« Spartiates, quel est votre métier ?! » À cette question toute rhétorique, une quinzaine de forains répondent en chœur : « Ahou ! Ahou ! Ahou ! » Juste derrière eux, un monceau de palettes et de barrières de chantier bloquent fermement l’une des nombreuses entrées du centre administratif. Depuis 6h, le bâtiment colossal abritant plusieurs services de la Ville et le conseil municipal a été barricadé de toutes parts. Tant que la Ville ne s’engagera pas à leur proposer un terrain pour organiser l’édition 2025 de la foire Saint-Jean, les manifestants jurent qu’ils ne quitteront pas le parc de l’Étoile.

Tout autour de la zone, des dizaines de camions, des braseros et des barricades de fortune bloquent non seulement le bâtiment municipal, mais aussi ses alentours, le passage du tramway et une partie de la place du Maréchal de Lattre de Tassigny. À 15h, ils tenaient encore fermement leur blocage.
Pas de terrain d’entente
En tout, presqu’une centaine de forains, dont certains sédentaires, étaient mobilisés. Sur les barrières, l’ambiance reste calme et joviale. Chacun attend le retour d’une délégation partie négocier avec l’adjoint en charge de la voirie, Pierre Ozenne et la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian. « Nous ne partirons pas sans un engagement écrit de la maire. On veut qu’elle s’engage vraiment à nous donner un terrain », lance l’un des forains, qui souhaite assurer le retour de la foire Saint-Jean.

Jusqu’en 2023, la foire centenaire – elle existe depuis le début du XVème siècle – se tenait sur un terrain situé dans le quartier du Wacken. Ce dernier connaissant d’importants travaux, les forains ont été repoussés vers le Port du Rhin. Jugé trop étroit et suscitant l’ire des riverains, le choix a été contesté par la profession. Au terme d’un bras de fer avec la Ville, l’édition 2024 de la foire a été annulée et il en sera de même jusqu’en 2027, où une « plaine festive » devrait être achevée dans le quartier de la Meinau.
Récit d’un conseil chaotique
En plus des forains et d’une faune d’étudiants journalistes, les élus strasbourgeois se succèdent devant le barrage. Tous ont appris dans la matinée que le conseil municipal, qui devait se tenir à 10h, était reporté à 14h. À l’heure dite, les élus d’opposition et quelques élus de la majorité, principalement du groupe communiste, se sont rendus sur le lieu du blocage pour constater que l’accès au bâtiment était toujours impossible. « Les lycéens qui bloquent devraient venir en stage d’observation… », glisse un élu communiste avec un sourire.

Quelques minutes plus tard, tous ont reçu un mail indiquant que la maire, Jeanne Barseghian, reporte une nouvelle fois le conseil municipal à 17h. Entre les conseillers, les paris vont bon train sur l’annulation ou non de la séance. L’adoption de certains points, dont des subventions à certaines associations, inquiètent certains élus, alors que d’autres dans l’opposition craignent d’avoir droit à un conseil au rabais, expédié en quelques heures seulement. Un peu plus tard, le début du conseil est encore reporté, à 18h.
Des actions « non-républicaines »
À 14h45, Jeanne Barseghian s’est exprimée devant les journalistes et a fermement dénoncé des méthodes employées par les manifestants. L’élue écologiste qualifie le blocage du centre administratif d’action « non-républicaine et non-démocratique ». Jugeant inacceptable cette escalade d’actions des forains, elle estime que l’exécutif municipal a toujours pris le « dossier » de la foire Saint-Jean « à bras-le-corps ».
Lors de cette conférence de presse, l’édile a précisé les pistes explorées par son équipe concernant un futur emplacement pour la fête foraine avant 2027. À l’issue de la rencontre entre l’adjoint en charge de la voirie et certains manifestants, plusieurs lieux ont été écartés pour des raisons d’espace ou de sécurité. Mais la place de Bordeaux, proposition avancée par les forains, fait partie des lieux toujours envisagés.
Toutefois, une nouvelle expertise va être menée et la maire a émis de fortes réserves quant à cette option, invoquant un trafic routier particulièrement dense aux abords de la place et la présence d’installations fixes à proximité qui compliqueraient toute installation de grande envergure.
Accès au bâtiment
Peu après 15h, un accès au bâtiment est ouvert sous la menace d’une intervention des forces de l’ordre. « La police a fait comprendre qu’il y aurait une charge, si au moins un accès n’était pas ouvert », explique le conseiller d’opposition Pierre Jakubowicz (Horizons) :
« C’est Rebecca Breitman et Pernelle Richardot (deux élues d’opposition, ndlr) qui ont calmé le jeu, alors que ça aurait dû être des membres de la majorité ou du cabinet. Là, le centre administratif est livré à lui-même depuis ce matin ! »
Ces dernières ont parlé aux manifestants en leur intimant de rester hors du centre administratif. « On a pris la parole pour expliquer que s’ils rentraient, ils franchissaient une ligne rouge et qu’ils perdaient leur ligne de dialogue », explique Rebecca Breitman (Modem). Depuis, une cinquantaine de forains attend, assis non loin des portes.
Chargement des commentaires…