
L’Eurométropole de Strasbourg et Voies Navigables de France ont lancé un appel à projets pour trouver un utilisateur à la plate-forme logistique du quai des Pêcheurs. L’objectif : développer une navette fluviale quotidienne pour approvisionner les magasins du centre-ville par la voie d’eau. Mais à quoi ressemblera cette nouvelle forme de livraison ?
Bientôt un port marchand au cœur de Strasbourg ? En octobre 2018, une péniche avait acheminé des pavés du port de Strasbourg au quai des pêcheurs pour approvisionner le chantier de piétonisation du quai des Bateliers, tout proche. Cette solution avait permis d’éviter l’entrée dans le centre-ville de dizaines de camions… mais elle avait coûté 8 000€ de plus qu’un transport sur route (sur un marché total de 1,5 million d’euros).
Quai des pêchers, le petit port aménagé pour cette opération par Voies Navigables de France (VNF) pourrait bien reprendre du service. L’objectif : transporter par voie d’eau des marchandises à destination des commerces et des entreprises du centre-ville. L’Eurométropole de Strasbourg et VNF viennent de publier un appel à projets allant dans ce sens.

Principal atout : la réduction de la pollution
Avec l’interdiction à venir des moteurs diesel en ville, l’Eurométropole doit favoriser les modes de livraison « doux ». Le transport fluvial en fait partie. Avec un seul moteur, il permet de transporter l’équivalent du chargement de dizaines de camions. Autre avantage : l’Ill est bien moins encombrée que les routes. Une fois déchargés du bateau, les colis et marchandises pourront être acheminés par des véhicules propres, comme les vélos-cargo ou les camionnettes électriques. Ce mode de transport permet aussi de désengorger les rues.
Jean-Baptiste Gernet, adjoint au maire de Strasbourg (La Coopérative) en charge des mobilités alternatives, résume ainsi l’objectif de cet appel à projets :
« L’opérateur choisi devra proposer un coût à la tonne compétitif pour être accessible à tous les commerçants. Il lui faudra probablement démarrer sur des flux faciles à massifier, comme les fûts de bière par exemple. Le sujet du retour à la voie d’eau est aujourd’hui installé, c’est une évolution écologique qui plaît aux habitants. Si l’exemple réussit, cela permettra d’aller plus loin et d’aménager d’autres plateformes. »
Un premier exemple avec les supérettes Franprix
Cette ambition s’appuie sur des exemples de plus en plus nombreux d’utilisation du fluvial en ville. Certains sont anciens. Depuis plus de trente ans, l’entreprise Point P approvisionne ses dépôts en bord de Seine grâce à des bateaux.
Mais l’exemple le plus connu de transport fluvial urbain concerne l’approvisionnement des 300 magasins Franprix à Paris. Depuis 2012, une barge chargée d’une quarantaine de conteneurs part du port de Bonneuil-sur-Marne, dans l’est de l’Île-de-France pour rejoindre le cœur de la capitale. Les caisses sont ensuite chargées sur des camions roulant au gaz.
L’exemple de Franprix semble démesuré à l’échelle d’une ville comme Strasbourg. Il a pourtant servi de déclencheur pour toute une série de tests en France et sur l’Ill notamment. Car un bateau peut être utilisé pour amener toute sorte de contenants jusqu’au centre-ville.
Des marchandises en palettes sur l’Ill
Des bateaux plats spécialisés dans le transport de palettes et colis existent déjà. En Belgique, la société Blue Line Logistics en a fait construire pour livrer les entreprises du BTP. Longs de 50 mètres, les « Zulu » (c’est leur nom) peuvent transporter l’équivalent de 15 camions en ayant besoin d’un seul moteur. Peu profonds, ils accèdent à la plupart des voies d’eau urbaines. Ces pontons peuvent ensuite être déchargés à l’aide d’une petite grue de bord, ou même d’un chariot élévateur. Le Zulu a été testé à Gand pour transporter des vélos-cargo utilisés par DHL.
Un garage à vélos-cargo flottant
L’idée d’utiliser une péniche pour acheminer des vélos-cargos en centre-ville n’est pas tout à fait nouvelle. En 2012, Gilles Manuelle, créateur de La Petite Reine, un des premiers services de livraison en triporteur, lançait une expérimentation à Paris. Le projet Vert chez vous utilisait lui un bateau dont la cale avait été aménagée en petit entrepôt flottant. Une grue à bord permettait de charger et décharger les vélos sur quasiment n’importe quelle berge.
Sur un parcours d’une dizaine d’escales dans Paris, le bateau déposait les vélos chargés, les reprenait quelques kilomètres plus loin, en relâchant simultanément un autre essaim. Les temps de navigation étaient utilisés par les livreurs pour préparer leur tournée.
Mais malgré l’appui de grandes enseignes (Raja, Saint-Gobain, Sanofi), le service a finalement été arrêté deux ans plus tard, faute de rentabilité. Car si les entreprises aime aujourd’hui afficher leur vertu écologique, elles sont rarement prêtes à payer plus cher pour une prestation de transport estampillée « vert ».
Un bateau-entrepôt… à 3,4 millions d’euros
Gilles Manuelle n’a pas lâché l’affaire pour autant. L’entrepreneur a travaillé à la conception d’un bateau dédié à ce type de service, aux capacités améliorées par rapport aux péniches actuelles, rentable et capable de naviguer à l’électricité. Le bateau Fludis a été inauguré à Paris, en septembre.
Ikea et Lyreco sont les premiers à tester ce nouveau type de livraison urbaine. Il emprunte le même schéma que celui imaginé pour Vert chez vous. Sept tonnes pourraient ainsi être transportées chaque jour en cœur de ville, sans aucune émission polluante. Une solution transposable, selon Gilles Manuelle, dans n’importe quelle ville traversée par un cours d’eau navigable.

Mais le bateau de Fludis fait déjà l’objet d’une procédure contentieuse. Certaines avancées techniques ne fonctionnent pas, malgré les 3,4 millions d’euros qu’il a fallu trouver pour le construire. Le temps que ces soucis soient réglés, le service ne devrait pas démarrer avant fin novembre, au mieux. Son application à d’autres villes n’est donc pas pour demain.
Des caisses plutôt que des vélos
D’autres solutions fluviales ne nécessitent pas la construction d’un bateau neuf. La start-up Green switch meridian expérimente depuis 2012 un concept de caisse pouvant être chargée dans les péniches existantes et déchargées directement sur un petit utilitaire effectuant le dernier kilomètre de livraison.
« Cette solution est moins invasive qu’une flopée de vélo-cargos », estime son concepteur, Marc Bazenet. Ce dernier le certifie : grâce à une manutention très rapide des caisses, cette technique permettrait au fluvial de ne pas être plus cher que la route, sans avoir à amortir un investissement important. Elle a d’ores et déjà donné lieu à de nombreuses expérimentations. Pour autant, aucun client ne s’est encore engagé au-delà de quelques essais…
« Les verrous à l’utilisation du fluvial ne sont pas qu’économiques. Pour les utilisateurs, il s’agit d’une démarche complexe, qui ajoute au moins deux heures de délais supplémentaires à leur logistique et les oblige à repenser totalement leur organisation. L’autre difficulté est de faire coexister sous le même toit toute une nouvelle chaîne de valeurs, des transporteurs aux gestionnaires d’entrepôts, en passant par les industriels, les commerçants et les entreprises de recyclage. »
La rentabilité avant tout
Le futur utilisateur du quai des Pêcheurs devra faire face à toutes ces contraintes. Certes, les études logistiques liées au développement du service et les éventuels investissements en bateau peuvent être en partie pris en charge par VNF dans le cadre de ses plans d’aide. Mais ce sera à l’opérateur de convaincre commerçants, distributeurs et enseignes du e-commerce d’adopter le transport fluvial. Seront-ils davantage séduits par un service de transport de palettes, de vélos-cargo ou de caisses ? Le choix de la Ville se portera en tout cas sur la solution identifiée comme la plus rentable.
Les containers ne sont jamais transportés seuls dans les pousseurs sur le Rhin. Quant à l'initiative de livraison par bateau à Strasbourg, c'était une première avec des "essuyages de plâtres", notamment la gestion d'une livraison dans un canal au tirant d'eau qui s'est beaucoup réduit au fils des ans en raison du manque d'entretien de l'infrastructure.
Mais ça fait bien et ça donne bonne conscience...
Pendant les périodes où l’Ill est en crue ou en manque d’eau,on fait quoi?
Voir notamment cet article où il est évoqué un rapport de 1 sur 150 en terme de matière transportée.
http://www.leparisien.fr/yvelines-78/une-peniche-equivaut-a-150-camions-08-07-2013-2962703.php
Souvenons-nous des balbutiements d’Autotrement devenu CITIZ. MM. Ries et Herrmann n’en ont rien retenu et leurs administrations pas plus.
L’adjoint au Maire et VNF semblent bien seul pour cet AMI. Le futur utilisateur du quai des pêcheurs devra avoir une trésorerie capable de supporter un modèle déficitaire. Un bateau à exploiter cela n’a rien à voir avec une flotte d’automobiles en libre service.
Et les commerçants sont des « durs à cuire ». L’histoire de la pietonnisation et les derniers débats des vitrines de Strasbourg illustrent leur incapacité à s’extraire du modèle de développement de la deuxième moitié du 20ieme siècle ou le tout voiture a été roi. Les quelques uns convaincus d’emblée pourront constituer un tout petit chiffre d’affaire.
Nos institutions publiques engoncées dans leurs conservatismes au mieux n’incitent en rien des modifications structurelles de la logistique marchandise. Monsieur Herrmann aime les camions au moins depuis les années 80... monsieur Ries s’en est allé soutenir le GCO et la SIG monsieur Fontanel le suit comme son ombre et ne se dépatouillera pas des propositions de madame Keller...
Bref, seuls les résultats du premier tour des élections municipales pourront botter les fesses à ces amateurs du climat.
Vu les dernières amendes dressées par l’Union Européenne à la France,
Vu la place de Strasbourg dans l’émission des pollutions qui suscitent ces amendes,
Vu l’absence de prise en compte sérieuse dans les projets politiques des Républicains, de la REM, du PS, et de tout leurs copains ... de cette situation calamiteuse.
Votez bien !!
D'un article sur le transport fluvial au fameux "tous pourris" qui sonne quand même fâcheusement bleu marine...
Du constructif avant tout, que diable !
Toutes les pistes réduisant l'empreinte carbone en ville est bonne à prendre, mais doit juste être neutre pour les finances publiques.
Une opération du type décrit dans l’article implique depuis plusieurs mois déjà les finances publiques. Je la trouve intéressante mais ne m’illusionne pas une seconde de son devenir, après avoir pris connaissance en détail de l’appel à manifestation d’intérêt.
Les déclarations restent des déclarations, il en va très différemment lorsqu’il s’agit d’agir concrètement et c’est à cet instant que nous nous trouvons pour la logistique marchandise dans la ville.
Je regrette l’absence cruelle de soutien public fort à cette initiative. Le détail je l’ai écrit au dessus et en dessous.
Bonne nuit à vous.
Pfffff
1) livraison des matériaux pour les chantiers à proximité du canal,
2) enlèvement des déchets des chantiers ou des déchets ménagers et des entreprises.
3) Livraison des entreprises et commerce, mais via des tranches de volumes conséquentes (minimum format palette), avec acheminement au dernier kilomètre via utilitaires électriques, voir triporteurs à assistance électrique.
Les livraisons en "petit détail" (vélo-cargo "classique" devront se faire depuis des bases logistiques intermédiaires pour ne pas encombrer les quais.
Parce que depuis la collectivité s’est concentrée sur le transport de voyageurs pour faire venir un tas de monde dans le centre-ville et conserver une certaine attractivité...
Parce que dans l’administration de l’€métropole il y a des verrous pour faire « disparaître » en douceur des projets trop « innovants ».
Aller voir « Alice et le Maire » au cinéma c’est inspirant... sur la modestie en plus d’un Luchini génial !
A des années lumières de ce qui se passe à Strasbourg ces dernières années.
Du temps de ma jeunesse, l'Ill n'était pas là pour promener les touristes mais bien pour l'acheminement des marchandises.
Qu'est-ce qu'on attend ?
Si un village comme Ungersheim a entamé une transition écologique,
Serait-ce impossible dans une ville comme Strasbourg ?
Riess et Cie ont préféré le GCO plutôt que de mettre une volonté FORTE pour une vraie solution pour Strasbourg.
Ceci dit, les élections se pointent, vit, vire, vite, il faut du bouger le popotin.
Après les élections (s'il devait être réélu) il pourra de nouveau flâner et s'endormir.