C’est la première glace de l’année pour Elias, 10 ans, et sa petite soeur de 2 ans, Alicia. Sur la place principale de Kehl, Angelika et ses enfants profitent de leur première sortie de la semaine jeudi 23 avril. Depuis trois jours, tous les magasins de moins de 800 mètres-carrés ont rouvert. À quelques pas, une salariée de l’enseigne australienne Woolworth pulvérise une solution hydroalcoolique sur les mains de chaque client et leur donne un panier à roulette dont la poignée a été désinfectée.
Un confinement assoupli
Malgré cette première mesure de déconfinement, Angelika reste un maximum chez elle avec ses enfants. Dotée d’une cinquantaine de masques achetés en pharmacie, cette gestionnaire en logistique aurait préféré que la fermeture des magasins de vêtements, les librairies et autres magasins de sport « dure deux semaines de plus pour que le nombre de personnes contaminées continue de baisser. »
De ce côté du Rhin, le confinement est moins contraignant. Ici, pas d’attestation à remplir pour chaque achat ou promenade. Les sorties en famille d’un même foyer sont aussi autorisées sans limite de temps. Seuls les regroupements de plus de deux personnes n’habitant pas ensemble peuvent être sanctionnés d’une amende de 200 euros. Dès lundi 27 avril, le port du masque sera obligatoire dans les transports publics et les magasins. Jusqu’au 4 mai, certaines classes (terminale, première, troisième et CM2) retourneront progressivement à l’école pour passer des examens.
Kehl est vide, les commerçant inquiets
Pourtant ce jeudi, Kehl semble bien calme. Malgré la réouverture de leur magasin, les commerçants restent inquiets. Le propriétaire d’un magasin « tout à un euro, » Denis Maurer, décrit son principal souci : « Nous attendons le retour des Français. » À l’entrée de Kehl, juste en face de la gare, de nombreux tabacs sont fermés depuis la fermeture de la frontière franco-allemande le 16 mars.
Denis Maurer estime perdre actuellement entre 40 et 60% de son chiffre d’affaires habituel. Pour compléter ses revenus amputés, le vendeur a sollicité plusieurs aides de l’État allant « de 3 000 à 9 000 euros selon le prix du loyer et les coûts salariaux. » Une nouvelle marchandise a aussi fait son apparition sur l’étal de Denis : des masques vendus deux euros pièce.
« Qui me paye si je dois à nouveau fermer ? »
Dans la rue principale, Angelo fume une cigarette devant son magasin de glaces italiennes. « Regardez, Kehl est vide, souffle-t-il, je perds 70% de mon chiffre d’affaires en ce moment… » Alors le vendeur se demande si cette réouverture en vaut la peine : « Ça me permet juste de payer le loyer… J’ai acheté pour 2 000 euros de lait, de crème, de cornets… Qui me paye tout ça si je dois à nouveau fermer ? » Angelo aurait préféré reprendre avec une clientèle française et sa terrasse ouverte…
Bâtiment, entretien : pas de répit
Sur la place du marché, certains travailleurs n’ont pas connu de répit malgré le confinement. À côté de l’église, des ouvriers travaillent sur un chantier ininterrompu. Sans masque, Max (le prénom a été modifié) dit « garder les distances de sécurité. » Agent d’entretien de la ville, Moritz (le prénom a été modifié) s’estime en sécurité au travail : « Les horaires de travail ont été décalés pour qu’on ne soit pas trop nombreux dans le vestiaire. Et ceux qui travaillent dans une même voiture, ils restent toujours ensemble. » Concernant la réouverture des magasins, Moritz aurait aussi préféré « attendre deux semaines de plus. »
Le ralentissement économique déjà sensible
Vendeuse dans un magasin de vêtements, Frieda voit peu de clientes depuis lundi. Avec l’annulation des fêtes de diplomation, les étudiantes ne viennent plus chercher de robes de soirée. Et les conséquences du ralentissement économique se font aussi sentir : « La plupart de mes clientes n’achètent qu’à prix réduit », indique Frieda.
Même marasme du côté de Lorena, propriétaire du restaurant El Bolero. Malgré 15 000 euros de subventions étatiques et une réduction des impôts annoncée la veille, la restauratrice n’atteint que 10% de son chiffre d’affaires habituel en vendant des repas à emporter. Devant l’entrée de l’établissement, face à une terrasse aux tables séparées d’un mètre et demi, elle n’attend pas de réouverture avant le 31 août…
« On devrait faire confiance aux virologues »
Sur un banc de la place du marché, Nina et ses deux enfants sont sortis profiter du soleil et du ciel bleu. Éducatrice spécialisée, la femme de 42 ans travaille de nuit dans un centre pour personnes handicapées. Malgré le sommeil rendu impossible par les enfants, elle a apprécié la fermeture des établissements scolaires.
Mais aujourd’hui, les mesures de précaution pour une reprise scolaire partielle (moins de 15 élèves dans une salle, deux mètres de distance entre chacun et port du masque obligatoire) lui paraissent suffisantes :
« Je ne suis pas virologue, je pense qu’on peut leur faire confiance quand ils disent qu’il faut rester prudent et attendre de voir ce que ces assouplissements amènent. Nous verrons ça dans deux semaines. »
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