
La toute nouvelle Eurométropole de Strasbourg aimerait profiter des nouvelles étapes de la décentralisation menée par le gouvernement pour s’emparer de nombreuses compétences qui étaient dévolues au département du Bas-Rhin. Mais le conseil général ne veut rien lâcher.
La CUS, c’est fini ! Pour désigner la collectivité gérant les 28 communes de l’agglomération de Strasbourg depuis le 1er janvier 2015, il faut désormais parler de l’Eurométropole. Ça en jette quand même plus ! Les contours sont les mêmes mais le changement de vocabulaire s’accompagne de tout un ensemble de compétences supplémentaires dont certaines seront transférées à l’agglomération en provenance de l’État, de la Région et surtout du Département. L’objectif de la loi Mapam (pour modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles) votée l’an dernier est de faire des métropoles des collectivités aux pouvoirs très étendus sur leur territoire.
Ainsi, une métropole peut choisir de s’occuper des collèges et lycées situés dans son périmètre, dont la construction, l’entretien et le personnel non scolaire dépendait jusqu’à présent des départements et des régions. Elle peut aussi reprendre la gestion des routes et l’action sociale aux départements…
Ces transferts peuvent s’opérer à la demande de la métropole auprès des collectivités concernées dès à présent, par convention. Si aucun accord n’intervient, les compétences seront automatiquement transférées à la métropole en 2017. Et à Strasbourg, l’Eurométropole et le département du Bas-Rhin sont bien partis pour attendre la date butoir de 2017.
Car Guy-Dominique Kennel, président (UMP) du Conseil général du Bas-Rhin, et Robert Herrmann, président (PS) de l’Eurométropole, ont des visions diamétralement opposées pour l’avenir de cette nouvelle étape de la décentralisation. Pour Robert Herrmann, il n’y a pas à tergiverser. La loi Mapam a fait des métropoles les nouveaux piliers de l’organisation du territoire, armés pour la compétition mondiale, il faut donc tout transférer à l’agglomération :
« Les métropoles vont avoir une bien meilleure prise sur l’aménagement du territoire. Elles seront, elles sont déjà, les locomotives de leur proche région. Donc favoriser la métropole, c’est favoriser toute la région. C’est l’histoire mondiale qui veut ça, il faut cesser de penser l’aménagement du territoire avec une loupe. Guy-Dominique Kennel se trompe lorsqu’il désengage le département du contrat triennal ou des financements en faveur de l’université dans le contrat de plan : à l’échelle mondiale, seule Strasbourg compte, parfois l’Alsace mais jamais le Bas-Rhin. Vouloir opposer la métropole et les milieux ruraux, qui n’existent pas d’ailleurs dans le Bas-Rhin, est une erreur : aujourd’hui, les campagnes vivent grâce aux villes. »
Robert Herrmann favorable à une séparation complète
Robert Herrmann lorgne sur l’exemple lyonnais, où la métropole assume désormais toutes les compétences du département du Rhône sur son territoire. Les deux entités ont été complètement séparées, à l’amiable grâce à un accord entre Gérard Collomb, président de l’agglomération, et Michel Mercier, ancien président du département. Conséquence de cette bonne entente, la loi Mapam a doté Lyon Métropole du statut de collectivité territoriale, ce qui n’est pas le cas à Strasbourg, où l’Eurométropole demeure un établissement public de coopération intercommunal (EPCI).
Évidemment, les transferts de compétences s’accompagnent du transfert des recettes afférentes, constituées de la fiscalité locale et d’une part de la dotation de fonctionnement. Et chacun a fait ses petits calculs : avec 473 000 habitants, l’Eurométrole concentre près de la moitié de la population du département, donc potentiellement la même part des recettes fiscales, sans parler de la part en provenance de l’activité économique, concentrée dans l’agglomération.
Robert Herrmann y voit un changement de paradigme :
« Actuellement, le conseil général du Bas-Rhin, c’est 800 millions d’euros de budget. La CUS, c’est 1,4 milliard. Donc si on récupère 400 millions, l’équilibre entre les collectivités en sera très nettement affecté. Mais on sera plus efficaces en ayant la pleine maîtrise de l’action sociale pour nos citoyens par exemple, notre action sera plus lisible et le mille-feuille administratif en sera légèrement amoindri. Tout le monde est gagnant. »
Pour Guy-Dominique Kennel, l’Eurométropole n’a pas les moyens de son autonomie
Tout le monde ? Ce n’est pas l’avis de Guy-Dominique Kennel, qui voit d’un mauvais oeil une séparation entre l’agglomération de Strasbourg et le reste du département du Bas-Rhin :
« Strasbourg ne peut pas se comparer au Grand Lyon, ce n’est pas la même puissance ! Que Strasbourg soit la locomotive de la région, c’est bien normal mais la locomotive a besoin de ses wagons. Sinon, on va opérer une césure entre la ville et les campagnes, qui sera préjudiciable aux deux. Robert Herrmann se fait des illusions sur le report de la fiscalité qui reviendrait à l’Eurométropole. Il oublie que la CUS concentre 70 à 80% des dépenses d’action sociale, actuellement payées par tous les contribuables bas-rhinois. L’Eurométropole a plutôt besoin de conserver cette solidarité du département, d’autant que le département reste le chef de file de l’action sociale et que notre personnel est le mieux formé pour ces missions. Et quand on organise les transports interurbains vers Strasbourg, qu’on finance le TGV, on prend toute notre part au développement de la capitale régionale… »
Au final, Guy-Dominique Kennel n’est pas prêt de lâcher ne serait-ce qu’une compétence à l’Eurométropole :
« Il serait dommageable de fractionner les compétences du conseil général, à ce jour je suis partant pour garder l’ensemble de nos compétences. Avant d’entamer toute discussion avec l’Eurométropole, j’attends une délibération de l’Eurométropole demandant un transfert de compétences telles qu’indiquées dans la loi Mapam, puis on verra ensuite les précisions qu’apportera la loi Notr (nouvelle organisation territoriale de la République) sur les autres compétences des agglomérations. En tant que sénateur, j’ai bien l’intention de peser sur la rédaction de cette loi pour empêcher que les conseil généraux, qui sont plus nécessaires que jamais, ne soient dépecés. »
Les discussions promettent donc d’être tendues ! Elles attendront le résultat des élections départementales (22 et 29 mars 2015) puisqu’elles débuteront avec le successeur de Guy-Dominique Kennel, qui ne se représente pas et abandonne son fauteuil de président du conseil général du Bas-Rhin. Peut-être son successeur laissera-t-il la locomotive partir sans ses wagons ?
Aller plus loin
Sur L’Express.fr : Grand Lyon la métropole: la face cachée de la transformation
o_O
On entend cela depuis des années! et puis la pouf ca sort de nulle part..
Ça choque personne?
Mais on a pas élu les conseillers de l'Eurométropole, ce qui n'a pas l'air de le déranger beaucoup...
Curieux que ces élus soient opposés à toute élections métropolitaines ou intercommunales...
Bizarre que les aspirants élus municipaux ne parlent jamais des enjeux intercommunaux lors des municipales (eau, énergie, logement, déchet)... il y aurait pourtant matière à débat...
Pour en revenir à Mr Hermann, il a fait campagne avec le PS sur une majorité communautaire EELV-PS, pour prendre la CUS avec une majorité PS-UMP... Je ne juge pas le fond de l'affaire, mais ce qui est certain c'est qu'il n'a aucun mandat ou légitimité électorale pour mener sa politique... c'est un sacré problème démocratique qui ne pose problème à aucun élu... et surtout pas à Mr. snack mich'.
Alors la défense de la légitimité démocratique des élus sur des affaires comme roybon ou sivens (encore une fois je ne juge pas le fond), c'est bien gentil...
Ries nous explique à la télé que sa modeste victoire, il l'a doit à Hollande... Moi je dis que les élus locaux sont aussi imbus et pourris que les élus nationaux... les baromètres d'opinion baissent sensiblement, et chaque année à ce sujet, élus locaux compris... nos élus locaux devraient sérieusement se remettre en question.
S'il doit exister des métropoles sans élection directe à la proportionnelle, qu'ils changent la république en régime oligarchique, ça ira plus vite, ce sera plus clair et honnête. Et c'est en réalité ce dont rêve inconsciemment ces grands barons locaux de gauche comme de droite
lors de l'élection municipale de 2014, les élus communautaires étaient fléchés sur les listes électorales...
Quand vous choisissiez une liste, vous choisissiez en même temps vos conseillers communautaires.
Et sur le débat communautaire, je ne sais pas mais j'avais lu dans les programmes des actions pour le développement du tram, les programmes de logements...qui sont des compétences de la Communauté urbaine... on a pu du avoir les mêmes tracts...
un vote séparé, avec des listes séparé svp... avec des campagnes séparés, sinon cela ne s'appelle pas du libre-choix mais si la forme actuelle vous suffit...
je n'ai jamais vu un débat sur les déchets (pourtant utile au vue de l'actualité récente de l'incinérateur), ni sur la gestion de l'eau...
nous avons lu les même tracts... rassurez-vous... en tout cas pour ceux qui concernent Strasbourg, et la CUS de se résume pas à Strasbourg... (sauf à exclure 200000 habitants du jeu).
Il n'a jamais été question d'une alliance avec l'ump dans la campagne, y compris à Strasbourg (alliance qui peut se défendre sur le fond, c'est pas le débat que j'avançais)
nous n'avons juste pas la même analyse...
Après, je vous laisse jouer au bille...
Dépossédé des enjeux électoraux de la CUS, encore plus lorsque l'on ne vote pas à Strasbourg... On nous demande de voter ensuite pour des cantonales sans connaitre le périmètre de compétence ou spatial du CG... vive le roi ubu
Rassurez-vous, je gagne à chaque élection dans le camp des abstentionnistes, ce qui ne m'interdit pas d'être alerte et concerné pour autant... Rétablissez le cens, et vous réaliserez plus rapidement vos dessins
C'est du grand n'importe quoi et après les prochaines élections tout risque encore de changer.
A moins que M; KENNEL attende l'échéance de 2017 pour voir si un changement de Président de la République modifiera la donne.
Mais visiblement ce n'est pas/plus à l'ordre du jour...
D'ancien plan allemand de la ville indique qu'une partie de la section Strasbourg - Port du Rhin était à 4 voies à l'époque de la gare de marchandises située à Heyritz sur l'emplacement de la route du Rhin . Cette même section est aujourd'hui sur 3 voies seulement mais l'emprise foncière pour une voie supplémentaire est semble-t-il toujours disponible ...
La durée de conception du tram train mulhouse thann est une illustration parfaite... du problème
Quant aux petites lignes bretonnes, certaines ont réouvert, mais grâce à des concessions classiques... avec un statut du personnel proche de celui qu'on trouve dans les entreprises de transport publics...
et ne nous méprenons pas, le statuts cheminots restent nécessaires sur certains métiers du rail (TGV, grande lignes, infra...)
restera les archives départementales, l'aide sociale à l'enfance, la protection des personnes vulnérables (tutelle, handicap, curatelle)...
Pour ces compétences, il est indispensable que le CG reste proche des habitants, des maires qui ont des compétences très importantes sur tout ces domaines (ils et nous oublions qu'ils sont des officiers de police)... et des juridictions civiles concernées qui ne sont pas régionales non plus la région n'est pas du tout une échelle pertinente
Bref, les conseils généraux devraient redevenir ce qu'ils étaient avant la réforme Defferre... une assemblée de maires...
par ailleurs, les CG restent mieux dotés que les conseils régionaux qui restent des nains budgétaires...
Toujours étonnant de voir comme les français et journalistes méconnaissent le coeur de métier de ces institutions départementales... les médias n'aident pas à comprendre non plus, j'en conviens.
Pour les compétences transport, emplois, logement (FSL), il est en effet grand temps que la région récupère ces compétences...
Bref déjà que la plupart des gens ne doivent pas trop savoir ce que c'est, ni à quoi sert un CG (ça devrait d'ailleurs changer de nom bientôt), ça ne devrait pas s'arranger pour les motiver à aller aux urnes prochainement ...