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Face au RN, des collectifs veulent politiser les quartiers pour qu’ils comptent

« Nous, Quartiers 2 Strasbourg » s’est formé dans l’urgence pour soutenir le Nouveau Front populaire et encourager les habitants à s’organiser collectivement à l’avenir. Parallèlement, un collectif au Neuhof communique pour contrer l’extrême droite et politiser la population.

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Face au RN, des collectifs veulent politiser les quartiers pour qu’ils comptent
Des collectifs se mobilisent contre l’extrême droite, l’abstention et la résignation dans les quartiers populaires de Strasbourg.

« Nous appelons à voter pour le Nouveau Front populaire. Mais ce n’est pas un chèque en blanc », résume Noureddine. Habitant du quartier de la Meinau, il fait partie des 27 personnes qui ont participé à la première réunion du collectif Nous, Quartiers 2 Strasbourg, jeudi 20 juin au Wagon Souk. L’initiative a été lancée par Mohamed Ali Zahi, président de l’association qui gère le tiers lieu situé entre les quartiers Gare et Koenigshoffen. Des travailleurs sociaux, des membres d’associations comme la Coordination alsacienne de l’immigration maghrébine (Calima) ou des personnes indépendantes ont répondu à l’appel.

« Il y avait même des mères célibataires », raconte Magali, qui vient de la Cité de l’Ill et qui a élevé seule sa fille. Éducatrice spécialisée, elle a notamment travaillé à l’Éveil Meinau et dans la protection de l’enfance : « Comme ce sont des personnes des quartiers qui organisent, ça donne plus envie de participer. » En plein après-midi ce mercredi 26 juin, elle coupe dans un rouleau de papier vert pour fabriquer une banderole. « Le Wagon Souk sert de boîte à outil », précise Mohamed Ali Zahi. De la peinture est à disposition au milieu de la cour.

Nous, Quartiers 2 Strasbourg participe à la dynamique de la mobilisation contre le RN.Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« Les quartiers ont des comptes à régler avec la gauche. »

Mohamed Ali Zahi

Sur sa page Facebook, chaque jour, le collectif poste sur des actions de collage, un groupe de discussion dans la rue, un barbecue organisé par Calima à la Meinau… Aziz vient du quartier du Hohberg à Koenigshoffen. Membre de l’association de distributions alimentaires des Compagnons de l’espoir, elle s’est filmée pour inciter à voter aux élections législatives les 30 juin et 7 juillet : « On a plein d’origines différentes ici, mais on vote tous Front populaire. Barrage au RN, tous ensemble ! Allez tous voter. »

Mohamed Ali Zahi prépare de son côté une tournée pour présenter le collectif et appeler à voter pour le NFP avec une « caravane des quartiers ». Il est aussi engagé dans le groupe d’actions de la France insoumise à Hautepierre. « C’est bien reçu par les gens parce que ce sont nos mots, on a les mêmes vécus, ils nous font confiance », assure t-il. « Des jeunes du centre-ville sont venus toquer chez ma mère pour lui dire de voter mais elle ne l’a pas bien pris. Elle a l’impression qu’ils s’intéressent à nous juste pour les élections », explique de son côté Noureddine.

Pour Mohamed Ali Zahi, « les quartiers ont des comptes à régler avec la gauche » :

« La gauche nous voit comme des masses à faire voter, sans faire changer concrètement les choses ensuite. François Hollande est passé en 2012 avec nos voix, puis il a mis Manuel Valls au ministère de l’Intérieur qui stigmatise l’islam. Aujourd’hui encore, seule la France insoumise porte nos luttes, contre les violences policières, contre l’islamophobie, pour les travailleurs immigrés et la Palestine. »

Des actions de collage ont lieu dans les quartiers.Photo : Document remis

Se politiser pour compter

« On s’en fout des hommes et des femmes politiques. L’important, c’est les actions concrètes, les programmes », insiste Magali. Le collectif Nous, Quartiers 2 Strasbourg ne compte pas se limiter au scrutin qui arrive. Le but est de peser sur les actions publiques à long terme. « À la Robertsau, si un lampadaire est cassé, il est réparé le lendemain. Chez moi à la Meinau, ça peut durer des années pour que ce soit réglé », remarque Noureddine, assis à l’ombre d’un parasol : « Dans les quartiers riches, ils votent. » « Et ils font des pétitions, ils envoient des lettres aux élus, ils appellent les médias, ils manifestent », ajoute Mohamed Ali Zahi :

« Ce qu’on veut, c’est impulser un mouvement qui encourage les habitants des quartiers à s’organiser ensemble, à porter eux mêmes leurs revendications. On doit imposer nos problématiques nous mêmes. On ne se bat pas pour des partis politiques mais pour nous. J’en ai marre qu’on soit juste des sujets d’actualité. »

La création du collectif a été accélérée par l’urgence de contrer le Rassemblement national aux élections anticipées. « Nous ne pouvions pas dire que nous n’avons rien fait à ce moment-là, lance le fondateur du Wagon Souk, nous serons les premiers concernés par les conséquences d’un gouvernement d’extrême droite. »

Vaste action dans la cité du Neuhof

La gravité du moment politique pousse de nombreuses personnes à prendre position pour inciter à l’implication politique et au vote. Un autre collectif citoyen au Neuhof, déclenché notamment par le centre socio-culturel du quartier et son directeur Khoutir Khechab, a coordonné une action d’accrochage de banderoles dans la cité.

Des habitants du Neuhof incitent leurs voisins à aller voter.Photo : Document remis

Une quarantaine d’habitants ont accepté d’afficher des messages à leurs balcons comme « Ne laissez pas les autres décider à votre place. Votez ! » ou « Ensemble, pour la mixité et la diversité. » « Nous allons distribuer entre 3 et 4 000 tracts dans toutes les boîtes aux lettres de la cité », complète Khoutir Khechab :

« Dessus nous indiquons les positions du Rassemblement national, par exemple contre l’augmentation du Smic. Et il y a un texte qui appelle à faire barrage à l’extrême droite. Nous prônons tous les jours le vivre ensemble et le respect de l’autre. Le RN est clairement en opposition avec tout notre travail. Quand on parle dans la rue, beaucoup se sentent concernés, et s’ils votent, c’est parce qu’ils se sentent obligés. Nous on aimerait qu’ils aillent voter par conviction. »

Accompagner les habitants le jour de l’élection

Une lutte de longue date puisque le centre socio-culturel du Neuhof avait porté le Challenge citoyen lors de l’élection présidentielle de 2017 visant à faire reculer l’abstention. Cinq ans plus tard, en 2022, Rue89 Strasbourg avait rencontré des Neuhofois plus ou moins concernés par le vote. « C’est un travail à long terme », constate Khoutir Khechab.

Le magazine Booska-P a publié une vidéo le 26 juin sur Feris Barkat, un jeune du collectif Banlieues Climat originaire d’Illkirch-Graffenstaden qui est allé discuter avec des habitants de Hautepierre pour leur dire de voter pour le NFP :

« Ça va mobiliser personne de juste dire “venez voter”. Pourquoi vous nous calculez que maintenant ? Quand on essaye de mobiliser sur la politique, moi je sens beaucoup de désintérêt et une forme de résignation en mode “on est jeunes et on est déjà dégoutés”. Le 30 juin et le 7 juillet on va essayer de faire des groupes, on va dire “venez, on va voter” parce qu’ils ont confiance en nous. »

Un espace plus inclusif

Même stratégie pour des membres de Nous, Quartiers 2 Strasbourg, qui comptent monter une fanfare afin d’accompagner les gens vers les bureaux de vote. Au-delà du sentiment d’urgence, le collectif poussera les habitants à rester mobilisés ensuite, pour faire pression sur des sujets locaux et concrets comme le cadre de vie et les logements sociaux.

« Il faudra faire en sorte de ne pas prendre trop de place, pour que les personnes qui n’ont pas l’habitude s’approprient ce collectif. Il doit devenir un outil dans les mobilisations », prévoit Mohamed Ali Zahi. « Les réunions publiques institutionnelles sont intimidantes, ce sont toujours ceux qui viennent des zones résidentielles qui sont en confiance et exposent leurs revendications », estime Magali. Pour elle également, Nous, Quartiers 2 Strasbourg est plus adapté pour que les habitants des cités portent leurs sujets.


#élections législatives 2024

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