« Stop au massacre inutile », alerte une pancarte brandie devant la Direction départementale de la Protection des populations (DDPP) de Strasbourg. Bien qu’aucun cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) n’ait été déclaré en Alsace, les agriculteurs de la Confédération paysanne disent redouter les conséquences du protocole sanitaire en vigueur. Les éleveurs du syndicat agricole sont venus dialoguer avec la DDPP, en charge de la surveillance sanitaire des élevages, pour anticiper d’éventuels cas de dermatose dans le département.
La maladie virale, qui touche les bovins, se propage dans les cheptels français depuis juin 2025. Mi-décembre, 113 foyers avaient été détectés, la plupart en Haute-Savoie. Chaque fois, l’élevage entier est abattu. « La peur, on la sent chez tous les éleveurs bovins en Alsace« , explique Anne-Flore Laemmel, agricultrice dans la région de Saverne, drapeau de la Confédération paysanne sur l’épaule. « La région très touchée n’est pas si loin d’ici ».
Menace de l’abattage
La propagation de la dermatose, qui se transmet par les insectes – comme les mouches ou les taons – est difficilement contrôlable, et la maladie reste relativement méconnue en France. Dans certains cas, la dermatose peut entraîner la mort de l’animal. Pourtant, le « stress » ressenti par les agriculteurs rassemblés devant la DDPP, n’est pas lié à la peur de la contamination. « Nous sommes bien plus effrayés par la menace de l’abattage que par celle de la maladie », explique Bertrand Tournaire, éleveur de vaches laitières à Aubure, dans le Haut-Rhin. Il appréhende les conséquences de la maladie pour les éleveurs :
« Tous ceux qui sont proches de la retraite, tous ceux qui ont déjà des difficultés économiques, s’ils sont touchés, ils arrêteront tout, ils ne relanceront pas leur élevage. Il faut avoir le courage de recommencer, si on abat toutes tes bêtes, ça peut prendre des années. »
Gestion « scandaleuse » de la crise
« Cette politique d’abattage total ne mène à rien », affirme Anne-Flore Laemmel. L’agricultrice juge la gestion de la crise « scandaleuse » et affirme « ne pas comprendre l’entêtement de la ministre à garder cette ligne ». La veille, lundi 15 décembre, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, a confirmé le maintien du protocole sanitaire en place.
Alors que de nouveaux cas sont détectés chaque semaine, la Confédération paysanne défend un plan alternatif pour faire face à la propagation de la dermatose. « Il faudrait un abattage partiel, des seuls animaux contaminés, et le placement en quarantaine des autres animaux de l’élevage, avec un protocole de biosécurité », expose Églantine Berthet, agricultrice dans le Sundgau et porte-parole de la section alsacienne de la Confédération paysanne. Elle défend aussi l’élargissement de la vaccination des bovins, jusque-là strictement réservée aux zones proches des élevages contaminés.
« Le gouvernement n’entend rien et les syndicats sont écœurés. La confiance avec l’État est rompue », estime Anne-Flore Laemmel. Elle juge l’approche du ministère « autoritaire, verticale, sans aucune écoute de la profession et avec un quitus total de certains experts scientifiques ». L’agricultrice qui dit sentir « la colère partout dans la profession », et s’inquiète des réactions des éleveurs. « Certains, craignant tellement l’abattage de leurs bêtes, pourraient cacher que la dermatose a atteint leur cheptel. La maladie se propagerait alors d’autant plus vite », avertit-elle.
Pas de dérogation
« Avant même la dermatose, le contexte général met déjà à mal les éleveurs bovins », poursuit Bertrand Tournaire, faisant référence à l’accord sur le Mercosur, en passe d’être adoptée par l’Union européenne. Devant la grille de la DDPP, il affirme : « Tout ça c’est de la gestion administrative, pour les autorités c’est un problème dans un tableau Excel, mais nous, ce qu’on défend c’est du vivant. »
Les quinze vaches laitières de l’élevage de Bertrand Tournaire sont des Vosgiennes, une race protégée et considérée comme « rare ». La Confédération paysanne espérait pouvoir obtenir une « dérogation sur les abatages totaux » en cas de détection de foyers en Alsace. Reçus à l’issue du rassemblement par la DDPP, les représentants du syndicat n’ont pas obtenu d’inflexion. La direction de l’instance a confirmé l’application stricte de la politique nationale d’abattage total, sans dérogation pour les vaches Vosgiennes, malgré leur statut de race menacée.


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