Ils sont une trentaine de curieux, jeunes ou moins jeunes, à s’être déplacés à la réunion d’information de l’association Coopalim, mercredi 21 février, dans le quartier de la Krutenau à Strasbourg. Ils ont entendu parler du projet sur Internet, par une collègue, un ami, un voisin, ou encore lors du Marché de Noël Off.
Rassemblés dans une salle de la Maison des associations, tous les participants se retrouvent sur la volonté de reprendre le contrôle sur leur alimentation, sur la provenance des produits… et même le désir de ne plus « enrichir la grande distribution sur le dos des petits producteurs ».
Ça tombe bien, le projet de « coopérative alimentaire participative » de Françoise Pèlerin, la déléguée générale, et des autres membres de l’association Coopalim, va dans ce sens : installer en plein cœur de Strasbourg, une épicerie ou petit supermarché, où chaque client travaillera trois heures par mois, pour avoir accès aux ventes. Ce seront eux qui décideront des produits proposés en rayon ; eux qui iront les récupérer auprès des producteurs ; eux qui géreront la caisse.
Sur le modèle d’une coopérative participative à New York
L’idée de monter la première coopérative alimentaire à Strasbourg germe dans l’esprit de Françoise Pèlerin, lorsqu’elle assiste en novembre 2016 au cinéma Star, à la projection du film Food Coop. Celui-ci retrace la création d’un établissement similaire à New York, dès 1973. C’est une révélation : l’association Alsace Nature, qui a organisé la projection, la pousse à se lancer. Elle demande au cinéma Star un ciné-débat, en mai 2017 ; le cinéma « rechigne », craint un succès mitigé. La salle est finalement pleine.
Puis tout s’enchaîne : des Strasbourgeois intéressés par le projet prennent contact avec Françoise. Le petit groupe s’agrandit et les réunions s’enchaînent durant l’été… jusqu’à la création de l’association, en septembre 2017.
Coopalim s’inspire aussi de la dizaine de coopératives alimentaires participatives qui existent déjà en France : La Louve à Paris, La Cagette à Montpellier, ou encore Les Oies sauvages à Colmar.
Des commandes en attendant un local
Le projet n’en est qu’à ses débuts. Pas de local, donc pas de stock : la première vente, organisée samedi 17 février au Centre socio-culturel du Neudorf s’est faite uniquement sur commandes. Françoise Pèlerin se félicite de cette première étape :
« Les 56 personnes qui ont commandé sont venues chercher leurs produits, et ça s’est très bien passé, dans une bonne ambiance. En attendant d’avoir le local et de lancer la coopérative à proprement parler, on envisage d’organiser une vente par mois. »
L’association fonctionnera avec ce système de commandes pendant quelques mois, le temps de trouver un local pour y installer son supermarché. Les adhérents-clients devront eux-mêmes démarcher les producteurs, organiser les livraisons, gérer la mise en rayon, tenir les caisses, nettoyer le magasin, etc. « Vous ne pourrez plus râler contre le caissier comme à Cora ou Auchan, puisque la prochaine fois, le caissier ce sera vous ! » prévient Françoise.
Les curieux venus à la réunion sourient. Certains s’inquiètent de ne pas arriver à se libérer trois heures par mois pour la coopérative… « C’est le principe même du projet, et trois heures, ça n’est vraiment pas grand-chose. On aura des plages horaires d’ouverture importantes donc tout le monde pourra s’arranger selon son emploi du temps », rassure Lucie Bolland, déléguée générale adjointe de Coopalim.
Atelier « approvisionnement »
En attendant chaque adhérent peut s’inscrire dans l’un des ateliers créés pour la future coopérative. Le pôle « Approvisionnement » est par exemple chargé de démarcher les producteurs de la région ; le pôle « Communication » de faire parler du projet ; le pôle « Démocratie » d’intégrer au mieux les adhérents à chaque étape des décisions qui sont prises.
Le pôle « Financement » fonctionne déjà bien, ses membres ont obtenu deux subventions de la part de la Ville de Strasbourg, à hauteur de 18 000 euros, pour l’association.
Des produits « entre 20 et 30% moins chers »
Côté approvisionnement, c’est pour le moment une cinquantaine de références qui sont proposées. À terme, la coopérative promet des tarifs « entre 20 et 30% moins chers qu’en supermarché », explique Lucie Bolland :
« Le supermarché n’aura que deux ou trois employés, ça permettra de réduire les coûts donc les prix de vente. En outre, on ne va pas chercher à faire du bénéfice, on aura une petite marge pour couvrir les coûts de fonctionnement mais c’est tout. »
Mais pour être véritablement rentable, la coopérative devra compter entre 1 000 et 1 200 clients… donc autant d’adhérents. « C’est une moyenne qui s’applique généralement dans le domaine de la vente », explique Françoise Pèlerin :
« On en est déjà à 120 adhérents, en seulement quatre mois d’existence. Donc d’ici l’ouverture du supermarché, dans 18 mois ou deux ans, on espère bien atteindre ce chiffre ! »
À la différence des projets qui existent déjà à Strasbourg (les AMAP, La Ruche qui dit oui, l’association VRAC par exemple), Coopalim espère créer un « lieu de vie » et de convivialité, où chaque adhérent est acteur :
« Le supermarché est un lieu d’isolement complet de l’individu. Nous au contraire, on veut créer un lieu où existe un véritable lien social, qui ne soit pas simplement un lieu de consommation mais aussi un lieu d’échanges, autour de conférences sur le compost, le recyclage, l’utilisation de cosmétiques faits maison par exemple… Chaque adhérent sera invité à participer à chaque étape de la vie de la coopérative. C’est un projet en perpétuelle construction ! »
L’appel est entendu. Parmi le petit groupe de curieux venus à la Maison des associations, beaucoup sont déjà convaincus.
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