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Gabriel di Gregorio, éducateur de rue : « Les leçons des émeutes n’ont pas été tirées »

Absence de discussion avec les jeunes de quartiers sur les émeutes, annonces gouvernementales post-émeutes insuffisantes. Pour Gabriel di Gregorio, directeur de l’association de prévention spécialisée Jeep, les leçons des émeutes n’ont pas été tirées.

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Gabriel di Gregorio, éducateur de rue : « Les leçons des émeutes n’ont pas été tirées »

Deux drones et un hélicoptère survoleront les quartiers de Hautepierre et Cronenbourg dans la soirée du mardi 31 octobre, pour prévenir d’éventuelles violences urbaines à l’occasion d’Halloween. Pour Gabriel di Gregorio, directeur de l’association de prévention spécialisée Jeep (Jeunes équipes d’éducation populaire), qui intervient auprès des jeunes en difficulté notamment à Hautepierre, ces mesures démontrent que l’État n’a pas d’autre réponse face aux banlieues.

Rue89 Strasbourg : À Strasbourg, les émeutes de juin ont touché le quartier de Hautepierre et de Cronenbourg en particulier. Est-ce que ces événements ont eu un impact sur le travail des éducateurs de la Jeep ?

Gabriel di Gregorio : Nous avons été très mobilisés sur le terrain pendant cinq jours, du mercredi 28 juin au dimanche 2 juillet. Ensuite la situation s’est calmée, très vite. À la rentrée 2023, on s’est dit qu’on avait peu débattu avec les jeunes de ce qu’il s’était passé. C’est probablement maintenant qu’il serait intéressant d’aborder cette question, à froid, avec des groupes de jeunes et des éducateurs. Mais les jeunes sont peu enclins à en parler. Ils sont manifestement passés à autre chose. Le temps de la réflexion n’a donc pas véritablement démarré. Aujourd’hui, les leçons des émeutes n’ont pas été tirées.

Depuis les émeutes, notre méthode de travail n’a pas changé. Nous continuons d’être présents auprès des habitants. Tout au long de l’année, nous mettons en place une médiation entre le jeune et l’école quand il est en difficulté scolaire. La même médiation peut être mise en place avec les parents quand il y a des conflits intra-familiaux. Il y a enfin tout un accompagnement dans l’insertion sociale et professionnelle à travers des chantiers éducatifs. C’est ainsi qu’on accompagne les jeunes et leurs familles, en partenariat avec les institutions du quartier, comme le collège ou le centre médico-social. C’est cette proximité tout au long de l’année qui fait qu’on peut avoir un impact le soir de nouvel an.

Que fait la Jeep le soir de Nouvel an ? 

Au Nouvel an 2022, nous avions 17 éducateurs mobilisés sur l’ensemble du territoire d’action de la Jeep, de Haguenau au Neuhof en passant par Hautepierre, la Meinau et le quartier des Écrivains à Schiltigheim. En général, les éducateurs font un travail de rue et assurent une présence auprès des jeunes. Si la situation se dégrade, si ça dégénère, on essaye d’intervenir mais il y a bien sûr une consigne de sécurité aussi. Les éducateurs ne sont pas des policiers. Dans le cadre de la soirée du Nouvel an, on essaye d’accompagner au mieux les jeunes, tout en restant extrêmement prudent dans nos interventions. Mais cette présence, si elle n’était que ponctuelle, serait inutile. C’est l’accompagnement mis en place tout au long de l’année qui nous permet d’avoir un impact le soir de Nouvel an.

Est-ce que la soirée de Halloween fait l’objet de la même activité de la Jeep ?

On est un peu moins mobilisé pour Halloween. C’est une soirée qui n’est pas aussi problématique que celle de Nouvel an. Pour la soirée du 31 octobre 2023, nous serons quand même sur le terrain. Il y aura du travail de rue en fin d’après-midi, dans le quartier des Écrivains, à la Meinau et au Neuhof. À Hautepierre, des éducateurs vont emmener des jeunes pour une activité labyrinthe à Dorlisheim et il y aura aussi un tournoi de foot par le centre socio-culturel, coorganisé avec la Jeep, dans le gymnase de la maille Brigitte.

À quelles problématiques structurelles les éducateurs spécialisés sont-ils confrontés ?

Ça fait longtemps que nous alertons nos financeurs sur les services publics qui se dégradent, les inégalités qui s’accroissent et le décrochage scolaire qui a particulièrement augmenté après le covid. Il y a plusieurs phénomènes de fond, très anciens. Tant que ces problématiques ne sont pas prises en compte, il risque d’y avoir à nouveau des débordements comme ceux qu’on a connus en juin.

La Première ministre Élisabeth Borne a présenté un plan « anti-émeutes » jeudi 26 octobre. Est-ce que vous l’avez suivi, et si oui, est-ce qu’il vous semble à la hauteur de l’enjeu ?

Je n’ai pas suivi les annonces du gouvernement mais la prévention fait partie des oubliés du gouvernement concernant ce qu’il convient de faire dans les quartiers après une émeute. C’est normal qu’il y ait une dimension sécuritaire dans les annonces. Mais les émeutes surgissent en raison d’autres problématiques, empilées, imbriquées, qui nécessitent qu’on s’en occupe sur le long terme. J’attends encore des annonces contre les inégalités, sur les difficultés de la jeunesse, en faveur de l’accompagnement dans l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Mais pendant ce temps, nous continuons de faire notre travail de terrain.


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