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Au conseil municipal, les Écologistes proposent de nouvelles prairies sauvages en ville

Le conseil municipal du lundi 19 mai est marqué par une délibération sur la création de « prairies en ville ». Au-delà d’une évolution dans le panorama urbain, elle témoigne d’une volonté de changement culturel dans la gestion des espaces verts.

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« En France, depuis Le Nôtre, on a une certaine culture des espaces verts… Des pelouses vertes bien taillées, monumentales… » En mentionnant l’illustre jardinier de Louis XIV, Marc Hoffsess donne l’impression de nommer son ennemi. À rebours des rêves de symétrie végétale et des fantasmes de nature dressée défendus par André Le Nôtre, l’adjoint municipal en charge de la « transformation écologique du territoire » veut défendre la création de prairies urbaines, des zones en friches laissées à la convenance de la nature, le plus possible.

Une délibération portant sur leur création sera ainsi présentée au conseil municipal du lundi 19 mai et ouvrira un débat sur la gestion des espaces verts par la Ville de Strasbourg. Une seconde délibération concernant l’actualisation de la charte du Parc naturel urbain sera également présentée dès le début de la séance, et visera à rendre plus démocratique la gestion de ces zones de nature.

Bénéfice pour le vivant

Après la création de nouveaux parcs, notamment au quartier Archipel 2, la végétalisation des cours d’école et le plan Canopée, la municipalité écologiste présente les « prairies en ville » comme une étape supplémentaire de la transformation du territoire. Très concrètement, la délibération ne présentera pas encore de liste des futures zones concernées, mais acte le lancement d’un diagnostic sur l’ensemble des espaces verts. « On va catégoriser les espaces, commence Marc Hoffsess, pour dire ceux sur lesquels on interviendra moins, ceux qu’on laissera carrément en friche, et même ceux sur lesquels on pourrait s’arranger pour qu’il y ait plus de fleurs. »

Attablé à la terrasse d’un café bordant la place du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, l’élu lance un regard au paysage végétal qui lui fait face. « Certaines zones sont déjà en friche. Regardez par exemple aux pieds des arbres, les zones d’herbes hautes, ou là-bas sur ce canisite abandonné… » L’adjoint se veut rassurant : il ne s’agira pas de transformer le parc de l’Orangerie en savane boisée d’ici la fin du mandat, mais de viser des espaces verts peu utilisés.

L’adjoint en charge de la transformation du territoire, Marc Hoffsess.

Au yeux de la municipalité, le plan « prairies en ville » porte plusieurs objectifs. D’une part, ces zones devraient être favorables au développement d’espèces animales, principalement des insectes, qui pourraient s’y développer librement. D’autres part, elles contribueraient à l’adaptation du territoire face au réchauffement climatique. « Si vous tondez régulièrement une pelouse, vous n’en tirez pas les mêmes effets en terme de lutte contre la chaleur urbaine qu’une surface avec des herbes hautes », explique Marc Hoffsess.

« Changement culturel » dans les services

Suite à l’adoption de ce plan, la Ville renoncerait ainsi à intervenir de façon régulière sur des pans entiers de ses espaces verts. Cela devrait ainsi être synonyme d’une réduction de l’effort demandé à la collectivité, estime Marc Hoffsess : « On s’est dit que la nature pouvait être un allié. Comme le vivant travaille gratuitement, ça peut être moins cher pour la collectivité. »

Et quelles conséquences pour les agents des services des espaces verts, dont l’activité serait impactée ? L’adjoint plaide le dialogue et la « pédagogie » pour faire évoluer la vision du service :

« C’est un changement culturel. Sur le papier, on va demander aux jardiniers de moins jardiner. Mais on veut être rassurant et pédagogue. Il y a déjà eu des évolutions importantes par le passé, comme lorsque Fabienne Keller (UMP à l’époque, maintenant Agir) avait mis fin à l’usage des pesticides. »

En 2008, la décision de l’ancienne maire avait provoqué le surgissement de plusieurs espèces de mauvaises herbes (ou « plantes spontanées ») dans l’espace public et avait déjà nécessité une adaptation majeure des services. Marc Hoffsess précise que la mesure n’entraînera pas de diminution des effectifs, mais un rééquilibrage bienvenu :

« On a ajouté au cours du mandat près de dix hectares de parc. À un moment, soit on augmente les effectifs, soit on cherche à adapter la charge de travail. On s’est dit que c’était une bonne manière de le faire. »

Jugement esthétique

Reste qu’au sein de l’hémicycle, la vision portée par l’exécutif écologiste pourrait se confronter aux vues de l’opposition, qui pourrait voir dans sa proposition une forme de renoncement. « On nous vend aujourd’hui de belles prairies, mais si à l’arrivée on se retrouve avec des champs de mauvaises herbes… » Joignant l’image à la parole, le conseiller d’opposition Pierre Jakubowicz (Horizons) présente sur son smartphone une photo du potager de la gare d’allure maussade.

« Je ne suis pas foncièrement contre que le fait que ces zones ne soient pas accessibles à la population, mais il faut qu’il y ait un objectif d’amélioration de l’espace public », reprend le candidat (non déclaré) aux prochaines élections municipales, qui craint en substance que ces zones en friche deviennent des « poches de laideur » dans le panorama urbain.

« La notion de beauté est très subjective. Le paysage traduit quelque chose des valeurs qu’on y met », rétorque Marc Hoffsess : « Lorsque j’observe toute la vie que porte un roncier ou une friche, je vois de la beauté qui s’exprime. J’en vois plus qu’en observant une pelouse bordée de béton. »


#Conseil municipal

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