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Explosion place d’Islande, la plaie toujours vive un mois après

Au matin du 22 novembre 2013, une explosion place d’Islande surprend le quartier de l’Esplanade et cause deux blessés graves. Un mois plus tard, les riverains ont toujours de nombreuses questions, et des plaies à panser. Reportage.

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Au 16 rue Jean-Henri Schnitzler, un mois après, les dégâts n'ont toujours pas été réparés. (Photo AM / Rue89 Strasbourg)

Au 16 rue Jean-Henri Schnitzler, un mois après, les dégâts n'ont toujours pas été réparés.  (Photo AM / Rue89 Strasbourg)
Au 16 rue Jean-Henri Schnitzler, un mois après, les dégâts n’ont toujours pas été réparés. (Photo AM / Rue89 Strasbourg)

Il est 10h ce vendredi 27 décembre, exactement l’heure à laquelle une explosion a eu lieu un mois plus tôt, le 22 novembre. Rue Jean-Henri Schnitzler dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg, le temps semble suspendu. Au n°16, la porte principale de l’immeuble est recouverte de carton, et les fenêtres du premier étage, où a eu lieu l’explosion, en sont aussi recouvertes. Le bâtiment n’a toujours pas été repeint et une marque noire s’incruste encore dans les murs.

Sur la porte principale, une note annonce :

Affiche non datée sur la porte de l'immeuble 16 rue Schnitzler. (Photo AM / Rue89 Strasbourg)
Affiche non datée sur la porte de l’immeuble 16 rue Schnitzler. (Photo AM / Rue89 Strasbourg)

Le premier étage est condamné. Les habitants ont été relogés à l’hôtel. La « décontamination » des fumées a duré plusieurs jours, durant lesquels tous les locataires ont reçu l’interdiction, de pénétrer dans leur appartement. Jimmy Ejnes, 20 ans, raconte que sa mère a dû séjourner dans un hôtel pendant 2-3 jours.

Mais encore aujourd’hui, l’immeuble semble désert. Seule Alexandra Eyermann se trouve dans les couloirs. Elle déménage. Cette étudiante en allemand raconte :

« Il n’y a pas que le premier étage qui a été touché, mais tous ceux d’au-dessus qui étaient dans l’axe. Moi j’habite au 7e. J’étais en cours à ce moment là. Quand je suis rentrée, mon chat était mort. Les secours n’ont pas voulu que je rentre. Je déménage car je ne peux plus rester là. Tout me rappelle l’accident. Je rentre chez mes parents en attendant. »

Et en effet, une odeur de brûlé continue d’être très présente dans les escaliers. Des bruits étranges proviennent des conduits d’aération. Les lumières rouges de sécurité clignotent poussivement, et des traces sombres sur les murs rappellent l’explosion et l’incendie qui a suivi à chaque étage.

« On a dû se mettre au sol pour pouvoir respirer »

Julie Thomas est professeur de FLE (Français Langues étrangères). A 23 ans, elle travaille à Stralang, un institut linguistique établi au rez-de-chaussée et au premier étage. Ce jour-là, elle donnait cours à l’étage. Comme ses deux autres collègues, elle était en charge d’un groupe de 6 élèves, de 19 à 42 ans. Hésitante lors de l’interview, elle serre ses mains, joue avec sa bague, se gratte la tête… Elle raconte :

« Les étudiants étaient en examen. Heureusement qu’ils n’ont pas eu de pause puisque le salon réservé aux ateliers de discussions a été mis sans dessus dessous. Ils se seraient pris le canapé. Moi j’étais devant mon ordinateur quand on a entendu un bruit sourd. Il n’était pas très fort, c’est pour ça qu’on n’est pas sorti tout de suite. On n’a pas réagi. Puis la cloison s’est affaissée. Une partie s’est effondrée sur une élève. Deux secondes plus tard, l’alarme s’est déclenchée. C’était seulement 2 secondes après, mais ça m’a paru une éternité. Tout le monde s’est précipité vers la sortie mais le canapé était en travers de la porte. On a dû l’enjamber. Au début, il n’y avait pas de fumée. Puis elle est devenue de plus en plus imposante, surtout à notre étage. On a dû se mettre au sol pour pouvoir respirer. Ensuite, j’ai fait sortir tout le monde. »

Retourné par l'explosion, le canapé de la salle de pause a bloqué la sortie des étudiants de Stralang (Photo Julie Thomas)
Retourné par l’explosion, le canapé de la salle de pause a bloqué la sortie des étudiants de Stralang (Photo Julie Thomas)

Traumatisée, il est aujourd’hui encore difficile à Julie Thomas de repenser à cette matinée. Elle pleure à chaque fois que quelques chose lui rappelle l’explosion : « L’autre jour je regardais le clip de David Guetta, Titanium. La première scène, c’est des couloirs d’écoles dévastés. Je me suis effondrée. »

L’institut pour laquelle elle travaille, prévoit de faire intervenir des associations de soutien, pour un suivi post-traumatique de ses employés et étudiants.

50 000€ de dégâts pour l’institut Stralang

Aujourd’hui, Stralang a déménagé dans une annexe temporaire à quelques mètres de là. Créé en 2009, l’institut accueillait à l’origine une vingtaine d’élèves. Après cet incident, le directeur de l’institut, M. Ayhan Tok note une baisse conséquente des inscriptions. Si les étudiants qui avaient cours lors du drame ne sont pas partis, d’autres n’ont pas renouvelé leur inscription. Ayhan Tok était en voyage d’affaire le 22 novembre, il explique :

« Les dommages matériels causés dans le bâtiment s’élèvent à environ 50 000 euros (murs, cloisons, alarme, chauffage, etc). Ils sont pris en charge par l’assurance du bâtiment, Covéa, et aussi par notre assurance professionnelle, la MAIF. Sauf les assureurs ne sont pas très réactifs. Ils nous ont demandé tous les devis pour l’expertise. Et ça fait une semaine qu’ils doivent les valider. »

Raison pour laquelle les travaux ne débuteront que le 2 janvier. Pour Ayhan Tok, c’est aussi ce qui explique l’absence de vie dans l’immeuble :

« Les habitants ne veulent plus revenir parce qu’ils ne veulent plus vivre dans un contexte aussi lourd. Ensuite, si l’immeuble est désert, c’est aussi parce qu’il y a beaucoup de soucis de coupures d’électricité. Les experts passent, on leur envoie tous les dossiers possibles et inimaginables mais ils ne répondent pas. »

Julie Thomas et le directeur de Stralang s’accordent pour dire qu’il y a peu de chances pour qu’ils reviennent dans leurs anciens locaux.

Début décembre, la police indiquait que le locataire de l’appartement où a eu lieu l’explosion aurait tenté de se suicider. Sévèrement blessé aux mains, l’homme de 34 ans est toujours hospitalisé au service des grands brûlés de l’hôpital de Metz. On ne sait toujours pas cependant, comment exactement a été provoquée l’explosion. Un flou qui entretient de nombreuses rumeurs dans le quartier, qui vont de la bouteille de gaz à l’expérience de chimie qui aurait mal tournée, en passant par une tentative de désenvoutement…

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