
Interpellé, Alain Fontanel favorable à la gratuité des transports lors des pics de pollution
Interpellé par un Strasbourgeois sur la gratuité des transports en commun lors des pics de pollution jeudi 9 août (voir la lettre ouverte), Alain Fontanel, président de la Compagnie des Transports de Strasbourg (CTS) et premier adjoint (LREM) au maire de Strasbourg répond dans un texte que nous publions ici. Et surprise, il se dit favorable à l’expérimentation de cette gratuité ponctuelle.
Cher Ludovic Helbling,
J’ai bien reçu la lettre ouverte que vous m’adressez, en tant que Président de la CTS, et qui aborde, de manière posée et argumentée, la question de la gratuité des transports en commun et l’impact de la mise en place, par l’Eurométropole, des vignettes Crit’Air les jours de pic de pollution.
Je partage pleinement votre objectif de rendre les transports en commun le plus attractif possible pour inciter à leur utilisation plutôt que la voiture. La canicule de ces derniers jours et la multiplication des pics de pollution nous rappellent, une nouvelle fois, que notre modèle actuel de développement et de transport n’est pas soutenable.
Trouver un équilibre
Nous devons, plus que jamais, chercher à lever les freins à l’usage des transports en commun afin de réduire la circulation automobile et la pollution qu’elle génère. Nous devons choisir les moyens les plus efficaces d’atteindre ces objectifs tout en finançant de manière équilibrée les transports en commun sur notre territoire.
Leur coût annuel est, aujourd’hui, d’environ 160 millions d’euros, cette somme permettant de financer, d’une part, le fonctionnement des bus et tram (énergie et personnel) et, d’autre part, les investissements réalisés (nouveaux véhicules et nouvelles lignes). Si on prend les seuls coûts de fonctionnement des bus et tram (120 millions d’euros/an), ils sont actuellement financés par les usagers à hauteur de 52M€ (abonnements + tickets) et par l’Eurométropole par une subvention annuelle d’équilibre de 68 millions d’euros financée, pour l’essentiel, par un impôt dédié (le Versement transport) payé par les entreprises au prorata de leurs effectifs, à laquelle on ajoute 41 millions d’euros pour les investissements.
De 68% à 100% de subvention ?
Les transports en commun sont ainsi actuellement subventionnés à hauteur de 68% par l’Eurométropole et les entreprises, les usagers contribuant directement pour leur part à hauteur de 32% de leur coût de fonctionnement et investissement. La question que vous posez, dans votre lettre ouverte, est de savoir s’il ne faudrait aller plus loin en passant d’une subvention de 68% à 100% dans le cadre d’une gratuité totale.
Cette question s’adresse en réalité au Conseil de l’Eurométropole qui seul a le pouvoir de fixer les tarifs de la CTS et donc, le cas échéant, d’instaurer la gratuité. Cette décision, qui pèserait sur le budget de l’Eurométropole (52M€ par an à trouver), ne peut être prise par la CTS elle-même qui, pour sa part, en tant qu’exploitant d’un réseau de transport, préférera toujours que ses tarifs soient les plus bas possible pour ses usagers.
Je me permets donc de vous répondre, à titre personnel, en tant qu’élu bien sûr mais aussi comme simple citoyen, contribuable et usager (régulier et payant !) de la CTS. Si certains sont, par principe, pour ou contre la gratuité, mon approche est pragmatique et fonction de l’efficacité réelle de cette mesure au regard des objectifs que nous partageons et des questions qu’elle pose.
Encore loin d’un réseau incitatif partout à Strasbourg
Est-ce que la gratuité inciterait réellement les automobilistes à abandonner leur voiture ? Est-ce que les autres modes de financement à prévoir en remplacement sont socialement plus justes ou non ? Un automobiliste n’envisagera d’abandonner sa voiture que s’il a, à proximité de son point de départ et d’arrivée habituels, un transport en commun de qualité avec une fréquence et un temps de parcours raisonnables. Nous en sommes malheureusement encore loin pour beaucoup de citoyens qui ne bénéficient toujours pas, pour leurs trajets, d’une alternative de transport en commun crédible.
La priorité, à ce stade, doit donc – de mon point de vue – aller au développement de nouvelles lignes tout en renforçant les fréquences de desserte avec des amplitudes de service plus grandes. L’Eurométropole va devoir intensifier, dans les années à venir, ses investissements pour développer les transports en commun au profit notamment du nord de l’agglomération, avec une nouvelle desserte attendue de Schiltigheim, et des communes de la deuxième couronne tout en poursuivant l’extension du tram à l’ouest et en facilitant l’usage du TER sur son territoire.
Des améliorations qui coûteront
Ces projets pèseront sur le budget de l’Eurométropole, deux kilomètres de tram supplémentaire impliquent, à titre d’exemple, un investissement d’environ 50 millions pour un coût de fonctionnement de 1,5 million/an. Le projet de « réseau express métropolitain », qui permettrait une meilleure utilisation des TER et des gares SNCF sur le territoire de l’Eurométropole, pourrait à lui seul coûter 25 millions d’euros par an.
La question que vous posez, légitimement, est de savoir quel impact aurait la gratuité complète des transports en commun dans ce cadre. Son premier effet, immédiat, serait de priver la CTS d’une recette de 52 millions d’euros par an que l’Eurométropole aurait l’obligation de compenser en subventionnant à 100% les coûts de fonctionnement du réseau.
Le financement par l’usager, dans le cadre de la tarification sociale, serait donc remplacé par un financement par l’impôt, et par des économies à rechercher sur d’autres dépenses, ce qui, en soi, ne pose pas de problème de principe. Toutefois, la dimension solidaire du financement des transports en commun diminuerait dans la mesure où les impôts locaux reposent sur des bases anciennes et souvent socialement injustes.
Le tarif social, plus juste que les impôts locaux
À l’inverse, la participation des usagers repose, comme vous le savez, sur la situation financière et familiale réelle des abonnés avec la prise en compte, depuis que je l’ai proposé en 2010, du quotient familial. Avec ce système, la moitié des 130 000 abonnés de la CTS paye aujourd’hui au maximum 13,40€ par mois pour l’accès à l’ensemble du réseau bus et tram. Seul un abonné sur 17 environ paye le plein tarif tout en bénéficiant, pour la majorité d’entre eux, d’une prise en charge de la moitié du coût de son abonnement par leur employeur.
Ce premier impact financier pourrait être nuancé si la gratuité permettait un développement important de l’usage des transports en commun au détriment de la voiture.
Et c’est là que le débat se complique car aucune étude n’a permis, à ce jour, de trancher cette question. Les expériences de gratuité menées jusqu’ici ne sont pas – de ce point de vue – concluantes, elles posent par ailleurs d’autres questions en termes de santé publique (réduction de la marche à pied) et d’effet d’aubaine pour tous ceux qui payaient jusqu’ici et ne contribueraient plus au financement des transports en commun (touristes et habitants des communes extérieures).
Ce sont bien ces différents éléments qui ont amené la Ville de Paris à envisager d’instaurer la gratuité des transports en commun uniquement en contrepartie de la mise en place d’un péage urbain, la gratuité venant compenser la taxe voiture. Je considère, pour ma part, que la gratuité générale des transports en commun aurait, à ce stade, plus d’inconvénients que d’avantages.
Elle priverait notre collectivité des moyens financiers nécessaires à l’indispensable développement de l’offre de transports en commun tout en rendant leur financement moins juste sans pour autant avoir l’ensemble des effets bénéfiques espérés.
Favorable à la gratuité les jours de pollution
Je vous rejoins, en revanche, quand vous évoquez le caractère discriminatoire des vignettes Crit’Air et le manque de lisibilité de la réduction tarifaire proposée les jours de pic de pollution.
La mise en place d’une gratuité ponctuelle, les jours de circulation limitée, me semble ainsi avoir, quant à elle, plus d’avantages que d’inconvénients. Elle donnerait un signal clair à tous ceux dont le véhicule ne répond plus aux exigences de qualité de l’air tout en proposant une contrepartie socialement équitable aux limitations de circulation. Elle résoudrait par ailleurs la question des contrôles voyageurs les jours de pic de pollution que vous évoquez dans votre lettre. Il faudrait que l’Eurométropole en évalue le coût et étudie ses modalités de mise en œuvre avant décision.
La lutte contre la fraude demeure, de manière générale, indispensable afin que chacun contribue bien, à hauteur de ses capacités financières avec la tarification solidaire, au fonctionnement et au développement des transports en commun sur notre territoire. C’est aussi un enjeu financier non négligeable, les pertes de recettes liées à la fraude étant évaluées à près de 5 millions d’euros par an.
Je retiens cependant volontiers l’idée d’instaurer, comme vous le suggérez implicitement, un droit à l’erreur ou, en l’occurrence, à l’oubli ponctuel du titre de transport pour les usagers ayant effectivement un abonnement. Je souhaite que nous puissions avancer dans cette direction avec les services de la CTS.
Trouver des alternatives crédibles
Notre territoire, comme beaucoup d’autres, suffoque sous l’effet du réchauffement climatique et de la pollution de l’air avec des effets sociaux, de santé publique mais aussi économiques de plus en plus graves.
Nous devons, pour relever ces défis majeurs, favoriser par tous les moyens disponibles les mobilités alternatives à la voiture. Les transports en commun, mais aussi le vélo, doivent devenir des alternatives crédibles pour tous les habitants de notre territoire et pas uniquement pour ceux du centre de la métropole.
Cela nécessitera d’importants investissements publics, pour développer une nouvelle offre de transports propres, mais aussi du courage, celui d’expliquer, en toute transparence, pourquoi de nouvelles restrictions de circulation sont inévitables pour les véhicules les plus polluants.
Nous sommes face à un véritable défi structurel qui nécessite un ensemble de mesures fortes, volontaristes et cohérentes. Il nous faudra aussi trouver, collectivement, les moyens de financer – et compenser – ces différents dispositifs de manière juste et équilibrée. J’attends, dans ce contexte, avec intérêt les résultats des études lancées par la Ville de Paris sur ces questions et sur la gratuité ponctuelle des transports en commun (à certains horaires ou jours) afin de voir quels enseignements nous pourrions éventuellement en tirer pour notre propre territoire.
J’espère avoir répondu à vos questions en partageant avec vous, de manière transparente, mes réflexions mais aussi mes doutes sur un sujet complexe sur lequel je ne détiens, pas plus que d’autres, la vérité absolue mais qui doit toutes et tous nous mobiliser au nom de l’intérêt général.
Je reste bien évidemment ouvert à toute discussion complémentaire sur ces questions comme sur d’autres.
Très cordialement,
Alain Fontanel
Même si pour le moment la gratuité ne serait aquise qu"en période de pollution, je me réjouis de voir que la notion de gratuité n'est plus balayée d'un revers de la main.
Ça nous apprend qu'Alain Fontanel est moins rigide que sont apparence le laissait supposée.
Si je partage pas mal des arguments d'Alain FONTANEL, je ne les trouve pas convaincants. Sa réponse est trop longue - et trop technique - pour constituer une alternative politique publique crédible. En clair son courrier est entre deux rives - celle de la réponse à un usager et celle d'une communication publique.
Elle est insuffisante de la part du leader local de la République en Marche qui briguerait le mandat municipal voire communautaire.
La principale de ces insuffisances réside d'ailleurs dans le fait qu'en 2021 nous n'élirons probablement pas directement le-la Président-e de l'Eurométropole dont dépendront les compétences qui permettraient de répondre aux enjeux si importants qu'évoque Alain FONTANEL.
A qui la responsabilité de cette situation si ce n'est à la République en Marche qui mène le débat parlementaire national et n'a pas le courage de rendre applicable les orientations dans ces domaines des lois décidées auparavant ?
Il n'est pas évident que la gratuité puisse provoquer un report de la voiture vers les transports en commun; mais cela engendrerait plutôt un report du vélo ou de la marche vers les transports en commun. Ce n'est pas le but.
D'autre part, il y a un mécanisme "gratuit" = "pas de valeur" à éviter à cause de toutes les dérives que cela peut comporter (je ne déroule pas ici)
De plus les usagers s'approprient nettement plus l'objet et donc le respecte plus.
Une partie des agents sont convertis en agents d'accompagnement qui leur permet de donner une présence qui génère des interactions positives.
Et en ce qui concerne les bilans de la gratuité ils sont mitigés car en général les essais qui ont été fait reposaient sur de la gratuité partielle et que donc les frais de fonctionnement du système payant continuaient à avoir cours. Il faudrait des exemples plus complets pour avoir une réelle base de comparaison.
Bon c'est plus simple de parler de gratuité de transport que de constructions illégales dans le secteur sauvegardé à Strasbourg.
Considérant que c'est le citoyen qui doit se charger de défendre les règles de notre ville ?ll
J'attends un élu qui ait le courage défendre les intérêts des citoyens.
Mesure à prendre pour tous les citoyens ou uniquement les habitants de l'Eurométropole?
Nos compatriotes venant de l'extérieur travailler à Strasbourg bénéficient déjà d'aide sociale par une prise en charge partielle de leur abonnement de transport(s).
Ils ont pris la décision de ne pas habiter dans l'agglomération pour différentes raisons qui vont du terrain moins cher à l'héritage de maison ou du choix d'un cadre de vie qui leur convient mieux.
Vous ne voulez ps comprendre mon argumentaire. Savez-vous qu'il y a des débats autour de la construction et donc du financement des aires de covoiturage (voir les DNA à ce sujet) devant les gares du... Bas-Rhin. Certains maires ne veulent pas payer pour l'aménagement de ce type de zone quand ça ne les concerne pas les voitures venant des communes mitoyennes.
La gratuité pour le transport est un vaste futur débat!
il s'agit d'un parking de gare pas une aire de covoiturage!!!
mais le raisonnement demeure...!
1 Pour & personne seule, le relais tram est + cher que le ticket A/R.
---> autant faire qq petits km pour aller en ville en bagnole.
2 Pour les non-abonnés trajet travail, toujours pas de ticket unique train/tram à un tarif moins cher que les 2 tickets séparés...
---> alors pourquoi prendre le train ?
3 Réunion du soir : Bagnole obligatoire, il n'y a plus de train...
4 Faire un GCO qui va bouffer plein de fric, qui ne résout AUCUN problème de circulation à Strasbourg et qui pompera l'argent qui ne pourra être investit dans les transports alternatifs, le GCO attirera encore + de voiture pour boucher les entrées de la ville.
-----> tout serait-il fait pour ne résoudra aucun problème majeur, et surtout pas celui de la pollution ? En tout cas il résoudra les Pb de Vinci & Cie et les chers... très chers actionnaires... au dépend de la bourse du citoyen moyen et pauvre, les citoyens bien riches n'auront aucun problème, leurs véhicules seront tout beaux, tout neufs et remplacer sans créer de soucis financiers...
Quel est le cout du payant ?
Par cela j’entends, combien coute le dispositif total d'avoir un système basé sur le payement :
- Quel est le cout des machine émettrices de billets.
- Quel est le bout des machine de validation des billets
- Quel est le cout de leur entretient annuel ( contrats de maintenance, nombre d'employés )
- Quel est le cout des employés dédiés au contrôle
- Quel est le cout d'impression des ticket et le cout de leur recyclage ( ou de leur absence hélas )
- Quel est le cout des dégradations faites sur toutes ces machines ?
- Quel est le cout des comptoirs commerciaux de la CTS ( loyers, informatique, employés ... )
Et à partir de là je serai curieux de savoir dans quelle mesure le payant ne sert-il pas à ... financer le payant avant tout ...
J'ajouterai également :
- le coût de la gestion des amendes, de leur recouvrement, de leur mise en contentieux ;
- le coût de la gestion commerciale des abonnements, des frais bancaires des prélèvements automatiques,
On m'enlèvera pas que cela doit faire une sacrée somme au total.
Est-ce que cette approche a déjà été documentée ?
"Si on prend les seuls coûts de fonctionnement des bus et tram (120 millions d’euros/an), ils sont actuellement financés par les usagers à hauteur de 52M€ (abonnements + tickets) et par l’Eurométropole par une subvention annuelle d’équilibre de 109 millions d’euros financée, pour l’essentiel, par un impôt dédié (le Versement transport) payé par les entreprises au prorata de leurs effectifs."
La phrase suivante résume le débat entre financement par l'EMS (et donc par les entreprises via l impot) versus financement par les usagers.
Pour être complet, les entreprises peuvent échapper à cet impôt en.prenant elles même en charge le transport de leurs salariés (quelques gros employeurs le font par des système de bus qui leurs sont propres).