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À l’Espace K, la « carte pauvre » du quartier Gare a tenu trois mois

Pour toucher des spectateurs du quartier populaire de la Laiterie, l’Espace K avait prévu un tarif à 3€ pour les résidents bénéficiaires des minima sociaux en 2016. Mais trois mois après, aucune personne éligible ne s’est manifestée. L’espace K a mis fin au dispositif. Le directeur Jean-Luc Falbriard estime que d’autres actions parviennent davantage à toucher les habitants, mais elles prennent du temps à se mettre en place.

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À l’Espace K, la « carte pauvre » du quartier Gare a tenu trois mois

En janvier 2016, la Ville de Strasbourg a choisi de confier la gestion du Hall des Chars, dans le quartier populaire de la Laiterie, à l’association « le Kafteur » qui renomme l’endroit l’Espace K. À l’étroit dans son petit théâtre rue Thiergarten, dans la partie nord du quartier gare, la compagnie menaçait de cesser son activité. Deux ans après, la compagnie va nettement mieux grâce à ce changement d’adresse.

À chaque implantation d’un nouveau projet dans des bâtiments publics, se pose la fameuse question de « l’ouverture sur le quartier. » Une ouverture que la Ville trouvait insuffisante de la part de La Friche Laiterie, l’association d’artistes créateurs qui s’occupait du Hall des Chars jusque mi-2015.

L’ouverture des structures culturelles aux 2 680 habitants du quartier populaire de La Laiterie est un objectif spécifique à ce secteur, qui figure dans le Contrat de Ville 2015-2020. L’intensité du lien avec les voisins peut aussi se poser pour les autres structures, la salle de concert de La Laiterie, le TAPS et la Fabrique de théâtre et à un degré moindre, le Molodoï, tous établis depuis longtemps.

Du nord au sud du quartier

Avec les subventions et la convention d’occupation gratuite du lieu, la compagnie du Kafteur s’est donc vue confiée plusieurs missions « d’ouverture », en plus de sa programmation. L’association a notamment recruté un médiateur culturel à temps partiel. Un contrat aidé, supprimé à l’été par le nouveau gouvernement et pérennisé en CDI. Il est désormais question de le doter de moyens d’actions au-delà de son salaire.

Personne n’a demandé la « carte pauvre »

Parmi les mesures annoncées en janvier 2016, le directeur Jean-Luc Falbriard avait promis un tarif de 3 euros par spectacle pour les résidents modestes du quartier, en se faisant établir une carte distinctive. Une sorte de « carte pauvre » mais qui n’a intéressé personne, bizarrement. Jean-Luc Falbriard reprend :

« Après trois mois, aucun n’habitant n’avait demandé cette carte qui permettait de bénéficier de ce tarif. Seuls des personnes aux revenus corrects s’étaient manifestées, alors que cette opération s’adressait aux personnes bénéficiaires des minima sociaux. On avait eu une aide pour communiquer sur cette possibilité, mais très ponctuelle. »

Les éventuels manques à gagner sur les recettes de billetterie, 15€ par entrée (3€ à la place de 18), soit quelques centaines ou milliers d’euros, étaient intégrés dans la subvention d’exploitation annuelle de 85 000€ versée par la Ville de Strasbourg depuis le déménagement.

Ces crédits figuraient au Contrat de Ville (2015-2020) entre septembre et décembre 2016. Face à cet échec, le dispositif n’a pas été renouvelé par l’Espace K, même si son médiateur Régis Harter a « continué à la proposer » tout de même, sans plus de succès.

De l’accompagnement plutôt que de dédramatiser

Régis Harter ajoute que « plus qu’un tarif, il faut un accompagnement » :

« Avec des groupes que l’on touche grâce aux structures du quartier, on fait désormais un avant et un après-spectacle, c’est-à-dire souvent une visite des infrastructures, puis une rencontre avec les artistes. On adapte le discours selon qu’il s’agisse d’enfants ou non. Il arrive aussi que l’on fasse des tarifs de groupe à 6 euros la place. »

Au contact d’une partie des personnes visées, l’association Porte Ouverte avait été sollicitée pour accompagner à l’Espace K une partie de ses publics. Son directeur Claude Bescangèle raconte :

« Peu de personnes étaient informées. On a été prévenu vers mi-septembre ou octobre et le temps qu’on en parle à nos publics, c’était déjà trop tard et le dispositif n’a pas été renouvelé pour 2017. Au-delà de la question des tarifs, il y a tout un enjeu d’accompagnement – qui est désormais fait – et qui prend du temps. L’objectif c’est que nos membres ne passent plus par l’association et retournent à l’Espace K seuls. Des gens se disent “ce n’est pas pour nous” ou ont été gêné de ne pas avoir apprécié un spectacle. Les rencontres avec les artistes permettent une dédramatisation de la chose. Même des événements comme des petits déjeuners sont utiles car certaines personnes n’osent pas y aller seules. C’est important qu’il y ait ces temps d’échanges, qui ne sont pas possibles à La Laiterie par exemple. »

Le Hall des Chars est devenu l’Espace K, mais il est toujours difficile d’atteindre les voisins (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Pour Jean-Luc Falbriard et Ludivine Meyer, chargée de communication, d’autres moyens sont plus adaptés pour toucher le public populaire des alentours :

« On a une programmation pour jeune public le matin et les après-midi, samedi compris, avec une tarification à 10€ les adultes, 8€ pour les enfants et 6€ pour les groupes scolaires et parascolaires où l’on commence à voir des habitants. Les mercredis après-midi et lundis soir, nous avons aussi des ateliers de théâtre pour les 7 à 17 ans. Il y aussi quelques enfants du quartier sur la soixantaine de membres, malgré le prix d’inscription à 300 euros l’année. Donc ces jeunes proposent parfois à des amis à eux de venir lors du spectacle en juin qui découvrent le lieu comme ça. Cela prend du temps. On a aussi des projections gratuites et on organise des visites scolaires pour découvrir les métiers de l’Espace K, notamment la technique. Enfin, on est toujours ouvert aux fêtes du quartier. »

Pour l’année 2019, l’Espace K pourrait être le lieu de repli de la fête du quartier, en cas de mauvais temps.


#Espace K

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