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A la Laiterie vendredi, Peter Hook entretient la flamme de Joy Division

Joy Division et New Order figurent depuis longtemps déjà au panthéon des formations légendaires. Par un unique nom surtout, celui de Ian Curtis, cet ange noir disparu trop tôt mais dont le suicide précipita à jamais l’écriture du mythe. Peter Hook, le bassiste des deux groupes, joue vendredi soir à la Laiterie avec The Light. Interview.

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Peter Hook & The Light, en concert le vendredi 21 février à la Laiterie (Doc. remis)

Peter Hook
Peter Hook & The Light, en concert le vendredi 21 février à la Laiterie (Doc. remis)


Peter Hook profanerait la mémoire de son ami Ian Curtis, suicidé en 1980. D’aucuns raillent la démarche de l’ex-bassiste de Joy Division et de New Order de rejouer en tournée une partie de la discographie des deux groupes. Les mêmes critiques pourraient aussi tomber sur l’ex-guitariste Bernard Sumner qui se réapproprie lui aussi ce passé commun. Les deux hommes sont fâchés à mort et c’est même un jugement en justice qui tranchera la garde des chansons.

Toujours est-il que l’œuvre éphémère de Joy Division – deux albums, Unknown Pleasures (1979) et Closer (1980) – reste éternellement marquée par la personnalité de son chanteur Ian Curtis, orfèvre, avec ses trois comparses Peter Hook, Bernard Sumner et Stephen Morris, d’un son précurseur né sur les cendres encore fumantes du punk braillard, énervé et enragé que crachaient, entre autres, les Sex Pistols. C’est d’ailleurs un concert de Johnny Rotten et sa bande à l’été 76 au Lesser Free Trade Hall de Manchester qui provoqua le déclic pour Hook et Sumner et, quelques semaines plus tard, pour Curtis. Aujourd’hui, Peter Hook veut à tout prix sauvegarder cet esprit post-punk de son groupe originel puis de New Order tout en en assurant aussi, solidement et rationnellement, le service après-vente pour faire prospérer la légende.

Rue89 Strasbourg : Quels morceaux des répertoires de Joy Division et de New Order allez-vous jouer à la Laiterie vendredi soir ?

Peter Hook : On fait ça chronologiquement. Au début de cette tournée, en 2010, on jouait le premier album de Joy Division, Unknown Pleasures. En 2011, c’était le second disque, Closer. Et puis en 2013, on a décidé de jouer entièrement les deux premiers albums de New Order, Movement et Power, Corruption & Lies. C’est ce set qu’on va jouer à Strasbourg, en ouvrant le concert avec des titres de Joy Division puis d’autres singles et des faces B (le classique Love Will Tear us Apart figurera sans nul doute dans la setlist).

En reprenant Joy Division et New Order, est-ce que c’est un devoir de mémoire pour vous, un acte de nostalgie, un besoin ou bien le faites-vous simplement pour vous amuser ?

Aujourd’hui, à 58 ans, je fais ce qui me plaît et comme j’en ai envie ! Les concerts, les live sur scène, ça a toujours été ma passion. Et encore aujourd’hui, ça me plaît de jouer Joy Division et New Order devant un public qui n’était même pas né quand on a commencé ou qui n’a plus entendu ces albums depuis plus de trente ans.

Certains fans crient pourtant au sacrilège et vous accusent d’exploiter un passé mythique qui reste aussi bien juteux…

C’est leur avis, je le respecte. Mais les chansons de Joy Division et New Order, ce sont aussi les miennes et j’ai le droit de les jouer sur scène partout dans le monde. D’ailleurs, les groupes qui reprennent Joy Division et New Order sont très nombreux et ça ne pose aucun problème. Bien au contraire, ça prouve qu’on vit encore à travers d’autres.

Il y a aussi les critiques de Bernard Sumner (ndlr, guitariste et autre pilier de Joy Division et New Order) qui vous accuse de récupérer tout le catalogue uniquement pour vous…

Pour moi, Bernie n’existe plus ! Je n’ai plus aucun rapport avec lui. On a pourtant été amis, on a joué longtemps ensemble dans les deux groupes et finalement on est devenus des collègues de bureau. Ce qu’il a fait est minable ! Il ne m’a pas attendu pour reformer New Order en 2011 et jouer toutes nos chansons, en reprenant aussi du Joy. Je n’étais pas d’accord avec ses décisions et aujourd’hui, c’est lui qui n’est pas d’accord avec les miennes. C’est comme ça, on ne peut rien y faire. Nous sommes en procès Bernie et moi et c’est la justice qui tranchera tout ça.

« Ian est un gars joyeux, un grand fêtard »

L’aura de Joy Division et New Order est encore immense aujourd’hui. Le ressentez-vous sur scène ou au quotidien ?

Oui, et on a énormément de chance ! Je pense que si Joy Division et New Order sont encore autant présents, c’est parce que de nombreux groupes s’en réclament, nous citent comme une influence importante. Je prends tout ça comme un immense compliment. Surtout sur scène, car c’est là qu’on le ressent le plus. C’est là que la puissance de la musique est la plus forte et quelquefois, je me dis « Waouw ! c’est tellement puissant ! » Mais en fait, Joy Division aujourd’hui est devenu un mythe, et la mort de Ian y est pour quelque chose évidemment. Mais pas seulement.

Joy Division, c’était un groupe avant tout, quatre gars normaux qui essayaient simplement de faire du rock et de jouer de la musique. Pour moi, c’est ça, Joy Division. C’est ce que j’ai essayé de démontrer avec mon livre (ndlr, « Unknow Pleasures, Joy Division vu de l’intérieur », publié en 2013). En démontant aussi le mythe selon lequel Ian était uniquement un type sombre et torturé. Evidemment, il était complexe mais c’était un gars joyeux, un grand fêtard et un grand fan de foot (ndlr, il supportait l’équipe de Manchester City). Mais vous savez, je vis avec lui tous les jours, je pense à lui tous les jours car Joy Division c’est notre histoire commune, on a vécu des choses folles, des concerts fantastiques ; par la suite, j’ai pu voir grandir mes enfants et d’une certaine manière, ça me rend triste car Ian n’a pas eu cette chance, il n’a pas pu faire comme nous.

Quel a été l’impact de Joy Division et de New Order sur vous ? Que conservez-vous de ces deux expériences ?

Tout reste exceptionnel aujourd’hui ! Pour moi, il est impossible de choisir, de trier. Je suis tout simplement heureux d’avoir rencontré ceux avec qui j’ai monté les deux groupes et avec qui j’ai joué. Il n’y a rien à changer. J’aimerais juste pouvoir entendre ce qu’auraient à nous dire ceux qui nous ont quittés, comme Ian, Tony Wilson et Rob Gretton (ndlr, les cofondateurs du label Factory qui produisit Joy Division et New Order mais aussi d’autres groupes de la scène de Manchester comme Happy Mondays et The Durutti Column) ou encore Martin Hannett (ndlr, l’ingénieur du son du label Factory, considéré comme l’inventeur du son clinique et épuré de Joy Division). Car Factory Records, Joy Division et New Order et L’Haçienda (ndlr, le club mythique de Manchester largement financé par Factory et qui fut au cœur du mouvement new wave et post punk et le lieu de référence pour la scène mancunienne des années 80, le fameux mouvement Madchester) ont modelé ma vie et fait de moi ce que je suis aujourd’hui, à 58 ans. C’est un voyage extraordinaire, énorme, avec ses bons et ses mauvais côtés bien sûr, mais je ne regrette rien.

« Tu as été punk une fois, tu le resteras jusqu’à la fin »

Dites-nous qui est le Peter Hook d’aujourd’hui ? Êtes-vous toujours punk dans l’âme ?

Absolument ! Je me considère toujours comme un punk et je ne cesserai jamais de l’être. Cet esprit ne te quitte jamais : tu as été punk une fois, tu le resteras jusqu’à la fin de tes jours. Bon, quand tu es gamin, tu ne penses qu’au présent, tu gueules « No Future ! », pour toi l’avenir n’a pas de sens. Et tu vis aussi avec l’idée que tu peux être totalement stupide, ce n’est pas grave ! Plus tu vieillis, plus tu y penses, à l’avenir. Et tu deviens comme tes parents… Mais aujourd’hui, franchement, je me sens serein. Je suis heureux, en bonne santé, j’ai arrêté de boire il y a dix ans, je ne prends plus de drogues et ça m’a vraiment permis d’y voir plus clair et de redémarrer sur de nouvelles bases, avec plus d’énergie et de passion pour la vie. J’aime ces tournées avec The Light, j’aime aussi écrire des livres et j’aime aussi donner des concerts comme DJ, chez moi, en Angleterre, à Manchester.

Cette carrière de DJ est-elle liée à votre histoire artistique commune avec Laurent Garnier ?

Un peu, oui, car Laurent a débuté à L’Haçienda en 1987, il s’appelait alors DJ Pedro et il dégageait déjà quelque chose de magique. Mais pour moi, cette carrière de DJ, c’est bien plus pragmatique. J’ai commencé pour l’argent car on en a tous besoin pour vivre et puis après tout, quand je vois les Stones Roses qui mixent comme des cochons, je me dis que je ne peux pas faire pire ! Artistiquement, c’est bien plus compliqué de jouer de la basse parce que derrière tes platines et tes machines, tu es obligé d’être en communion avec ton public, tu dois absolument faire tes preuves avec une remise en question permanente, sinon tu plantes tout et tu foires ta soirée. Quand tu es DJ, tu fais tout sans filet, sans protection, c’est excitant ! Et puis le public s’attend à ce que je joue des trucs indie ou dark, comme ce qu’on faisait à l’époque avec Joy Division et New Order. Et c’est toujours la grande surprise car mes sets, ce n’est que de la house. Et ça bouge bien plus que pendant nos concerts avec The Light !

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