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Ces élus locaux qui tweetent

Phénomène insufflant un nouvel air à la campagne présidentielle, Twitter a convaincu les politiques nationaux et s’invitent désormais dans le paysage local. Comment nos élus l’utilisent-ils ? Tweetent-ils de manière informelle ? Leurs tweets sont-ils réellement ancrés dans le paysage strasbourgeois ? Rue89 Strasbourg a mené l’enquête.

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Ces élus locaux qui tweetent

Les élus, nationaux et locaux partent à la pêche aux followers (Source : Rue89)

Avec ses deux millions d’utilisateurs en France, Twitter est devenu un outil incontournable du personal branding (marketing personnel). Impossible pour les élus nationaux ou locaux, de passer à côté de cet outil de communication efficace, rapide et gratuit. D’abord pris d’assaut par les journalistes en 2008, le petit oiseau agite les internets, et convainc les politiques pourtant réticents. Plus de 200 hommes et femmes politiques et 20 ministres y sont inscrits.

Les candidats à l'élection présidentielle 2012 sur Twitter (source : Pinterest)

Re-tweet des collègues du parti, petites phrases assassines ou DM Fail (message privé posté en public), Twitter fait désormais partie intégrante de la journée type d’un homme politique. Mais il peut aussi desservir, le seul fait d’en être un utilisateur n’est pas gage de modernisme. Ces dernières semaines, de nombreux sondages, articles et analyses ont parus passant au crible la Twittosphère et ses politiques avant l’élection présidentielle. Strasbourg ne détonne pas : nos élus locaux twittent peu et depuis peu, mais participent à leurs manières à la campagne présidentielle, quand d’autres embrayent déjà sur les législatives.

La politique vu par la twittosphère strasbourgeoise

Si Twitter est un outil supplémentaire de communication, il est aussi un complément d’information aux médias traditionnels. Vincent Dec (@decalord), twitto strasbourgeois actif, déclare :

« La politique m’intéresse fortement qu’elle soit nationale ou locale. Twitter me permet d’avoir des infos rapides et ciblées. J’espère donc avoir des infos locales sans avoir à fouiller ni à m’abonner à des quotidiens régionaux. Avoir accès à quelques indiscrétions, quelques off. Que ce soit de la politique politicienne, ou des actualités qui touchent notre quotidien : des nouvelles rames de tram à Strasbourg ou le devenir des friches de Schiltigheim par exemple. »

Les tweets des politiques influenceront-ils les électeurs ? Peut-être, peut-être pas. Ils déplacent néanmoins le débat sur la toile et le rend de fait accessible, et ils contribuent à confirmer ou infirmer une certaine image publique. C’est le cas pour Raphaël (@Raphyslash), autre utilisateur de Twitter strasbourgeois :

« Les tweets n’influenceront pas mon choix dans les urnes, d’ailleurs, je ne suis pas les candidats de gauche sur Twitter alors que je voterai de ce côté. Par contre, cela m’influence sur ce que je pense des candidats. »

Les élus strasbourgeois, eux bien sûr soutiennent leurs poulains. Paul Meyer (@paulmeyer67), conseiller municipal délégué à la vie étudiante (PS) relaye souvent les actualités de campagne de François Hollande et pense que Twitter est important dans la campagne :

« Twitter permet de capter une partie de l’opinion, j’entends bien, une partie. C’est un outil très intéressant qui facilite l’accès et la diffusion d’informations décalées. Les jeunes socialistes savent l’utiliser, on avait par exemple organisé un « twit’apéro » à Strasbourg, à la Taverne Française, ça a été repris autant localement que nationalement. C’est super pour faire passer des messages et relayer une campagne. »

Assez au fait des codes qui régissent Internet, les jeunes socialistes s’inspirent du « lol » et même des fameux tchats qui fleurissent sur Twitter pour booster leur campagne.

Fabienne Keller (@fabienne_keller), sénatrice et conseillère municipale (UMP), elle, est aussi impliquée dans la campagne présidentielle au niveau national. Elle re-tweete et FF (FollowFriday : incitation à suivre tel ou tel twitto postée le vendredi) ses collègues du parti et n’hésite pas à twitpiquer (publier une photo) de sa rencontre avec Nicolas Sarkozy à la sortie de son meeting strasbourgeois le 22 mars dernier.

Elle déclare d’ailleurs :

« Je tweete varié. Je peux tweeter sur Strasbourg, sur une politique locale, sur un événement national qui me touche, je donne mes réactions. Je ne tweete pas autant que certains collègues, mais j’ai mon style. »

Par « certains collègues », on pourrait par exemple citer Nadine Morano, ministre UMP chargée de l’apprentissage (@nadine__morano) qui tweete comme elle respire. Robert Grossmann (@robgrossmann), ancien maire délégué de Strasbourg et conseiller municipal UMP mais qui se dit « détaché de cette campagne, de Sarkozy et ne se reconnaît pas dans le moule UMP de Copé » porte d’ailleurs un œil critique sur l’usage qu’en fait la ministre :

« Je n’aime pas les tweets militants comme ceux de Morano, c’est du militantisme primitif et aveugle. »

Tweeter utile, tweeter bien. Mais alors comment s’en sortent nos élus locaux ?

Les usages des élus locaux

Si Roland Ries (@Roland_Ries), maire de Strasbourg, utilise Twitter, il n’est pas un grand fan de cet outil, d’ailleurs comme nous le confirme Paul Meyer, ce n’est pas lui qui tweete mais son équipe :

« Ils postent surtout des contenus de son blog. Roland Ries a eu Twitter assez tôt, avec son iPhone il suit l’actualité, sans pour autant être geek. »

D’autres, à l’instar de Robert Grossmann et de ses quelques 900 tweets, sont particulièrement actifs et tentent d’instaurer une certaine proximité avec leurs « followers » (leur audience). Les followers de Robert Grossmann ont d’ailleurs le privilège de pouvoir le surnommer Rob, le concerné explique :

« Quand je me suis inscrit sur Twitter, mon pseudonyme était en fait trop long, j’ai du le raccourcir… Plutôt que de mettre robertgross, j’ai choisi robgrossmann, Twitter m’y a contraint. Mais ça installe un côté plus convivial, c’est une espèce de tutoiement. »

Grand utilisateur de la question rhétorique sur Twitter, Robert Grossmann n’hésite pas à donner son avis : il critique la Ville, la Marque Alsace, la gestion du parti au niveau local ou encore, « son péché mignon », les commentaires des matchs de foot.

« Je twitte devant mon ordinateur le matin, sur mon iPhone la journée quand quelque chose m’inspire, et sur mon iPad le soir devant une émission de télé. Mes twittos préférés sont Bernard Pivot et Jean-Michel Aphatie. Mais attention, je facebooke autant que je twitte : sur Facebook, il y a plus de réactions, des like ou des pas like. C’est plus interactif »

Fabienne Keller est la plus suivie des élus locaux avec environ 2250 followers.

Le grand absent de la Twittosphère strasbourgeoise reste Jacques Bigot (@jacquesbigot), président de la Communauté Urbaine de Strasbourg, qui, après les élections régionales en 2010 a totalement arrêté de tweeter. Une preuve s’il en est, de l’utilité de l’outil en temps de campagne. Philippe Bies (@PhilippeBIES), adjoint au maire chargé du logement, commence d’ailleurs à communiquer sur sa candidature aux élections législatives, même s’il avoue « tweeter de manière irrégulière ».

Que pensent les twittos strasbourgeois de l’usage qu’en font leurs élus ? Vincent Deca répond  :

«  Je les trouve plutôt frileux sur Twitter, même si, campagne présidentielle oblige, mon attention est plus orientée sur le national. Fabienne Keller s’est réveillée, c’est bien, mais c’est pour de la propagande Sarkozyste uniquement, ce qui est moins bien. Ce n’est pas fin, ça se voit, c’est dommage. Exemple : il paraît que les élus UMP locaux étaient d’accord avec la fermeture de l’usine nucléaire de Fessenheim. Mais campagne oblige, ils ont retourné leurs vestes pour être en phase avec leur chef. Il faudra donc attendre la fin des présidentielles pour retrouver un peu d’honnêteté. »

Qui dit campagne dit aussi petites phrases, et Twitter, avec ses 140 caractères maximum, est idéalement dimensionné pour cet exercice…

Quand Twitter s’invite au Conseil Municipal de Strasbourg

Récemment, une petite polémique a agité la twittosphère des élus strasbourgeois : Roland Ries n’aurait pas apprécié que les conseillers municipaux tweetent pendant le Conseil Municipal du 19 mars. Philippe Bies s’est à cette occasion vu attirer, selon ses propres mots : « les foudres de l’opposition ».

Que s’est il réellement passé ? Robert Grossmann explique :

« Il y a eu un débat à un moment, quelques tensions… Pendant ce débat, M. Bies a tweeté quelque chose d’insupportable en parlant de « la droite », d’abord, je n’aime pas quand on parle de « la droite » et dire en plus que la droite sabote et radote… C’était vraiment insupportable. Alors j’ai pris la parole pendant le Conseil en disant qu’on insultait les gens sur Twitter, Roland Ries a dit qu’on ne devrait pas twitter et fuiter… »

Depuis, les élus locaux comme Paul Meyer tentent de prendre du recul et questionnent l’usage de Twitter :

« Il faut rester dans de bonnes proportions. Twitter est par essence excluant car ceux qui n’y sont pas ne peuvent pas participer au débat, je comprends que ça puisse être désagréable. Il faut se poser la question d’une utilisation réfléchie, je me la pose personnellement. »

Les élus tweetent, réagissent et commencent à s’envoyer des pics. Paul Meyer explique :

« Sur Internet, on peut peut-être se permettre d’être plus négatif envers ses adversaires, on est souvent amené à décocher une flèche, à répondre directement aux arguments, à aller plus loin. »

On peut donc parfois voir apparaître sur sa timeline (liste de ses tweets), une photo ou des tweets attaquant directement l’UMP.

Fabienne Keller nous déclare elle, que la majorité locale « l’interdit de tweeter », notamment suite au retrait de son tweet lors de la commission plénière et de la présentation du projet de la place du Château d’une information qu’elle estimait publique.

Philippe Bies répond :

« Comme souvent, elle travestit la réalité. En fait, Mme Keller a transmis via Twitter des documents -le résultat d’un jury de maîtrise d’oeuvre- diffusés en interne aux conseillers municipaux et qui, légalement, n’avaient pas à être rendus public. En tant que parlementaire, il me semble normal qu’elle donne l’exemple et qu’elle respecte la loi.»

Espace public ouvert et réactif, Twitter laisse à ses utilisateurs une fenêtre ouverte sur les relations directes entre les politiques et leur électeurs. Une transparence qui brise les barrières et évidemment, brusque les élus installés dans des rapports plus conservateurs. Au niveau local, Twitter facilite l’accès à une information plus personnalisée car profondément ancrée sur un territoire, mais à Strasbourg, son usage semble encore sous-estimé au vu de l’utilisation assez irrégulière par nos élus locaux. Une donnée qui pourrait changer à l’approche des élections législatives…

Et vous qu’en pensez-vous ? Qui suivez-vous à Strasbourg sur Twitter ?


#Election présidentielle 2012

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