Une trentaine d’étudiants et d’étudiantes, une entrée bloquée et un message tagué sur un bâtiment de l’Université de Strasbourg : « Un an de génocide, un an de résistance ». Le message est d’autant plus clair que la date est symbolique ce lundi 7 octobre, un an après l’attaque du Hamas contre des civils israéliens, faisant plus de 1 200 morts. Depuis, l’armée israélienne a tué plus de 40 000 habitants de la bande de Gaza.
Étudiante en sociologie et membre du comité Palestine Unistras, Sarah rapporte une assemblée générale tenue quelques jours plus tôt. Une trentaine de participants auraient ainsi approuvé à l’unanimité l’action du jour et son objectif, que résume Sarah :
« Nous protestons contre la qualification de « terroristes » pour ces groupes armés qui participent à la résistance palestinienne. Nous rappelons que le droit international autorise et reconnaît le droit à la résistance des peuples qui sont sous colonisation, y compris par la résistance armée. »
Confusionnisme informationnel
Figure locale de la mobilisation propalestinienne, Sarah prend régulièrement la tête des cortèges, mégaphone à la main, lors des manifestations de soutien au peuple palestinien. Aujourd’hui encore, l’étudiante tient un discours et des arguments rodés. Il s’agit pour le groupe d’étudiants mobilisés de « démentir de nombreuses accusations vis-à-vis du 7-Octobre ». Tract à l’appui, Sarah développe :
« L’histoire des bébés décapités était une rumeur (lire l’article du Monde). Pour l’utilisation du viol comme arme systématique, il y a des rapports et des articles y compris de journaux israéliens qui sont parus pour démentir. Mais ils n’ont pas été diffusés par les médias. Du coup, notre idée c’était de revenir sur ces faits avec des sources à l’appui. »
Mais le tract distribué sur le campus lundi est une triste incarnation du confusionnisme informationnel à l’œuvre, même dans les milieux étudiants. Au milieu d’informations établies par Le Monde ou le quotidien israélien Haaretz, la réfutation des viols par des membres du Hamas est avancée par le site Chronique Palestine, lequel se fonde sur le média Al Mayadeen, aligné sur le discours du Hezbollah libanais et portant un discours très conservateur. Le même tract indique « pour s’équiper » en information de suivre le média AJ+, un média d’influence piloté depuis le Qatar.
« La résistance n’est jamais pacifique »
Maeva, étudiante en sciences sociales
Interrogée sur les près de 1 200 morts suite à l’attaque du 7 octobre, Sarah réfute aussi le terme d’un « massacre de civils » :
« L’ensemble des citoyens israéliens est dans l’obligation d’effectuer un service militaire. Ils sont donc toutes et tous réservistes, et donc militaires. Automatiquement, la question de savoir si ce sont des civils ou des militaires est très compliquée… »
Étudiante en sciences sociales, Maeva est également membre du comité Palestine Unistras. Elle développe un autre argument récurrent au sein du collectif : « On est tous choqué de voir des civils tués. Mais la résistance n’est jamais pacifique et c’est notre devoir de soutenir la lutte du peuple palestinien qui subit la colonisation depuis 76 ans. » Interrogée sur l’étrangeté d’un soutien au Hamas pour une militante de gauche alors qu’il s’agit d’un mouvement d’inspiration religieuse ultra-conservateur et réprimant violemment ses opposants palestiniens, l’activiste répond :
« Le Hamas est utilisé pour diaboliser la résistance palestinienne. Nous soutenons la résistance, qui est plus large que le Hamas, avec des mouvements comme le Front démocratique pour la libération de la Palestine ou le Front populaire de libération de la Palestine. »
Ces deux mouvements n’ont cependant plus guère d’influence à Gaza depuis la prise de contrôle non sans violence du territoire côtier par le Hamas, après le retrait des forces israéliennes en 2007.
Les positions plus nuancées inaudibles
En dehors des membres actives du comité, on trouve des positions plus nuancées ou hésitantes. Dans un coin de l’entrée du Patio, Sadec est venu soutenir la mobilisation pour la Palestine. Agent de sécurité, ancien étudiant en droit, il dit dénoncer « les morts des deux côtés. Pour moi les deux peuples sont victimes de cette guerre ». Estime-t-il que l’attaque du 7 octobre relève du terrorisme ou de la résistance ? Le trentenaire préfère s’abstenir : « Franchement, je ne sais pas quoi vous répondre. » À ses côtés, une jeune étudiante en cinéma peint une pancarte « Free Lebanon ». Elle affirme aussi « pleurer tous les morts ».
Une autre étudiante présente devant le Patio tient avant tout à dénoncer la « criminalisation du soutien à la Palestine ». Interrogée sur le mot d’ordre inscrit en lettres rouges à l’entrée du Patio, elle exprime son soutien à la résistance palestinienne tout en affirmant son opposition au « massacre de civils qui est un frein à la libération du peuple palestinien et au développement d’une résistance au génocide à l’intérieur d’Israël ». Pour la militante, c’est aussi le revers de la répression contre le mouvement propalestinien : elle empêche tout débat à l’intérieur du mouvement, et toute distanciation.
Une plainte de l’Unistra
Vendredi 4 octobre, le ministre de l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel (Les Républicains), a diffusé une circulaire appelant à la fermeté face aux mobilisations propalestiniennes dans les universités. Sur place, trois jours plus tard, les militants du comité Palestine Unistras et leurs soutiens ne semblaient pas inquiétés par une intervention des forces de l’ordre. Le blocage ne devrait pas être reconduit mardi 8 octobre.
L’Université de Strasbourg a porté plainte pour dégradation, selon France Bleu Alsace.
Chargement des commentaires…