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La justice relaxe Yann, perquisitionné et gardé à vue pour des tags

Yann, étudiant militant, avait été interpellé le jeudi 13 janvier pour deux tags lors d’une manifestation. Il avait passé 48 heures en garde à vue et son domicile avait été perquisitionné. Cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Strasbourg mardi 1er mars, il a été relaxé pour tous les chefs d’accusation.

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La justice relaxe Yann, perquisitionné et gardé à vue pour des tags

« Je suis très soulagé », commente simplement Yann en sortant du tribunal judiciaire de Strasbourg ce mardi 1er mars. Il était poursuivi par le parquet pour « dégradation ou détérioration légère de bien destiné à l’utilité ou la décoration publique par inscription d’un signe ou d’un dessin », « menace de mort ou d’atteinte aux biens dangereuse à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique » et « refus de se soumettre au prélèvement biologique ».

Le tribunal a rejeté tous les chefs d’accusation. Il relaxe Yann « au bénéfice du doute pour les tags et la menace de mort », et pour « nullité de procès verbal » en ce qui concerne l’accusation de refus de prélèvement d’ADN.

Une quinzaine de personnes sont venues soutenir Yann pour son audience le 1er mars. Photo : Danaé Corte / Rue89 Strasbourg / cc

L’histoire remonte au 13 janvier 2022. Aux abords d’un rassemblement des employés de l’éducation nationale, le jeune homme avait été interpellé par des policiers qui le soupçonnaient d’avoir tagué « ACAB (All Cops Are Bastards, tous les flics sont des bâtards) » et « Mort à Blanquer » (du nom du ministre de l’Éducation Nationale) pendant la manifestation, ce qu’il niait. S’en était suivie une garde à vue de 48h et un déferrement devant le parquet. En outre, l’étudiant en master de sociologie était interdit de manifestation sur le territoire alsacien jusqu’à son audience devant le tribunal correctionnel.

« Des habits comme ça, on en voit partout en manifestation »

Avec une quinzaine d’amis derrière lui dans la salle d’audience, Yann a les épaules raides quand il arrive à la barre. La présidente lui décrit une vidéo de surveillance dans laquelle on voit un homme avec une casquette, une capuche et des gants noirs, taguant un abribus rue de la Toussaint. Elle lui montre plusieurs photos des affaires qu’il portait au moment de la garde à vue. Celles-ci semblent correspondre à la vidéo.

L’étudiant en master de sociologie affirme qu’il ne se reconnaît pas : « Des habits comme ça, on en voit plein dans les manifestations », soulève-t-il.

Son avocate, Me Sendegul Aras, relève plusieurs incohérences dans les pièces présentées par le parquet :

« L’individu ne porte pas de gants noirs, alors que Yann en avait lors de sa garde à vue. De plus, lors du procès verbal d’interpellation, les policiers avaient identifié une bombe de peinture dans son sac, ce qui semblait impliquer Yann dans les faits de dégradation. Or sur le procès verbal de fouille (intervenu avant la garde à vue), la bombe de peinture n’est pas mentionnée. »

Pour deux tags, Yann a passé près de 48 heures en garde à vue, avec perquisition du domicile et mesure de privation de liberté jusqu’au 1er mars 2022, date de son audience au tribunal correctionnel de Strasbourg, où il a été relaxé. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Un seul témoignage de policier

La présidente présente le seul témoignage du dossier de l’instruction, livré par un policier. Il y décrit un individu avec « une casquette noire, des gants noirs, un jean gris et un drapeau noir et rouge « d’anarchiste » ». Cette description « extrêmement précise » selon la présidente semble correspondre en tout point à la tenue que Yann portait le jour de la manifestation.

Me Sendegul Aras considère que ce témoignage ressemble à « un heureux hasard » :

« Le policier dit avoir vu Yann à la manifestation et l’avoir reconnu en train de taguer l’abribus. Ce témoignage est intervenu quelques minutes avant le premier déferrement de Yann, donc après sa garde à vue. Pourquoi ne pas l’avoir interpelé au moment des faits s’il l’avait pris en flagrant délit ? »

« J’avais l’impression d’être un grand criminel »

Lors de sa garde à vue, Yann avait été réveillé à 3h du matin dans la nuit du 13 au 14 janvier par trois agents de police judiciaire. Le jeune homme avait, à ce moment là, refusé de se faire prélever son ADN. « Je trouvais cela trop pour des tags, j’avais l’impression d’être un grand criminel. C’était une mesure autoritaire et disproportionnée », justifie Yann, qui se dit « choqué » suite à cette garde à vue.

L’avocate a relevé que son client était en droit de refuser que les policiers ne prélèvent puis ne conservent son empreinte biologique. Celle-ci ne peut être conservée dans le Fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) que sur demande d’un officier de police judiciaire (OPJ) ou par le parquet, ce qui n’était pas le cas. De plus, la conservation de l’ADN d’un accusé ne se fait qu’en la présence « d’indices graves et concordants de l’infraction ». À ce moment-là, Yann était seulement soupçonné des faits reprochés.


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