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Un docu pour comprendre les Alsaciens grâce au Barabli

Issu de la France de l’intérieur, Gabriel Goubet vient de boucler un documentaire sur l’histoire du Barabli, cette forme de spectacle satirique héritée de la tradition du cabaret dans l’espace rhénan. Après deux ans de travail, il a produit une clé de compréhension des traumatismes alsaciens.

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Il fallait un Français de l'intérieur, Gabriel Goubet, pour parler du cabaret alsacien (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Il fallait un Français de l'intérieur, Gabriel Goubet, pour parler du cabaret alsacien (Photo PF / Rue89 Strasbourg)
Il fallait un Français de l’intérieur, Gabriel Goubet, pour parler du cabaret alsacien (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Réalisateur, Gabriel Goubet habite dans le quartier gare à Strasbourg depuis une quinzaine d’années. Et pourtant, les Alsaciens restaient un mystère pour lui. Pour les comprendre, ce natif de Grenoble, se proposait de réaliser un documentaire sur « l’humour alsacien ». Puis le projet a évolué vers l’histoire du cabaret alsacien, dont le Barabli, mené par Germain Muller depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au début des années 90.

La bande annonce

Le film de 52 minutes produit par Seppia, appelé « Tout le Cabaret Alsacien (enfin presque tout) ! », sera diffusé sur France3 Alsace le vendredi 24 octobre vers minuit et le samedi 25 octobre à 15h20. Il raconte la génèse :

« J’avais envie depuis longtemps de me plonger dans la culture alsacienne, à la fois fière et complexée. Il n’existe que peu de sources sur le cabaret alsacien… Juste quelques photos personnelles éparses et quelques documents vidéos, dont une partie se retrouvent dans le documentaire. En travaillant pour le film dans les archives des années 50 avec Odile Gozillon-Fronsacq, je me suis rendu compte de l’importance qu’a eu le Barabli dans l’immense psychothérapie de groupe des Alsaciens après-guerre. Et ça m’a donné le fil rouge du film. »

Car Germain Muller est un excellent témoin de son époque. Né en 1923, il a grandi à Strasbourg. À la déclaration de guerre, il a subi avec sa famille l’évacuation de la ville vers Périgueux. Comme de nombreux Alsaciens, il a été incorporé dans la Wermacht en 1943. Il en a déserté pour se retrouver en Suisse, où il découvre la tradition du cabaret rhénan, qui consiste à « pointer », c’est à dire nommer en montrant du doigt, les édiles pour s’en moquer. Il fonde en 1946 De Barabli, un cabaret bilingue qui connaîtra un immense succès en exorcisant les traumatismes propres aux Alsaciens de sa génération.

Machine à laver des clichés alsaciens

Pour Gabriel Goubet, le cabaret alsacien est une culture à part méconnue :

« Le cabaret est une forme d’humour très sophistiquée. Les comédiens doivent savoir chanter et jouer la comédie, les auteurs doivent se tenir au courant des affaires politiques pour en ressortir les côtés saillants. Mais parce que le cabaret a toujours été présent en Alsace, encore aujourd’hui avec les troupes comme La Choucrouterie ou La Revue Scoute, les gens ne se rendent pas compte que c’est unique ! Cette manière de “pointer” les élus, nommément, n’existe que dans le cabaret rhénan. »

Bande Annonce de la Revue Scoute 2013

Patiemment, Gabriel Goubet a documenté ce pan de la culture alsacienne, notamment grâce à un partenariat avec l’INA. Outre les compagnies strasbourgeoises, il a rencontré le Herre-nHowe et le Dame-n-Howe à Mulhouse, la Budig qui joue partout en Alsace (coupée au montage) et le S’Brannkessele, cette troupe du centre-Alsace qui ne joue que quelques représentations par an et pour lesquelles les réservations s’arrachent le dernier dimanche de novembre à la salle des fêtes de Triembach-au-Val.

La relève des auteurs peine à émerger

Mais si le public des revues se renouvelle, les auteurs du cabaret alsacien, eux, ont tendance à vieillir. Car il en faut du temps et de l’énergie pour trouver les ressorts du cabaret alsacien : Roger Siffer de la Choucrouterie lit les DNA tous les jours, Denis Germain de la Revue Scoute puise son inspiration au marché, Jean-Georges Hirschfell du S’Brannkessele se promène partout dans le Val de Villé avec son petit carnet…

Le documentaire de Gabriel Goubet est émaillé de plans sur le public, hilare. Il précise :

« Il était important pour moi de montrer des plans sur les gens qui se marrent. Parce qu’on voit sur les images toute la puissance évocatrice de la langue alsacienne et la résonance qu’elle produit chez les spectateurs, qui se reconnaissent à chaque blague. On est vraiment dans le sens premier du folklore, dans l’art populaire. Les gens étaient d’ailleurs un peu méfiants sur le fait que ce soit un Français de l’intérieur qui s’intéresse au cabaret alsacien. »

C’est pourquoi les sous-titres en français des blagues en alsacien ont été écrits par les auteurs eux-mêmes, pour éviter d’aplatir les effets comiques.

Au final, Gabriel Goubet propose un voyage plein d’humour au cœur de l’Alsace avec ce documentaire, qui en dit bien plus long sur l’identité alsacienne que tous les discours entendus ces derniers temps. Lui-même a été surpris du résultat et le film provoque des remerciements chaleureux du public partout où il est projeté. Un peu comme si Gabriel Goubet avait mis en évidence ce qu’est être alsacien aujourd’hui, et en quoi cette culture est inaliénable.

Y aller

Projection en avant-première samedi 18 octobre à 18h au cinéma Odyssée, rue des Francs-Bourgeois à Strasbourg.

Jeudi 23 octobre à 20h à La Saline, 2 Rue du Docteur Michel Deutsch à Soultz-sous-Forêt

Mardi 28 octobre à 20h au cinéma Adalric, Espace Athic, rue Athic à Obernai

Vendredi 21 novembre à 20h au restaurant Le Gobelet d’Or, rue de la Broque à Strasbourg.

Aller plus loin

Sur Seppia.eu : la page de Tout le Cabaret Alsacien (enfin presque tout) !


#cabaret alsacien

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