l’aide de médecins, d’interprètes, d’avocats et d’autres aidants (comme la paroisse de la Meinau). Leur premier objectif est de trouver un hébergement salubre à ces familles. Mais Gérard Baumgart regrette le manque de solution pérenne à Strasbourg :
« On souhaiterait que l’hébergement soit de longue durée mais par moment on a l’impression de jouer aux chaises musicales. Quelqu’un qui a été relogé va se retrouver dehors à nouveau parce que le contrat d’un mois qu’on lui a donné s’achève. »
« Certaines familles arrivent dans le dénuement le plus total, sans même une tente pour dormir », il s’agit alors de trouver des solutions d’urgence pour les bénévoles des deux collectifs.
C’est le cas d’une famille bosniaque, arrivée dans la journée de mercredi. Ils sont six. Aucun d’entre eux ne parle le français ou l’anglais. Seul le père de famille parvient à communiquer en allemand. Ils attendent près d’un arbre depuis des heures, ne sachant pas à qui s’adresser, avec un grand sac de voyage comme seul bagage. Le père craint de voir son dernier enfant, tout juste âgé de 8 mois, dormir sans abri.
De nouvelles familles font leur arrivée « tous les deux jours » indique Gérard Baumgart. Les bénévoles photographient les documents qu’ils ont apportés et les aident à formuler des demandes d’asile. « Ces dossiers représentent des milliers de documents », précise Gérard Baumgart. Des « récits de vie » leur sont aussi demandés, pour connaître leur histoire :
« La majorité des personnes préfèrent crever ici que retourner d’où ils viennent. Ils ont une telle peur d’être tués. »
Des délais administratifs trop importants
Semran et sa femme Anita, 22 ans tous les deux, ont fuit le Kosovo. Ils vivent depuis trois semaines dans le camp des Canonniers avec leur fille d’un an, Sadia. La préfecture leur a proposé un rendez-vous le 5 septembre.
Une autre famille ayant fait sa demande d’enregistrement de demande d’asile le 6 août, s’est vue convoquée à la préfecture le 4 septembre. Or la convocation à l’Ofpra (Office de protection des réfugiés) doit avoir lieu dans les trois jours, ou dans les dix jours en cas de forte affluence.
Aux Canonniers, 20% des migrants ont déjà vu leur demande d’asile refusée par l’Ofpra. « Ils vivent dans la peur continuelle d’être expulsés quand ils voient passer la police », regrette Gérard Baumgart. Une proportion similaire a un rendez-vous fixé pour l’enregistrement de leur demande d’asile. Les autres ont des dossiers en cours d’examen.
Les bénévoles regrettent que l’urgence des situations ne soit pas mieux prise en compte et demandent au préfet « de mettre en oeuvre des mesures particulières » pour ces personnes. Le cas d’une femme enceinte est régulièrement cité en exemple, ainsi que celui d’un homme qui se rend trois fois par semaine à l’hôpital pour une dialyse, et retourne ensuite au camp.
Marie-Dominique Dreyssé, adjointe au maire de Strasbourg (EELV), en charge des solidarités évoque une situation « qui nous préoccupe tous ». Elle rappelle cependant que l’hébergement d’urgence est à la charge de l’État. L’adjointe est favorable au démantèlement mais rappelle :
« Une centaine de personnes est dehors, et quelque soit le contexte, ça doit amener à une réponse d’une autre nature qu’un squat ou du bricolage. »
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