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La gendarmerie du Bas-Rhin s’estime enfin prête à traiter les violences intra-familiales

Depuis le Grenelle des violences conjugales, lancé en 2019 par le gouvernement, les gendarmes sont formés aux violences intra-familiales et des procédures sont mises en place pour accompagner les victimes. Dans le Bas-Rhin, trois intervenantes sociales font le lien entre sécurité intérieure et prise en charge psychologique et matérielle des citoyens.

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Gendarmerie - gendarme (Photo Clément Gault / FlickR / cc)

« Entre 2019 et 2020, tous les gendarmes du département ont été formés aux violences intra-familiales », lance Jude Vinot, commandant du groupement de gendarmerie départementale du Bas-Rhin, à l’auditoire. Dans la caserne Sénarmont à Strasbourg, le gendarme accueillait vendredi 20 février la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, le président de la Collectivité européenne d’Alsace, Frédéric Bierry, et une poignée de journalistes.

Entourés d’objets de collection de la gendarmerie, les représentants de l’État et du département écoutaient attentivement le bilan de l’année 2023 : 42 000 interventions en 2023, dont 7% liées aux violences intra-familiales (soit plus de 3 000). « Un chiffre en hausse de 3% par rapport à 2022 », souligne le commandant. « Ce qui est important, au-delà des infractions, c’est d’accompagner correctement les victimes et les auteurs ». Accompagner correctement, ça veut dire écouter et communiquer avec les victimes déjà, leur expliquer pourquoi les descriptions des vêtements portés au moment d’un viol sont importantes, car elles permettent de confondre les auteurs par exemple.

3 307 situations en 2023

En 2007, la gendarmerie du Bas-Rhin s’est dotée d’une intervenante sociale, Kathia Cohen, depuis rejointe par deux collègues et une secrétaire. Formées au travail social ou à l’éducation spécialisée, elles ont pris en charge 3 307 « situations » en 2023, dont 80% leur ont été attribuées par le centre opérationnel de la gendarmerie.

« Nous travaillons à côté des gendarmes. Notre mission est d’apaiser les situations, en parallèle de leur travail d’enquête. Nous avons des permanences physiques mais travaillons surtout par entretiens téléphoniques, qui peuvent durer de vingt minutes à plus d’une heure. »

Kathia Cohen et ses collègues travaillent « très en amont » des situations judiciarisées – avant même un dépôt de plainte par exemple. « Parfois, il s’agit de broutilles qui peuvent dégénérer, c’est là que nous sommes utiles, précise-t-elle, pour tenter de pacifier les situations ». Pas de résultats quantitatifs donc, mais qualitatifs, « une porte d’entrée vers une prise en charge sociale ». Avec quelques chiffres tout de même.

En 2023, les trois intervenantes ont réalisé 3 158 entretiens téléphoniques, 117 physiques et 127 accompagnements au deuil. Elles ont orienté 791 personnes vers les services sociaux, 556 vers les services juridiques, 387 vers les services psychologiques et 385 dans une procédure de dépôt de plainte.

Après treize ans en poste, Kathia Cohen dresse un bilan très précis de l’évolution des situations qu’elle rencontre :

« Nous avons de plus en plus de situations inconnues des services sociaux. Des populations de travailleurs qui se précarisent et ne rentrent dans aucune case légale pour avoir accès à une aide sociale. Les personnes que je rencontre, ça pourrait être vous ou moi. Il peut s’agir de couples qui se séparent, mais qui n’ont pas les moyens d’avoir chacun un logement, donc qui cohabitent, et ça dégénère. Cette précarisation des publics nous préoccupe. »

En 2023, 2 600 personnes rencontrées étaient inconnues des services sociaux – 700 l’étaient. Lorsqu’ils sont déjà suivis par un travailleur social, les intervenantes de la gendarmerie ne s’en saisissent pas – pour travailler en collaboration et ne pas multiplier les prises en charge similaires pour une même famille.

Trois parquets comme interlocuteurs

Les intervenantes travaillent avec des juges aux affaires familiales sur trois parquets : Strasbourg, Saverne et Colmar. Et le traitement des dossiers liés aux violences intra-familiales est différent. À Saverne, le parquet demande une trêve systématique, même avant une condamnation pénale – deux conjoints doivent cesser de cohabiter pendant 15 jours à un mois. « C’est une approche qui fonctionne très bien », assure Kathia Cohen.

La réactivité du parquet de Saverne est comparable à celle de Colmar, lorsque le parquet de Strasbourg est réputé pour être plus long pour intervenir dans les situations transmises, selon les intervenantes sociales du service.

En 2024, l’équipe d’intervention sociale veut mettre en place une permanence dans des gendarmeries (Saverne, Molsheim, Bischwiller et Erstein) mais aussi travailler à un meilleur accompagnement pour les jeunes de moins de 25 ans et les problématiques d’addiction.

Elle se heurte à des services parfois submergés de demandes, comme les urgences psychiatriques ou l’accompagnement des addictions (Point d’accueil et d’écoute pour les jeunes, par exemple). « Nous travaillons sur la prévention du suicide, mais les personnes, si elles sont hospitalisées, ressortent souvent trop vite, faute de place », explique Kathia Cohen. En 2023, elle précise que deux auteurs condamnés pour des violences intra-familiales se sont suicidés.


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