
L’UE a changé ma vie (4/4) – En 2009, l’usine Maille Verte Vosges est placée en liquidation judiciaire. Éric Neri est le seul à proposer une offre de reprise. À moins d’un mois des élections européennes, cet ingénieur de formation craint une déstabilisation de l’Union. Son usine exporte deux tiers de sa production en Belgique et en Allemagne et le Brexit a déjà affecté le carnet de commandes…
« Ici, chaque famille a un fils, un cousin, une sœur, qui a perdu son boulot dans le textile. » Mais à Saint-Nabord dans les Vosges, l’usine continue de tourner, en grande partie grâce à Éric Neri. Directeur de l’entreprise américaine AMES en 2007, il est le seul à proposer une offre de reprise en 2009.
Notre série : « L’UE a changé ma vie »
(1/4) Les adaptations de Didier Braun, producteur de lait alsacien, à la fin des quotas laitiers en Europe
(3/4) Sébastien, vendeur de semences « pirates » : quand l’Europe pousse et la France freine
(4/4) James, Britannique : devenir français pour rester européen
À cette époque, la crise financière avait conduit à la liquidation judiciaire de l’entreprise. Dix ans plus tard, la même usine réalise plus de cinq millions de chiffre d’affaires. Elle a même recruté cinq nouveaux employés au cours des dernières années. « Je suis un Européen convaincu », affirme le chef d’entreprise.

Le textile, les fermetures
Éric Neri en est fier : il n’a travaillé « que dans le textile et que dans l’Est de la France ». Le Vosgien d’adoption développe volontiers sa pensée « en tant que citoyen ». Il rit et sourit. Pourtant, l’histoire de sa filière est pleine de fermetures. L’homme au gilet gris et aux lunettes carrés a étudié à l’École nationale supérieure des industries du textile de Mulhouse. L’établissement a fermé il y a plusieurs années. Le jeune ingénieur a aussi vu les usines cesser de produire :
« J’ai vu des industries faire des investissements pléthoriques pour moderniser leur production. Mais elles ont quand même fini par fermer. Les filatures du Chenimenil par exemple. On est passé de 1 à 4 filatures puis à zéro… J’étais convaincu que l’industrie du textile, c’était fini en Europe. »

« Nous avons besoin d’une Europe forte »
Puis le père de famille a changé d’avis. « Je me suis dit que la solution se trouvait dans une production locale, respectueuse de l’environnement et des travailleurs », résume-t-il.
Éric Neri voit plutôt l’Europe comme une opportunité. Ses avalanches de normes seraient moins des contraintes que des garanties pour la santé des Européens : « Dans notre secteur, il y a des produits chimiques qui sont interdits, car on s’est rendu compte que les teintures étaient allergènes. »
D’où la nécessité de renforcer encore l’Union Européenne pour « ne pas laisser rentrer n’importe quoi » et « pour faire face à des blocs comme les États-Unis ou la Chine. Nous avons besoin d’une Europe forte, avec un marché intérieur fort », conclut-t-il.

Au-delà d’un cadre légal, l’Union Européenne a aussi fourni une aide financière à l’entreprise vosgienne. Lorsque Maille Verte Vosges renaissait des cendres de la crise de 2008, le Fonds européen de développement régional (Feder) a subventionné l’achat de nouvelles machines à hauteur de 50 000 euros. Aujourd’hui, ce même programme européen soutient à plus de 80 000 euros un projet d’économie en eau. « En tant que gestionnaire de mon entreprise, je suis conscient de ce soutien de l’UE, mais les gens n’ont aucune idée de ce qu’est la gestion d’entreprise. Pour l’Europe, c’est la même chose », regrette Éric Neri.
« Sans l’Europe, c’est fini »
Dans l’usine, certains employés sont conscients de l’importance de l’Europe pour leur entreprise. Sonia, agent de textile de 42 ans, ira voter fin mai pour deux raisons.
La première : « Parce que je suis une femme et qu’on a pas toujours eu ce droit. » La deuxième motivation se trouve dans ces longues bandes de maille qu’elle observe attentivement. « On travaille beaucoup avec les pays européens. Sans ça, c’est fini », résume-t-elle. Selon les années, Maille Verte Vosges exporte entre 60 et 70% de sa production en Allemagne et en Belgique.

Mais d’autres peinent à voir l’impact de l’Union européenne sur leur quotidien. C’est le cas de Patrick, 57 ans, qui ne voit « pas vraiment de concret » dans l’action de l’UE. Tout juste observe-t-il que « c’est un peu le bordel en ce moment (avec le Brexit, ndlr) ».

Thierry, 52 ans, dont 30 au sein de MVV, admet ne « pas vraiment s’intéresser à l’UE ». Ce technicien polyvalent, ennoblisseur pour les connaisseurs, se montre plus critique :
« Ici, des produits sont interdits alors que dans le reste du monde ce n’est pas le cas. Et puis, il y a des différences au sein même de l’Europe. Les salaires ne sont pas les mêmes, même les règles de pêche n’étaient pas les même entre la France et le Royaume-Uni. »

« Sauver ce qui reste »
Pour Éric Neri, l’Union Européenne est un cadre facilitant l’échange de marchandises. Pas de devise à convertir, pas de documents douaniers à remplir, des normes harmonisées entre les pays-membres… « Aujourd’hui, qu’on charge un camion pour Bruxelles ou Bourg-en-Bresse, c’est la même chose », se félicite le patron de PME, qui n’hésite pas à fustiger « nos camarades britanniques » dans leur tergiversation sur la sortie de l’UE. Car chez MVV, le Brexit est synonyme d’activité plus faible : « J’ai un client qui m’a dit que toute sa production pour le Royaume-Uni était figée… »

D’où la crainte du chef d’entreprise face à la montée de l’euroscepticisme. « Moi, les élections européennes, ça me fout un peu la trouille », lâche-t-il sans hésiter.
Éric Neri refuse de donner le nom du parti qu’il soutiendra. Mais il laisse quelques indices. Séduit par l’idée qu’un pays puisse être géré comme une entreprise, il estime qu’il « faut du temps pour changer les choses. » Il soutiendra le parti au pouvoir. Ce passionné du textile n’espère pas une réindustrialisation de l’Europe, ou des Vosges, mais « au moins sauver ce qui reste… »
ça sent Berlin 1933
Le petit peuple est pour l'Europe, mais à condition qu'elle soit là pour les protéger, et pas pour les livrer au pouvoir de la finance.
Le petit peuple a voté NON au TCE. Les dirigeants ont fait fi de leur choix et juste changé le titre du texte en l'appelant Traité de Lisbonne.
Forcément, à force de se moquer du monde, ça fini par se voir. Et les électeurs ne sont pas si cons et le comprennent.
Les faits montrent que dans la pratique, quand une question est clairement posée, ils ne représentent qu'eux-mêmes et nullement les inspirations de la population qui ne les a élus que sur le bonne gueule et sur l'influence des médias.
Je parle ici des "représentants" à l'assemblée nationale et au sénat qui ont trahit le peuple après le référendum sur le TCE. Il en est de même pour les autres instances: présidence, conseil de l'Europe, parlement européen. Et ne parlons même pas des commissaires européens qui ne sont pas élus et qui pourtant font la pluie et le beau temps.
Reprenez-vous:
On peut aussi être pour une autre politique européenne.
Mais pour ça, il faudrait au minimum que le choix des électeurs soit respecté quand ils refusent un traité scélérat qui prolonge la politique délibérée vers une Europe néolibérale construite pour les seuls intérêts des banques et milieux d'affaire.
Pas pour rien que l'industrie textile européenne a décliné ces dernières décennies.
Aurions nous connu une telle désindustrialisation, en particulier dans ce secteur d'activité, sans le libre-échangisme et sans l'UE ?