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Éviction de Julie Brochen : droit de réponse du TNS

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Le théâtre national de Strasbourg (TNS) vu depuis la place de la République (Photo Aloïs Peiffer / Wikimedia Commons / cc)

Le théâtre national de Strasbourg (TNS) vu depuis la place de la République (Photo Aloïs Peiffer / Wikimedia Commons / cc)
Le théâtre national de Strasbourg (TNS) vu depuis la place de la République (Photo Aloïs Peiffer / Wikimedia Commons / cc)

La fréquentation du TNS

L’article parle d’une fréquentation qui « s’effondre ». Et prend pour référence la saison 2008/2009 en regard de celle de 2013/2014.

La saison 2008/2009 était une saison particulière, dite « de transition » en ce qui concernait la programmation. Elaborée à quatre mains, elle saluait à la fois le départ de Stéphane Braunschweig et l’arrivée de Julie Brochen. Elle a suscité un nombre d’abonnements record de 8 446 abonnés (soit plus de 1 000 abonnés de plus que la moyenne des cinq saisons précédentes) ; ce chiffre était historique pour l’établissement.

Il apparaît logiquement plus pertinent d’utiliser comme référence la première véritable saison de programmation de la direction de Julie Brochen, à savoir 2009/2010, et la dernière saison 2013/2014. Nous constatons alors qu’il ne s’agit pas d’une « chute » de 30% des abonnés mais d’une baisse de 10% ; le nombre d’abonnements de nos spectateurs de moins de 26 ans passe dans le même temps de 3 080 à 2 997, soit un chiffre stable.

Le taux de fréquentation payante des salles du TNS, malgré la baisse soulignée dans l’article, est à relativiser et reste au regard de nombreux autres théâtres, très élevé. En effet, sur la période de référence, ce taux passe de 85% à 80%.

Nous ne minimisons cependant pas les résultats de la dernière saison 2013/2014 concernant la baisse du nombre d’abonnés. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : d’une part, des choix artistiques assumés afin de favoriser la qualité du rapport scène/salle pour certaines propositions ; d’autre part, un nombre de représentations réduit par rapport à la demande des spectateurs, pour quelques spectacles que nous ne pouvions programmer plus longtemps. Au final, une proportion importante de spectacles avec une petite jauge, rapidement indisponibles à la vente, ce qui a été un frein au nombre total d’abonnements sur la saison.

Il convient également d’insister sur le fait que le nombre d’abonnés de moins de 26 ans reste stable (autour de 50%) et que ces spectateurs, loin de s’être « évaporés », n’ont eu de cesse (avec le taux de renouvellement fort que l’on connaît pour ce type de public) de suivre les différentes saisons en venant tout aussi nombreux.

Le taux de nouveaux abonnés et celui des abonnés qui ont suivi les différentes saisons depuis 2009/2010 témoignent de l’intérêt des spectateurs au fil des saisons, et contredit l’idée de désertion massive que suggère l’utilisation des chiffres trop simpliste présentée dans l’article de Thomas Flagel.

Les choix de programmation

L’article met l’accent sur le fait que certains spectacles programmés au TNS l’ont déjà été dans la région et que certains spectacles étrangers qui viennent au TNS ne sont pas des créations récentes.

Évoquer, à l’appui de cet argument, la présentation à Mulhouse de la dernière création de Marta Gornika, Requiemachine, avant qu’elle n’ait été présentée au TNS, nous apparaît peu concluant. C’est oublier le fait que cette jeune metteur en scène, révélée par Le Maillon et le TNS avec Magnificat dans le cadre du Festival Premières 2012, a immédiatement suscité, de la part des deux structures et de La Filature, le désir de soutenir sa prochaine création. C’est ainsi qu’est née la coproduction de ce spectacle. Il n’est pas dans la politique du théâtre, sous la direction de Julie Brochen, d’imposer la création « inédite » de ses coproductions au TNS, sous prétexte que c’est un théâtre national. Nous avons travaillé à la programmation de ce spectacle en bonne entente avec l’équipe artistique et les partenaires coproducteurs.

Têtes rondes et Têtes pointues avait certes été programmé à La Filature avant de l’être au TNS. Mais nous ne partons pas du principe que notre public se rend systématiquement aux spectacles présentés à Mulhouse.

Les autres exemples cités par Thomas Flagel dans son article correspondent à des spectacles étrangers et ne sauraient, à eux seuls, être représentatifs de la politique conduite sous le mandat de Julie Brochen à l’endroit de cette catégorie de spectacles.

Nous défendons avant tout auprès de notre public la qualité des spectacles proposés. En outre, le succès de fréquentation des spectacles cités en exemple et les retours positifs des spectateurs montrent que leurs présences dans nos saisons ont été chaleureusement accueillies par le public.

L’absence de tournées

L’article évoque « des créations que personne n’a achetées ». Dom Juan a fait l’objet d’une tournée dans plusieurs villes. Il est vrai qu’il est plus facile de monter une tournée avec un texte de Molière qu’avec un texte de Sebastian Barry ou Howard Barker (auteurs vivants). Quant au projet du Graal Théâtre, qui réunit toujours une vingtaine d’acteurs sur le plateau, il n’est certes pas facile à « vendre », mais ne coûte pas plus cher qu’une autre création car il repose sur le principe d’une mutualisation des équipes et des coûts entre le Théâtre National de Strasbourg et le Théâtre National Populaire de Villeurbanne.

Pour autant, faut-il renoncer à défendre des auteurs vivants et des projets ambitieux ?

Suggérer que des artistes comme Catherine Marnas ou Christophe Rauck ont programmé Liquidation sur la saison 2014/2015 au motif qu’ils ont eux-mêmes été programmés au TNS est une interprétation subjective qui n’appartient qu’à l’auteur de l’article.

Au sujet de l’activité des ateliers décors et costumes du TNS évoquée dans ce même article, il convient d’ajouter qu’elle est non seulement à l’image de la qualité des compétences présentes au sein de ces outils, mais qu’en plus de participer au rayonnement du TNS, elle découle d’une véritable orientation pour développer les recettes propres de l’établissement, soutenir la création par sa valorisation en coproduction.

Le coût des films des créations du TNS

Dans son article, Thomas Flagel laisse entendre que Julie Brochen a sciemment choisi d’annuler le Festival Premières en 2011 pour financer le coût des tournages de La Cerisaie et Dom Juan. Cette analyse est erronée.

Tout d’abord, il convient de rappeler que la production du film La Cerisaie s’est inscrite au cours de l’exercice budgétaire 2010 et que la production du film Dom Juan s’est inscrite au cours de l’exercice budgétaire 2012. Il n’existe donc aucun lien avec le fait que le Festival Premières n’ait pas eu lieu en 2011.

D’autre part, il faut souligner que l’organisation de Premières est conjointe avec Le Maillon. Le report du festival était lui aussi une décision conjointe. Ce sont nos deux structures qui ont fait le choix douloureux de reporter à l’année suivante cette édition de Premières pour, notamment, alerter nos différentes tutelles sur la nécessaire pérennisation de ce festival de jeunes metteurs en scène européens. Ce report a été clairement expliqué et argumenté alors, auprès de nos tutelles ainsi qu’auprès de la presse locale et régionale.

En ce qui concerne le coût des tournages, nous renvoyons à la réponse de Philippe Avril, producteur du film La Cerisaie, réponse qu’il lui a semblé nécessaire d’écrire pour corriger des pensées qui lui ont été attribuées à tort. Son explication du montage financier est éclairante et traduit l’investissement du TNS dans ce projet, tout autant que dans le deuxième film Dom Juan, réalisé et produit par Alexandre Gavras.

En aucun cas donc, la participation du TNS à ces deux projets n’a entraîné l’annulation ou la non programmation de spectacles.

Les changements aux postes d’administrateur et de secrétaire général

Là encore, il n’y a aucun lien de cause à effet entre les choix artistiques et de programmation et le prétendu « jeu de chaises musicales » évoqué dans l’article.

En ce qui concerne les personnes ayant occupé le poste d’administrateur : le premier administrateur est tout simplement parti à la retraite ; le départ de la suivante ne relève pas d’un désaccord avec les choix artistiques de la direction ; et Antoine Mory occupe désormais cette fonction depuis le 5 novembre 2013.

Il est d’autre part inexact qu’en l’absence d’administrateur, aucun mouvement financier d’importance n’était possible. L’établissement pouvait alors fort heureusement continuer de fonctionner, bien qu’il ait fallu, en interne et en s’appuyant sur les compétences de chacun, compenser cette absence d’administrateur. La responsabilité de cette vacance de poste ne peut, là non plus, être imputée à Julie Brochen.

Quant au changement de secrétaire général, il s’agit d’une modification de l’organisation interne à l’établissement, situation régulièrement rencontrée dans de nombreuses structures comparables.

Les décisions stratégiques qui ont été prises au TNS au cours des dernières années ont été présentées, délibérées et validées par les instances de contrôle auxquelles le TNS est assujetti, comme tout établissement public. Ces instances ont pour rôle de s’assurer de la bonne gestion de l’établissement et de la bonne utilisation des deniers publics.

Établir le bilan d’un mandat de direction pour un établissement tel que le TNS est une démarche normale et légitime, qui nécessite une analyse exhaustive, prenant en compte un ensemble de points de vue.

Contrairement à ce qui est affirmé par Pierre France, à savoir « que les éléments ci-dessus ont été présentés à Julie Brochen pour qu’elle puisse faire valoir le versant positif de son bilan. Elle n’a pas souhaité le faire, dont acte. », cet article n’a en aucun cas été présenté, ni à Julie Brochen ni à aucun membre de l’équipe de direction du TNS. Seul un entretien a été proposé par Thomas Flagel à Julie Brochen sur son « bilan ». Ce à quoi elle s’était engagée à répondre favorablement après les créations de la rentrée.

Théâtre National de Strasbourg

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