
Pas assez d’infirmières scolaires pour prendre en charge les élèves suicidaires ou harcelés, recours à de nombreux contractuels sans formation d’enseignant, démissions… Le syndicat FSU a désigné des points de tension dans l’académie de Strasbourg lors d’une conférence de presse vendredi 25 novembre.
« Les élèves ne vont pas bien, et on ne peut pas suffisamment les prendre en charge », résume Valérie Wolff, infirmière scolaire et membre de FSU, syndicat majoritaire dans l’éducation qui fait le bilan de la rentrée 2022 ce 25 novembre. Les chiffres qu’elle donne sont éloquents : « On est 150 dans le Bas-Rhin et 100 dans le Haut-Rhin. Il faudrait 1 100 postes de plus en Alsace pour arriver à un encadrement satisfaisant, avec à minima un poste d’infirmière à temps plein par établissement. »

Un mal-être psychologique croissant chez les élèves, et trop peu de personnel pour y répondre
Selon elle, depuis la crise sanitaire, les élèves sont de plus en plus nombreux à demander des consultations pour des problèmes psychologiques : « Au collège Bugatti de Molsheim, sur 650 élèves, j’en suis une vingtaine pour des idées suicidaires, des questions liées au genre, du harcèlement, ou des difficultés familiales. Les jeunes viennent nous voir de plus en plus tôt. Ils sont presque une dizaine en primaire à être concernés sur notre secteur », indique t-elle.
Arnaud Sigrist et Agathe Konieckza, respectivement co-secrétaires FSU pour le premier et le second degré, dénoncent le manque d’effectif :
« Depuis le début du premier mandat d’Emmanuel Macron en 2017, le nombre d’enseignants dans le second degré n’a cessé de baisser. Dans l’académie de Strasbourg, on a 150 élèves de plus pour 169 professeurs en moins, soit l’équivalent du corps enseignant d’un gros lycée de 1 500 élèves. »
Arnaud Sigrist, co-secrétaire FSU pour le second degré
De grosses inégalités entre les hommes et les femmes
« Le rectorat ne veut pas nous donner les chiffres précis. Rien que dans le Bas-Rhin, on en était à 18 classes sans enseignant dans le premier degré le jour de la rentrée », ajoute Géraldine Delaye, secrétaire départementale de FSU. Selon les représentants du syndicat majoritaire, lors de l’année scolaire 2021-2022, 18% des enseignants étaient contractuels dans l’académie : « Ce sont des personnels précaires, souvent en grande difficulté car embauchés sans formation », explique la secrétaire départementale.

FSU profite de l’occasion pour poser la question des inégalités de genre dans l’éducation nationale. Florence Fogelgesang, co-secrétaire départementale, explique que les femmes représentent 73,4% des personnels, mais que leur part est bien plus importante dans les postes les moins bien payés : dans l’académie de Strasbourg, elles sont 84,5% dans le personnel administratif et de santé, contre seulement 52,8% dans le personnel de direction et d’inspection. Jacky Dietrich, qui porte la parole du personnel administratif dans le syndicat, insiste :
« Dans les métiers administratifs, la rémunération moyenne des femmes est de 1 911 euros contre 2 469 euros pour les hommes. 61% des femmes occupent des postes de catégorie C, soit les moins bien payés. »
70 démissions dans le premier degré
Pascal Thil, enseignant en lycée professionnel, rappelle qu’un mouvement social d’opposition à une réforme de l’enseignement professionnel est en cours. Il conspue la volonté du gouvernement d’augmenter de 50% les périodes de stage en entreprise et d’adapter les enseignements aux filières industrielles locales :
« Ce n’est pas ça l’éducation nationale. On n’est pas là pour s’adapter à ce que veulent les patrons, et les jeunes ne sont pas une main d’œuvre bon marché. Si la réforme passe, il y aura des inégalités régionales dans la carte des formations, moins d’heures de cours pour former les élèves alors qu’ils en ont besoin, y compris pour les filières professionnelles, et moins de postes d’enseignant. »

D’après Géraldine Delaye, en raison du manque de moyens, de la difficulté du métier et des rémunérations faibles, le secteur connait une crise d’attractivité sans précédent, d’où les difficultés de recrutement. Sur l’année 2021-2022, 65 enseignants ont démissionné dans le premier degré en Alsace.
Plus grand monde n'a envie de faire ce métier qui devrait pourtant être le fondement même de notre société.
Pour ma part, ce n'est même plus une question salaire que de faire grève mais une question de morale. Tout le système est à revoir. Les grandes écoles avec les cpge sont une catastrophe pour la mixité sociale et l'égalité des chances. Les professeurs travaillent davantage que 35h effectives et sont payés moins que le SMIC.
Les classes sont surchargés, pas de formations réelles sur la pédagogie...
On peut être envoyé n'importe où en France, très souvent dans des classes particulièrement difficiles, sans expérience aucune.
Tout se joue alors à quitte ou double : soit vous avez le talent pour vous mettre une classe dans la poche, soit vous encaissez tous les jours.
Ce qu'est devenu l'éducation nationale en France est une honte.
J'espère de tout coeur qu'une mobilisation générale particulièrement puissante se mettra en place très rapidement. Pas pour obtenir une petite avancée de 5 à 10% de sur le salaire. Non. Pour réformer en profondeur notre système éducatif qui détruit tout enfant atypique, tout enfant qui n'a pas la chance d'avoir papa maman derrière lui pour combler les lacunes.
Nous rebeller en tant que professeur est devenu un devoir moral et civique.
Les vacataires sont envoyés sur le front avec des classes surchargées et du matériel vétuste sans aucun tutorat, et quand il y en a un, il est trop tardif.
Ajouter à cela une culture de l'irrespect des enfants vis-à-vis des adultes, La défiance des parents vis-à-vis des enseignants et l'absence de soutien de la hiérarchie à leur égard.
De quoi dégoûter ceux-ci, qui ne reviennent pas l'année suivante.
Ce qui alimente le turn-over.
Tout le temps que nos ministres ne considéreront pas l'éducation des enfants comme une priorité et n'y mettront pas les moyens adaptés, L situation continuera de se dégrader d'année en année.